I) Uriage, une matrice.

Dans les maquis de la Résistance qui entouraient Annecy et qui furent les artisans de la libération de la ville sans aucun concours extérieur en août 1944, plusieurs responsables avaient été en contact avec des représentants de la célèbre Ecole Nationale des Cadres d’Uriage (ENCU), dont Bernard Comte a retracé l’histoire dans sa thèse⁶⁰⁰, et certains membres du Comité départemental de Libération avaient eux-mêmes suivi un stage à Uriage. Il n’est pas possible de reprendre l’ensemble de cette histoire qui a suscité bien des controverses⁶⁰¹ quant à la position effective des membres les plus influents de cette institution par rapport aux autorités de Vichy, et leur éventuelle responsabilité dans la confusion des valeurs qui ont accompagné le régime de collaboration.

Cependant, au-delà de la polémique, force est de constater que durant presque trois ans cet établissement de formation a vu passer dans ses murs près de 3500 hommes, jeunes pour la plupart, et leur a dispensé une méthode d’intervention sociale dont la visée n’était pas limitée à la libération de la France mais à la reconstruction du pays⁶⁰². Le Bureau d’Etudes, dirigé par Joffre Dumazedier et Hubert Beuve-Méry, affina les méthodes d’enquêtes que les Equipes sociales de Robert Garric avaient développées avant la guerre⁶⁰³, et qu’un autre uriagiste, Chombart de Lauwe, systématisera dans son travail de sociologue. Référence est faite également au “ voir-comprendre-agir ” de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne. Initiation à l’enquête, sensibilisation à la détection et à la formation des cadres, ouverture aux œuvres de l’esprit, tel était l’apport essentiel d’Uriage aux hommes qui venaient suivre les stages. Cet ensemble d’objectifs et de méthodes, ainsi que les fondements historiques et théoriques de la démarche seront rassemblés dans ce qui constitue la “ somme ” de ce courant, Vers le style du XXème siècle, rédigé sous la direction de Gilbert Gadoffre⁶⁰⁴, après la fermeture de l’ENCU à la fin de 1942.