1. Archéologie d’une parole

A. De quelques « déterminations enfantines »

Ponge a lui-même fourni bon nombre d’indications52 sur ce qu’il nomme ses « déterminations enfantines ». C’est le terme qu’il emploie dans les Entretiens avec Philippe Sollers, précisant qu’il lui « paraît très utile d’y revenir » (EPS 40). J’y reviens donc, tout en étant consciente qu’elles participent d’une reconstruction par Ponge de son image, d’une relecture de son histoire, et que c’est rétrospectivement qu’il leur donne – et nous avec lui – une valeur explicative. Ceci n’enlève cependant rien à leur valeur dans la mesure où le but n’est pas ici d’établir une vérité historique, mais de tenter de saisir comment Ponge lui-même articule sa conception de la parole à certaines représentations originelles. Celles-ci me semblent précisément susceptibles de jeter quelque éclairage sur la manière dont Ponge, au seuil de son œuvre, envisage la parole.

C’est d’abord son appartenance nîmoise que Ponge, avec insistance, souligne. Nîmes « dont on sait quec’est la ville la plus romaine de France » (EPS 41), le rattache à la provincia romaine, dont les vestiges épigraphiques l’ont, dit-il, très tôt impressionné. A Nîmes et à Avignon53, il a « eu sous les yeux, au début de [s]on enfance » ces « inscriptions sur les dalles ou les stèles romaines » dont il considère qu’elles « ont certainement marqué [s]a personnalité » (ibid., 41). L’imprégnation par la culture romaine, sensible dans toute son œuvre, a donc d’abord pris la forme, chez lui, d’une sensibilité à l’épigraphie, qui me semble déterminante quant aux premières représentations qu’il s’est formées de la parole. De son goût profond pour la parole inscrite dans la pierre, il ne se départira jamais ; l’écriture du Malherbe sera pour lui, dans sa maturité, l’occasion de le réaffirmer et d’en prendre une conscience claire : « j’ai toujours considéré, depuis mon enfance », écrira-t-il en 1955,

‘que les seuls textes valables étaient ceux qui pourraient être inscrits dans la pierre ; les seuls textes que je puisse dignement accepter de signer (ou contresigner), ceux qui pourraient ne pas être signés du tout ; ceux qui tiendraient encore comme des objets, placés parmi les objets de la nature : en plein air, au soleil, sous la pluie, dans le vent. C’est exactement le propre des inscriptions. Et certes, je me souvenais, inconsciemment ou non, pensant cela, des inscriptions romaines de Nîmes, des épitaphes, etc. (PM, II, 160). ’

Cette prégnance du modèle épigraphique éclaire l’imaginaire de la parole chez Ponge : on ne peut guère imaginer de parole plus séparée de sa dimension corporelle, de son actualisation orale, que celle d’une formule gravée dans la pierre. Le modèle de la parole est ici lapidaire, à tous les sens du terme : son support est la pierre plutôt que le corps, et sa dimension discursive disparaît au profit d’une indispensable concision. A la densité de la pierre support s’ajoute celle de la formule qui s’y inscrit. Non seulement donc la parole est d’abord écriture, mais l’écriture est d’abord inscription. Elle est par là nécessairement impersonnelle, sa valeur n’étant nullement liée à l’individu qui en est à l’origine (elle peut « ne pas être signée du tout »), mais à sa capacité de durer en-dehors de lui, de représenter une forme de pérennité et en somme une autorité indépendante de son auteur. Dans cette conception de la parole, tout ce qui la relie à son énonciation et en particulier l’inscrit dans un déroulement temporel est évacué. Ce modèle, même si, progressivement, Ponge en élabore d’autres qui entrent en tension avec lui, ne cessera jamais de fonctionner comme référence.

L’imprégnation épigraphique se prolonge, d’après Ponge, tout au long de son enfance et de son adolescence, même au-delà du contexte géographique nîmois. Il en fait un phénomène continu, que n’interrompt nullement l’installation de sa famille à Caen, alors qu’il est âgé de dix ans. Cette ville fournit au contraire un relais puisqu’elle lui offre l’occasion d’une confrontation quotidienne à une autre inscription épigraphique déterminante : celle de la façade de la maison natale de Malherbe, devant laquelle il passe tous les jours pour se rendre au lycée, et qui porte « ces mots en lettres gravées voici trois siècles, au temps où l’on faisait bien les choses : "ICI NAQUIT MALHERBE EN 1555" » (PM, II, 14). Comme le souligne Jean-Marie Gleize, « il s’agit là d’un "biographème" pongien, auquel tient absolument l’auteur, puisqu’il le constitue en maints endroits de son texte et de son discours, comme une scène originaire » 54. Le goût de Ponge pour la formule lapidaire se verra renforcé, à la même époque, par sa découverte du latin, langue concise entre toutes, par laquelle, dit-il, « tout de suite, [il a] commencé à être passionné », ajoutant que « ce qu’ [il a] toujours essayé de faire par la suite, c’est, par [s]on écriture, de rapprocher le français du latin » (EPS 45), de lui rendre « cette profondeur qui lui vient de ses origines latines »55 (ibid., 46). Mais la profondeur, la considération de l’épaisseur des mots, constante chez Ponge, n’est pas seule à être offerte en modèle par les Latins : citant comme ses « maîtres » Lucrèce ou Tacite, Ponge précise, dans une association révélatrice entre densité et tragique, que « c’est chez eux que la densité de la langue latine, qui est déjà fort dense par elle-même, se trouve portée à son comble, et c’est là aussi que se trouve le tragique » (ibid., 46). Or le sentiment tragique, bien que très retenu dans son expression, est caractéristique, tout autant que la densité extrême, de la première « manière » de Ponge, celle des textes d’avant Le Parti pris des choses. En tout état de cause, l’aspiration à la densité (lapidaire, oraculaire) inhibera longtemps la possibilité d’une euphorie discursive, à laquelle Ponge n’accédera que progressivement et difficilement.

Deuxième imprégnation massive, que Ponge évoque sans toutefois y insister autant que sur la précédente : la tradition protestante, ancrée dans sa famille depuis des générations. « Un jeune homme d’esprit vif, passionné, absolu, élevé dans la religion réformée », tel est le portrait rétrospectif qu’il fera de lui-même dans Pour un Malherbe (PM, II, 190). Or ceci intéresse de près la question de la parole car l’éducation protestante implique sous cet aspect deux tendances essentielles. D’abord celle qui porte à une rigueur morale extrême, à une conscience scrupuleuse voire rigide. Or Ponge, dans son exercice de la parole, témoigne à l’envi de ces scrupules (le mot lui-même est maintes fois employé par lui à propos de son travail d’écriture), ceux-ci prenant même la forme, au seuil de son œuvre, de censures et d’impératifs susceptibles, à force de recherche de la perfection, de transformer l’écriture en torture. D’autre part, la religion protestante suppose une relation privilégiée à la (divine) Parole, dont le croyant est censé se nourrir. A l’arrière-plan de toutes les méditations de Ponge sur la parole, il y aura cette Parole-là, quand bien même l’auteur se proclamera, à l’occasion avec virulence, athée et même « déiphobe » (NNR II, II, 1198). Parole dont toute la tradition judéo-chrétienne valorise la dimension orale, parole toujours portée par une voix – celle du Dieu de l’Ancien Testament, celle des prophètes, vecteurs vivants de cette parole, celle du Christ, Verbe incarné56. C’est pourtant sous l’aspect de l’écrit que Ponge souligne, dans les Entretiens, le rôle de modèle joué pour lui par la Bible. Evoquant le « livre que lui a donné sa mère au moment de sa première communion, qui est une Bible protestante»57, il donne à cette bible, de par sa disposition typographique particulière, valeur de référence formelle, dans la mesure où elle incarnerait un livre total, à la fois unifié et capable d’intégrer toutes les « reprises », « variantes » et « diversifications » des thèmes (EPS p 105-106). On reconnaît bien sûr là ce qui, parallèlement à l’idéal de concision lapidaire, constituera, à partir de La Rage de l’expression, un deuxième pôle esthétique. Cette référence, établie dès l’enfance, au texte biblique dans son organisation matérielle, donc à une mise en forme humaine de la Parole divine, (référence dont l’origine est cette fois maternelle, il faut le noter), est importante car c’est elle peut-être qui indique l’écriture comme voie d’accès, comme possibilité d’intervention face à l’autorité écrasante de la Parole.

Troisième imprégnation notable : la bibliothèque et la culture paternelles, et en somme la figure paternelle elle-même58. De cette initiation, par le père, aux arcanes du langage, le Littré est le principal emblème :

‘Mon père avait, dans sa bibliothèque, le Littré, qui a eu une si grande importance pour moi, où j’ai trouvé un autre monde, celui des vocables, des mots, (...) un monde aussi réel pour moi, (…) aussi physique pour moi que la nature (EPS 46). ’

Grâce au Littré, le monde du langage prend aux yeux de l’enfant une importance, une consistance égale à celle du monde réel, position que Ponge reconnaîtra plus tard comme proche de celle de Mallarmé. La prise en compte de l’épaisseur des mots devient consubstantielle à l’exercice de la parole, ce qui ne va pas sans faire de celle-ci un exercice extrêmement complexe et exigeant : « mon travail sur les mots avec le Littré aboutit non pas à les respecter, mais à les respecter outre mesure, en respectant la totalité de leur sens sémantique », écrira Ponge en 1941 (« Première méditation nocturne », NNR, II, 1182). Les tourments qu’il vivra au début de son œuvre, dans sa tentative de prise en compte absolue du « monde » des mots, semblent l’illustration de la remarque que fera plus tard Valéry59, selon laquelle le mot, qui paraissait clair lorsqu’ « il n’était qu’un moyen », une fois « devenu fin » « se change en énigme, en abîme, en tourment de la pensée… »60. La considération de la profondeur du langage rend impossible, toujours selon l’expression de Valéry, que le locuteur se serve des mots comme de ces « planches légères que l’on jette sur un fossé » et où l’on « passe sans peser »61. Chez Ponge, le fossé prendra la dimension d’un « précipice » (M, I, 660), d’un « remous insondable », « infini tourbillon du logos » (NNR 1180), et cela d’une façon particulièrement cruelle au début de son œuvre. Ce qui entraînera du même coup une profonde remise en question des possibilités de communiquer, puisque « nous ne comprenons les autres, et… nous ne nous comprenons nous-mêmes, que grâce à la vitesse de notre passage par les mots »62.

Médiateur de l’accès à la profondeur de la langue, le père joue le même rôle par rapport à la culture et à la morale, avec la composante, soulignée par Ponge, d’une initiation précoce à un idéal viril et héroïque : « Petit garçon, j’ai été élevé dans l’amour des héros. / Rôle de mon père » (PE, II, 1011), note dans les années vingt Ponge, qui soulignera, bien plus tard, dans Pour un Malherbe, qu’il a été « élevé selon les principes de la vertu romaine » (PM, II, 190). L’idéal viril incarné par le père semble avoir orienté significativement les goûts littéraires du fils. C’est en tout cas à cet idéal qu’est clairement articulé dans le Malherbe le rejet de la littérature à la mode lors de l’adolescence de Ponge :

‘1900 venait d’être un nouveau « fin du XVIè », avec ces barbiches en pointe, ces caracos, ces petits chapeaux ronds (…) ces petits mignons Henri II et III : Barrès, Pierre Louÿs. Mais mon père, c’était le collier de barbe franc : Coligny (PM, II, 6). ’

De l’œuvre des symbolistes, lue très tôt63, Ponge déclare :

‘cela me répugnait, répugnait à mon goût profond (…). Cela me semblait (…) faible, lâche, déliquescent, (…) d’un lyrisme mou, enfin quelque chose qui allait parfaitement à l’encontre de mon goût, de mes déterminations (EPS 58). ’

C’est contre ce qu’il perçoit comme une déliquescence que Ponge concevra d’abord sa parole, dans une aspiration à lui conférer un peu de la solidité des stèles romaines. Idéal héroïque et autorité des inscriptions épigraphiques convergent dans leurs effets. Il faut signaler, là encore, le rôle d’interlocuteur privilégié et de conseiller joué par le père au moment des premières tentatives littéraires de son fils. La correspondance, ainsi que les Pages d’Atelier, en témoignent64. Le père aura été le premier lecteur et le premier commentateur de son fils : « Armand Ponge fut le premier à écrire sur F.P., en 1922 »65, rappelle Jean-Marie Gleize66.

Pour terminer, il faut mentionner ces imprégnations plus tardives que furent les études entreprises par Ponge après son baccalauréat (études que la guerre, et sans doute un certain dilettantisme viendront interrompre). Elève d’hypokhâgne au lycée Louis-le-Grand en 1916, il est en 1918 reçu en première année de droit et admissible à la licence de philosophie la même année. Peut-être est-ce de ses éphémères études de droit que sont issues les nombreuses métaphores juridiques qu’il applique à la parole, en particulier la notion de magistrature du Verbe qu’il exposera dans le Malherbe. Encore qu’aussi bien peut-on interpréter à l’inverse ses études de droit comme la manifestation d’un goût précoce pour la loi et sa formulation… Quant aux études de philosophie, elles nous rappellent opportunément quePonge, qui se plaira plus tard à se présenter comme incompétent dans le domaine philosophique – « les idées ne sont pas mon fort » écrira-t-il, parodiant Valéry, en 1947, dans « My creative method » (M, I, 515) – parle de la philosophie en toute connaissance de cause67. Mais son apprentissage de la philosophie semble l’avoir conduit à un profond sentiment de malaise voire de malheur face à l’expression des idées abstraites, sentiment dont l’écho s’entendra dans toute son œuvre. Dans un texte daté de janvier 1919, il l’analyse ainsi :

‘c’est alors [en hypokhâgne] que le contact de grands esprits (…) me jeta dans le désespoir de ma faiblesse de raisonnement, de ma médiocrité d’idées, et c’est alors que je cherchai furieusement l’originalité qui me mît au niveau de ces intelligences ; sinon au point de vue logique et puissance d’idées, du moins, en général, dans la balance des facultés, puisque, par l’originalité sentimentale et du style, je leur étais supérieur (PAT, 27-28). ’

Lorsque Ponge déclare, dans les Entretiens, que c’est essentiellement par « dégoût » du langage ordinaire qu’il en est « venu à écrire » (EPS, 15), il faut sans doute étendre aux idées ce dégoût initial et moteur. C’est en effet avec ce même mot, et avec des images identiques à celles qu’il emploie pour stigmatiser la parole sale et informe, que Ponge dira, en 1943, sa répugnance pour le maniement des idées :

‘Si j’ai choisi de parler de la coccinelle, c’est par dégoût des idées. Mais ce dégoût des idées ? C’est parce qu’elles ne me viennent pas à bonheur, mais à malheur. (…) C’est qu’elles me bousculent, m’injurient, me battent, me bafouent, comme une inondation torrentueuse. (…) (Non que je ne les atteigne pas, mais je ne domine pas leur cours) (PR,I, 214). ’

Cependant, parallèlement aux études, les lectures personnelles du jeune homme, et en particulier celle de Mallarmé, sont déterminantes quant à sa façon de concevoir la mise en œuvre de la parole. Quand Ponge découvre-t-il Mallarmé ? Probablement tôt ; avant janvier 1922, en tout cas, date où il écrit à Gabriel Audisio :

‘Il est exact que Mallarmé m’a produit une grosse impression (…). Je me proclame disciple de Mallarmé et je prétends (…) que cette poésie mallarméenne ne fut pas seulement une « splendide expérience » mais qu’elle est et restera le point de départ d’une nouvelle poésie 68. ’

La découverte de Mallarmé peut être considérée comme le dernier d’une série de facteurs qui préparent le terrain à une véritable religion de la parole. Religion que Ponge plus tard revendiquera pleinement, mais seulement lorsqu’il l’aura redéfinie à sa façon. Au moment où il sort de l’adolescence, elle correspond surtout à une conception de la parole, aussi imposante que susceptible d’être paralysante, comme porteuse d’une autorité suprême, manifestée dans le modèle épigraphique par son indépendance totale vis-à-vis du passage du temps et de la personne (contingente) qui la profère. C’est une parole hors des contingences humaines : le temps, le corps. Une parole éternellement valable et désincarnée. Symbole d’autorité, la parole l’est aussi en ce qu’elle renvoie à la grandeur, qu’elle émane d’une puissance : la fascination pour l’inscription épigraphique renvoie à un idéal romain de majesté, à l’autorité d’un empire. Il s’agit d’un empire où règne, notons-le, le paganisme, que Ponge, plus tard, élira ostensiblement comme référence, contre le christianisme.

Et cependant la tradition judéo-chrétienne imprègne probablement de façon déterminante, bien que moins explicite, son imaginaire de l’épigraphie, par l’intermédiaire des Tables de la loi, où les commandements se trouvent, eux aussi, gravés dans la pierre69. Derrière l’image des stèles romaines, il y a celle des Tables de la Loi, que tient solennellement en main le patriarche barbu, incarnation de la toute-puissance paternelle. En tout état de cause, aux yeux de Ponge, la parole dit la Loi. Plus tard, il en viendra à désigner son exercice comme celui de la magistrature suprême (« la magistrature supérieure : former, formuler la Loi ») (PM, II, 145), remplaçant Moïse par un autre ancêtre, Malherbe, dont il fera le fondateur d’une « loi » profondément différente. Mais la parole, initialement perçue comme émanation morale (qu’elle renvoie, explicitement, à la grandeur héroïque romaine ou, plus souterrainement, aux commandements divins) restera toujours pour lui inséparable de la dimension éthique70. Cette conception exclut d’emblée l’usage de la parole à des fins d’expression lyrique des sentiments, usage absolument incompatible avec l’idéal d’une autorité intemporelle et indépendante par rapport à son locuteur, donc impersonnelle. A partir de là, Ponge aurait pu s’orienter vers une poésie gnomique, mais ce ne sera pas si simple puisqu’il refusera de mettre la parole au service de la signification, souhaitant au contraire que son autorité ne lui vienne que d’elle-même, de sa matérialité, de l’épaisseur des mots, très tôt entrevue et aimée. En tout état de cause, le contexte historique n’est nullement favorable à l’expression de valeurs philosophiques et morales : la France de 1916 n’est pas l’empire de la pax romana, mais un pays en proie à un bouleversement qui s’accompagne d’une remise en cause des valeurs et qui hypothèque, sans doute définitivement, la possibilité d’une foi spontanée dans le pouvoir des mots à les incarner.

Notes
52.

Notamment dans Pour un Malherbe et dans les Entretiens avec Philippe Sollers.

53.

Bien que Ponge soit né à Montpellier, le 27 mars 1899, sa famille est nîmoise, et ses parents s’installent à Nîmes peu après sa naissance, puis un an plus tard à Avignon, où Ponge habitera jusqu’à l’âge de dix ans.

54.

Jean-Marie Gleize, Francis Ponge, op. cit., p. 12.

55.

Sur la latinité chez Ponge, comme « donnée immédiate de sa personnalité », voir l’article très éclairant de Bernard Veck, « Francis Ponge ou du latin à l’œuvre », in Francis Ponge, Cahiers de l’Herne, sous la direction de Jean-Marie Gleize, Paris, Editions de l’Herne, 1986, p. 367-398.

56.

Sur cette question du « phonocentrisme », voir Jacques Derrida, De la grammatologie, Editions de Minuit, coll. « Critique », 1967, en particulier le chapitre 1 « La fin du livre et le commencement de l’écriture », dans lequel Derrida définit le phonocentrisme comme « proximité absolue de la voix et de l’être, de la voix et du sens de l’être, de la voix et de l’idéalité du sens » (p. 23).

57.

Il s’agit de la Bible protestante de Louis Segond, qui, en 1913, venait de paraître.

58.

Dont Michel Collot souligne qu’elle est beaucoup plus massivement présente que la figure maternelle, notamment par « la prééminence que Ponge accorde au rôle paternel dans le processus de l’engendrement, dans la naissance à soi, au monde, et au langage » (Francis Ponge entre mots et choses, op. cit., p. 18-19).

59.

Je cite à dessein Valéry car les réflexions de Ponge sur le langage convergent sur bien des points avec celles de cet auteur, qu’il a tôt lu et médité. (Ses premiers écrits témoignent du fait qu’il a lu La Soirée avec Monsieur Teste – paru en 1896 – et, dès 1922, il acquiert une édition coûteuse de Charmes.) Même si, par la suite, Ponge en viendra à formuler d’importantes critiques à propos de Valéry, il n’en reste pas moins que celui-ci a constitué pour lui un pôle d’influence et de référence très important.

60.

Valéry, « Poésie et pensée abstraite », in Variété, Œuvres complètes, t. I, édition établie par Jean Hytier, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », p. 1317.

61.

Ibid., p. 1317.

62.

Ibid., p.1318.

63.

A propos de sa scolarité en classe de Première, Ponge écrit : « Je lis, avec un certain dégoût, Gide (Le voyage d’Urien) et les symbolistes (A. Samain, H. de Régnier, F. Vielé-Griffin, Gustave Kahn) » (PM, II, 181).

64.

En 1916, le père écrit à son fils : « Tu me diras Spiritus flat ubi vult et quando vult ? J’ajoute quando, accorde le verbe s’il est nécessaire, mais tu me comprends. L’inspiration ne vient que par à-coups » (cité dans OC I, « Chronologie », p. LIII). Dès 1917, Ponge accompagne une lettre à ses parents de l’envoi d’un sonnet (PAT, 25). En 1919 il mentionne dans une autre lettre à ses parents « le conseil de Papa "de faire porter mon analyse psychologique sur d’autres sujets que sur moi-même "» (PAT 33).

65.

Il a en effet rédigé une note sur le poème « Le Jour et la nuit » (note retranscrite in Jean Thibaudeau, Francis Ponge, Paris, Gallimard, 1967, p. 237).

66.

J. M. Gleize, Francis Ponge, op. cit., note 48 p. 269.

67.

Rappelons aussi qu’au baccalauréat, il a obtenu la meilleure note de l’académie en philosophie (sur le sujet « De l’art de penser par soi-même »)…

68.

Lettre inédite citée par Michel Collot, dans sa notice sur « Notes d’un poème », OC I, p. 972.

69.

« Il [Le Seigneur] vous a communiqué son alliance, les dix paroles qu’il vous a ordonné de mettre en pratique, les dix paroles, et il les a écrites sur deux tables de pierre »( Deutéronome, IV, 13, Traduction œcuménique de la Bible, op. cit.).

70.

Pour le dire en termes psychanalytiques, Ponge commence son parcours d’écrivain avec une conception de la parole dans laquelle le surmoi règne en maître.