2. Un texte-programme : « La Promenade dans nos serres » (1919)

« La Promenade dans nos serres » (PR, I, 176-177), écrit en 1919, constitue le véritable seuil de l’œuvre de Ponge, car c’est – je l’ai signalé déjà – le plus ancien des textes qu’il ait, de son vivant, fait entrer dans son œuvre. Il le désigne, dans les Entretiens avec Philippe Sollers, comme « le premier texte », précisant qu’il est« le texte le plus ancien de [s]on œuvre publiée », et qu’il le « cite volontiers » (EPS 49). Ecrit par un aspirant-écrivain de vingt ans, il établit les bases d’un projet littéraire et en définit les aspirations fondamentales. Il est à ce titre fort précieux en vue de l’analyse de cette œuvre comme parcours : il en fournit le point de départ. Les circonstances de sa composition, en mars 1919, telles qu’elles sont précisées par Ponge, ne sont pas indifférentes  : « J’ai écrit cela alors que j’avais été mobilisé (…) et que j’étais malade83, et que j’étais soigné dans un hôpital auxiliaire (…) contigu au Parc de Chantilly et il y avait là une serre » (ibid. 49). Au sortir tout à la fois de la mobilisation, de la maladie, et de l’hiver, les fleurs de la serre (« printemps dans l’hiver, été dans le printemps », « oasis de chaleur et de verdure » dit Ponge dans un avant-texte84), immédiatement transposées en fleurs du langage, ont pu être source d’un enchantement où trouve à se dire une confiance fondamentale dans les mots.

Notes
83.

Ponge a été atteint de diphtérie en 1919.

84.

Il s’agit d’une note intitulée « Serres », recueillie dans les Pages d’Atelier (PAT, 35).