3. Premières mises en œuvre (1919-1923)

Entre 1920 et 1922, Ponge écrit certains des textes poétiques qui composeront les Douze petits écrits, ainsi que d’autres qui seront recueillis bien plus tard dans Lyres ; d’autre part il consigne ses réflexions dans des notes qui resteront, pour la plupart, longtemps inédites avant d’être publiées dans Méthodes et Pratiques d’écriture ou l’Inachèvement perpétuel. Aucun projet encore n’annonce le parti pris des choses. Une lettre à Gabriel Audisio de janvier 1922 témoigne que Ponge est occupé à tout autre chose : « Je ne publie pas encore, (…) mais j’ai beaucoup de travail sur la planche : satire sociale, un drame en quatre actes, et les poèmes »94. Ponge entreprend aussi, à cette époque, une tragédie en alexandrins, qu’il abandonnera en 192595. Il ne va pas tarder, contrairement à ce qu’annonce la lettre, à « publier », et ceci d’abord dans la revue Le Mouton blanc, fondée par son condisciple de Khâgne, Jean Hytier96. Le premier texte qui y paraît, « Esquisse d’une parabole » ( écrit en 1921) témoigne d’une confiance réaffirmée dans les possibilités du langage. Cependant, des difficultés vont bientôt se faire jour, principalement sur la question des relations entre mots et idées dans le langage, et sur celle de la contrainte qu’exerce la parole commune.

Notes
94.

Lettre inédite, citée par Michel Collot dans sa notice sur Douze petits écrits (OC I, p. 874).

95.

Tragédie intitulée Tigrane et Priscilla. Voir Michel Collot, ibid., p. 874

96.

La revue se donne pour l’« organe du classicisme moderne ». L’influence de Valéry y est prégnante. Jean Hytier, qui écrira plus tard une Poétique de Valéry, se propose d’y promouvoir un classicisme créateur de nouvelles valeurs. On est donc là très loin, comme le fait remarquer J.M. Gleize, du négativisme de Dada qui « à côté, ou en face, faisait déjà beaucoup de bruit » (Francis Ponge, op. cit. p. 28). Ponge publie dans cette revue ses deux premiers textes en décembre 1922 et janvier 1923.