1. Parler pour les choses muettes

« Et puis donc, aussi bien, qu’il est de nature de l’homme d’élever la voix au milieu des choses silencieuses, qu’il le fasse du moins parfois à leur propos… » : telle est la conclusion de « Ad litem » (PR, I, 200-201). Dans ce texte (écrit en 1931), ainsi que dans « Introduction au Galet » (1933) – deux des rares textes réflexifs de Ponge en ces années trente – une place de tout premier plan est réservée à la question du mutisme des objets. Ce mutisme est sans doute pour Ponge leur caractéristique la plus fascinante. C’est du moins celle à laquelle il revient régulièrement, depuis l’évocation en 1927 dans « Les Façons du regard » de la « muette supplication » et des « muettes instances » des choses (PR, I, 173) jusqu’à cette déclaration péremptoire qu’il fera en 1952 : « Le monde muet est notre seule patrie »166. C’est qu’il trouve dans le mutisme des choses un certain nombre de solutions à ses difficultés et une chance de parvenir à « parler contre les paroles ».

Notes
166.

Titre de l’un des textes recueillis dans Méthodes (M, I, 629).