Contre le relâchement

Pour Ponge, l’aspect un peu répugnant ou honteux des paroles tient, plus encore qu’à l’effusion subjective, plus encore qu’à la prolixité, au manque de tenue : dans l’échange oral le langage lui paraît avoir toujours quelque chose de non maîtrisé, d’informe, qui est de l’ordre de l’écoulement sur une pente facile. A cet usage liquéfiant des paroles , il oppose une exigence extrême de rigueur, de solidité, de tenue dans la parole. Changer l’eau en glace, transformer le liquide en solide, conférer une forme à l’informe, tel devrait être le pouvoir de cette parole désirée, note-t-il en 1929 dans « De la modification des choses par la parole », où l’on a vu qu’il définissait la parole par rapport aux choses de l’esprit, comme « leur état de rigueur, leur façon de se tenir d’aplomb hors de leur contenant » (PR, I, 174). Parvenir à cette rigueur, c’est selon les propres termes de Ponge cités plus haut, parvenir par écrit à une expression qui soit à la fois « plus ferme » et « plus complexe » que dans sa réalisation orale. Quelles sont les formes que prend cette double exigence de fermeté et de complexité ?