1. Parler, « le plus sûr des mutismes ? » : le sujet mis hors champ

De l’aveu de Ponge, prendre le parti des choses, c’était prendre son parti d’une impossibilité – au moins provisoire – de s’exprimer. Le Parti pris des choses représente une tentative de deuil de l’expression personnelle. Ponge est très clair sur ce point, écrivant en 1928 dans un projet d’introduction : « Il s’agit pour moi de faire parler les choses, puisque je n’ai pas réussi à parler moi-même » (PE, II, 1033) et réaffirmant le même point de vue treize ans plus tard, dans les « Pages bis », alors que les textes du Parti pris sont achevés et prêts à paraître :

‘Historiquement voici ce qui s’est passé dans mon esprit :
1° J’ai reconnu l’impossibilité de m’exprimer ;
2° Je me suis rabattu sur la tentative de description des choses… (PR, I, 206)’

Les textes du Parti pris des choses et les autres textes descriptifs de cette période manifesteraient donc la décision d’un sujet qui choisit de prendre la parole envers et contre tout mais en se retirant délibérément de la scène : parler quand même mais renoncer à parler soi-même. Parler sans parler, en somme.