4. Une parole encore inentendue

A. Un auteur qui publie peu

Au début des années trente, Ponge est inconnu du public. Personne, en dehors d’un petit groupe d’amis, ne connaît son œuvre. Il n’a publié qu’un mince ouvrage, en 1926, (les Douze Petits écrits) dont l’audience est restée confidentielle. Il faut y ajouter, entre 1926 et 1932, deux poèmes publiés dans la N.R.F. (que dirige Paulhan)239, une étude sur Fargue dans Les Feuilles Libres et, au moment de son rapprochement d’avec les surréalistes, un texte (« Plus-que-raisons ») dans le N° 1 de la revue Le Surréalisme au service de la révolution.

A peu de choses près, la situation est la même à la fin des années trente : Ponge a quarante ans mais il devra encore attendre deux ans pour commencer à rencontrer son public, avec la publication du Parti pris des choses, en 1942. De fait, Ponge a très peu publié au cours des années trente, et lorsqu’il l’a fait, c’était exclusivement sous l’égide de la N.R.F. Sur une période de douze ans, entre 1930 et 1942, seront publiés en tout et pour tout : en 1932-33, « Végétation » et « Le Tronc d’arbre » dans la N.R.F. ; en 1935 « Le Cageot » dans le N° 1 de Mesures (que dirige également Paulhan) ; en 1936, sous le titre « Sapates », un ensemble de six poèmes (« Les Mûres », « La Bougie », « Cinq septembre », « La Fin de l’automne », « Soir d’août », « Les arbres se défont ») dans le N° 2 de Mesures. Au moment où paraîtra Le Parti pris des choses, en 1942, seuls neuf poèmes de ce recueil (qui en compte trente-deux) auront fait l’objet d’une prépublication en revue, ainsi que deux poèmes étrangers au recueil, qui seront publiés dans Lyres. Au total donc, onze textes descriptifs ont témoigné publiquement du « parti pris » adopté depuis 1926, alors qu’en seize ans de travail, Ponge en a écrit plus de quatre-vingts !

Cette situation, si elle peut être en partie rapportée à des causes externes, tient surtout à une résistance interne à Ponge, qui s’articule à sa manière de concevoir sa relation à Paulhan.

Notes
239.

Il s’agit de « Notes d’un poème (sur Mallarmé) », en novembre 1926, et de « Végétation », en décembre 1932.