« Le plaisir des bois de pins »

La première partie du texte procède par approximations successives, dans une sorte de construction en spirale. Jamais encore Ponge n’avait exhibé ainsi la prolifération de variantes, très proches les unes des autres. Chaque paragraphe est un petit recommencement qui intègre de nouveaux éléments. Ainsi, pour décrire les troncs des pins, débarrassés de leurs basses branches, apparaissent de paragraphe en paragraphe successivement les expressions suivantes : « ces grands fûts », « ces grands mâts violets », « ces grands mâts nègres ou tout au moins créoles », « ces grands mâts nègres ou tout au moins créoles, entortiqués encore et lichéneux jusques à mi-hauteur », « du pied à mi-hauteur frisés et lichéneux » (ibid, p. 377 à 380). Puis la considération du « bois mort » produit par le pin amène l’apparition du champ lexical de la vieillesse : « d’aspect sénile, chenu comme la barbe des vieillards nègres », puis « tout frisés, lichéneux comme un vieillard créole » (ibid., 379-380). Or le motif du vieillard créole sera abandonné dans la partie suivante (il fera partie du « bois mort »). Et d’autre part tout le développement connaît un brusque coup d’arrêt, après quatre pages, comme s’il fallait repartir à zéro : « Non! Décidément il faut que je revienne au plaisir du bois de pins. De quoi est-il fait, ce plaisir? » (ibid., p. 380). C’est ce que Jean-Marie Gleize et Bernard Veck appellent une « articulation par négation », phénomène qui leur semble caractéristique du dispositif du « Carnet du Bois de pins », dont « l’écriture procède par effacement-négation de ce qui précède »329.

Notes
329.

Voir notice sur « Le Carnet du Bois de pins », OC I, p. 1037.