B. Les peintres comme modèles de prise en compte de la matière

Si Ponge se passionne pour l’œuvre d’art, c’est qu’elle autorise une comparaison hautement instructive avec son propre travail. L’usage de matériaux différents (peinture ou pierre d’un côté, langage de l’autre) ne fait que mieux ressortir la profonde homologie qui existe entre la démarche des peintres et la sienne propre. Il s’en expliquera dans les Entretiens avec Philippe Sollers :

‘Il est certain que se lier, dans la camaraderie, avec des hommes qui travaillent dans une technique qui n’est pas la vôtre, mais qui ont exactement la même situation, par rapport aux formes anciennes de pensée et à ce qu’on peut peut-être chercher à faire dans l’ordre de l’avenir, est quelque chose d’utile. C’est dans ce sens-là que j’ai aimé connaître les peintres et que je me suis même reproché de ne pas les avoir fréquentés plus tôt (EPS, 92-93). ’

L’attention que Ponge porte à la technique picturale (ou, à l’occasion, lithographique) l’amène en particulier à considérer l’importance accordée par les peintres à leur matériau :

‘les peintres (…) travaillent certes à changer notre représentation du monde, mais de façon que l’accent est surtout mis sur le travail que cela représente. Le moyen d’expression, la peinture, prend plus d’importance, est beaucoup plus mis en gloire non seulement que l’objet représenté (naturellement), mais encore que l’image elle-même. Il faut que le travail soit sensible et présent : là réside la valeur (ibid., 97). ’

Cette leçon des peintres est libératrice à bien des égards.