6. La parole-murmure, la parole à l’état naissant

Cette période d’après-guerre est finalement celle où, à travers l’affrontement de difficultés de tous ordres, naît une nouvelle parole, libérée de nombre de ses anciennes entraves, résolument habitée.

L’événement décisif à cet égard est la « Tentative orale », où a enfin lieu la confrontation, en présence, de la parole à son destinataire et sa pleine réalisation orale. Mais ce que la « Tentative » manifeste de l’avènement d’une nouvelle parole se dessinait déjà avant elle, et se poursuit après elle. La conférence de janvier 1947 est le pivot à partir duquel rayonne la transformation de la parole. Elle en orchestre les motifs : première monstration publique du corps parlant, elle emblématise le cheminement de Ponge vers un enracinement toujours plus marqué de la parole dans le corps. Elle met aussi en lumière son actualisation dans le temps, et conduit à une valorisation de ce que Ponge appellera plus tard la parole à l’état naissant. C’est même sur une véritable réconciliation avec le temps, et avec le monde, qu’elle débouche, aboutissant à la notion essentielle de parole-murmure, que Ponge développera en 1950.