2. Quelle patrie pour la parole ? Enfouissement dans l’épaisseur du monde muet, revendiqué comme « seule patrie »

A. Ne « tenir la parole » que du monde muet

« Nous qui ne tenons la parole que du monde muet, notre seule patrie » (PM, II, 24) : cette affirmation est régulièrement réitérée dans les premiers chapitres du Malherbe, avec des variantes, telles que : « Monde muet, ma seule patrie, (…) c’est de toi seulement que je tiens vie et parole » (ibid., 31). La réapparition du motif du mutisme peut surprendre, surtout après les avancées qu’a connues la parole à partir de la « Tentative orale ». Mais il ne s’agit pas d’un mouvement de machine arrière : l’affirmation du monde muet comme seule patrie de la parole est profondément articulée à la méditation sur les valeurs induite par « Joca Seria » et, en tant que « phase » de l’œuvre, elle répond à de puissantes nécessités.