La dimension d’acte de la parole, ouvertement recherchée dans la « Tentative orale » est formulée explicitement dès« Malherbe III » : « Il [Malherbe] sait (…) ne dire que ce qu’il veut dire. Il sait ce qu’il fait. Dire, pour lui, c’est faire » (ibid., 46). Elle se manifeste également dans la formule « Quelque chose à obtenir, et non quelque chose à exprimer » (ibid., 47) qui situe clairement l’enjeu de la parole en aval et non en amont de sa profération : dans l’effet qu’elle produira, non dans son adéquation à une vérité.
La notion de parole considérée comme acte répond à celle, élaborée à cette époque, de l’œuvre comme ensemble de « pratiques ». C’est dans « Malherbe III » que la dimension pragmatique du langage s’affirme dans toute son ampleur, la « pratique du langage » servant de postulat aux tentatives de définition de l’entreprise poétique :
‘Pratique du langage :C’est également au nom d’une pratique du langage qu’est formulé dans « Malherbe III », pour la première fois, le choix – qui m’apparaît comme l’un des thèmes majeurs du Malherbe – de la Parole plutôt que de la Poésie :
‘Pratique du langage :Choisir la Parole, c’est valoriser la dimension pragmatique du langage, affirmer une fois encore que la poésie, telle que l’entend Ponge, doit valoir comme acte. La Parole, en tant que « pratique »716, connaît là sa plus spectaculaire réhabilitation : elle est ce qui tiendra lieu de poésie.
Ce choix de la parole contre la poésie sera réaffirmé et développé dans « Malherbe VI » où la parole connaît véritablement son assomption.
Rappelons que le grec praktikos signifie « agissant, efficace », et que pratique et pragmatique renvoient tous deux au même étymon praxis, « action ».