B. Parole et Paradis

Le paradis du « Pré » est bien celui de la parole, non de l’art en général. « Le Pré » manifeste en effet une définitive valorisation de la parole par rapport aux autres formes d’expression, et surtout par rapport à la peinture. Le Paradis sera de paroles, non de formes ou de couleurs. Ce démarquage par rapport à la peinture se marque aussi dans l’insistance sur l’aspect musical, plus que pictural, du pré, thème apparu dès janvier 1963 :

‘Dieu merci, nous ne sommes pas qu’un peintre et nous avons autre chose à dire du pré que (prenant notre brosse) de brosser, d’étaler, d’étendre bien à plat (…) une couche étendue de vert : car enfin (…) le pré sonne (musique, clavecin) (…). Le pré aussi est une occasion de chef-d’œuvre d’esprit. De chef-d’œuvre logique. (…). Et il a aussi (…) une odeur, une haleine, une respiration (ibid., 469, je souligne). ’

Le pré sera logique, inscrit dans le Logos, mais il lui faudra être aussi physique, incluant le fait de s’adresser à l’oreille, ainsi que l’exercice du souffle, caractéristiques de la parole. Celle-ci est, ailleurs, valorisée plus explicitement encore comme seule capable de rendre compte du pré : « Comment le reconnaîtrions-nous sinon par la parole ? » (ibid., 494). Faire naître le pré,

‘voilà qui ne se peut, disons-le tout de suite qu’en termes de parole qui sont les seuls moyens de l’esprit. (…)
Malgré notre amour pour la peinture
Prendre un tube de vert, l’étaler sur la page, ce n’est pas faire un pré.
Ils naissent autrement.
Ils sourdent de la page (…).
Il y faut l’espace de l’écriture (de l’inscription)
Et que le temps nécessaire à la parole à l’élocution y soit mis
Préparons donc la page où puisse naître aujourd’hui une vérité qui soit verte (ibid., 497). ’

« Le Pré » propose l’ accession à un paradis de et par la parole. Quelles sont les principales composantes de ce thème paradisiaque ?