Paléoenvironnement

Lors de la visite de E. Requien sur le site, E. Arnaud note (1869) que cet érudit aurait rapporté l’âge du dépôt à celui des Hipparion de Cucuron (Vaucluse). Les premiers vestiges fauniques déterminés sont un «cubo-scaphoïde» et un astragale de bouquetin, trouvés par J. de Terris (Arnaud, 1866-67). La liste faunique issue des premières fouilles d’E. Arnaud (1866-67) révèle la prédominance du cheval «Equus caballus» et du bouquetin «Ibex». D’autres vestiges moins abondants sont attribués au cerf (Cervus elaphus), ainsi qu’au lapin (Oryctolagus cuniculus) et à une espèce, plus petite que le chevreuil et le chamois, que E. Arnaud attribue à une antilope du type Gazella dorcas (une seule prémolaire), dont il souligne l’absence au sein du quaternaire français. Il précise de façon intéressante que les vestiges ont été fracturés par l’homme pour la récupération de la moelle et que toutes les épiphyses «imbibées de sucs nutritifs» ont été rongées. Certains restes présentent même des traces de l’action du feu. A la lumière de ces considérations et soulignant l’absence du renne, E. Arnaud décrit des conditions clémentes similaires à l’époque moderne, au sein desquelles régnait déjà un climat méditerranéen d’une douceur exceptionnelle, formant une barrière au refroidissement de l’époque glaciaire. En 1902, F. Moulin ajoute aux diverses espèces énumérées par E. Arnaud Capra hircus.

En 1910, M. Deydier & F. Lazard publient la liste faunique complète établie par C. Depéret :

Ils précisent que les espèces les plus communes sont le cheval, la chèvre ou le mouton, le cerf élaphe et le lapin. Les autres sont très rares. A propos de la géographie, les auteurs notent que «rien ne paraît changé, dans nos contrées, depuis l’époque où la Baume des Peyrards était occupée par l’homme primitif… ». En ce qui concerne la faune, marmotte et ours des cavernes mis à part, ils ajoutent «nous sommes portés à croire que la température de l’époque moustérienne était plutôt tempérée et ne différait pas beaucoup de celle d’aujourd’hui. ». L’incongruité de l’interprétation faite par M. Deydier & F. Lazard (1910) de cette liste faunique, assez complète, tient en l’hypothèse d’une éventuelle domestication par l’homme, du cheval, de la chèvre, du mouton et du lapin.

A propos de cette étude, E. Hue (in Deydier & Lazard, 1910) note que la présence de la gazelle (reconnue par E. Arnaud, 1869) et du crocodile est «extraordinaire». Il ajoute que les caractères des dents de la chèvre et du mouton sont tout à fait distinguables. Enfin, il précise que, par souci d’intégrité scientifique, il serait nécessaire d’associer à la liste faunique les éléments anatomiques qui ont permis d’effectuer les déterminations.

Dans le cadre des recherches de H. de Lumley, S. Gagnière détermine les vestiges nouvellement mis au jour et révise ceux trouvés auparavant par M. Deydier & F. Lazard. Il décrit les espèces en leur associant certaines des parties anatomiques concernées, et en les situant précisément au sein des couches archéologiques définies par H. de Lumley (1957a,b). Les modifications qui lui sont dues sont notamment la détermination de l’aurochs Bos primigenius à la place de celle du bœuf Bos taurus, l’attribution de la chèvre ou du mouton au bouquetin Capra ibex, l’attribution de l’ours à l’espèce Ursus arctos ainsi que la dent de crocodile à un fragment de canine lactéale inférieure gauche d’ours et enfin les trois fragments de crâne humain à Equus caballus et à un ruminant (cerf ou bouquetin). L’homogénéité de la faune, principalement issue des couches 5 à 8, conduit S. Gagnière à attribuer la séquence des Peyrards à de simples interstades würmiens et non à la grande chronologie débutant à la fin de l’avant-dernière glaciation de H. de Lumley. A ce propos, il regrette l’extrême rareté des vestiges fauniques (un fragment de Bos primigenius ainsi qu’une phalange de Cervidé) dans l’ensemble inférieur (20 à 29), qui ne lui permettent pas d’infirmer ou de confirmer l’hypothèse d’un Riss final et/ou d’un interglaciaire Riss-Würm.

Quelques années plus tard, toujours selon les attributions de S. Gagnière, H. de Lumley publie une nouvelle liste faunique, attribuant chaque espèce aux périodes chronologiques déterminées à la fouille :

A ce jour, l’étude des restes dentaires effectuée par C. Rambert (2000) et les travaux d’E. Crégut-Bonnoure (2002 ; 2004) ont permis d’établir une liste faunique plus complète (tab. 97) : renard commun (Vulpes vulpes), dhôle (Cuon alpinus europaeus), ours brun (Ursus arctos), blaireau (Meles meles), hyène (Crocuta spelaea), lynx des cavernes (Lynx spelaea), sanglier (Sus scrofa), cheval (Equus cf. germanicus), hydruntin (Equus hydruntinus), cerf élaphe (Cervus elaphus), chevreuil (Capreolus capreolus), aurochs (Bos primigenius), bouquetin alpin (Capra ibex), chamois (Rupicapra rupicapra), lapin (Oryctolagus cuniculus), taupe (Talpa europaea), et marmotte (Marmotta marmotta). Comme on l’a vu, la présence du bouquetin alpin se révèle d’un grand intérêt pour la datation des sites. Le stade évolutif acquis ici est similaire à celui de la population de Vallescure (Würm II), ce qui permet de dire que le remplissage de ces sites est contemporain (Crégut-Bonnoure, 2002). Les auteurs précisent leur répartition stratigraphique et le contexte paléoenvironnemental (Crégut-Bonnoure, 2004, tab. 97) :

En ce qui concerne la flore, c’est durant la période tempérée de l’Inter-Würm I-II que Arl. Leroi-Gourhan (in Lumley, 1969) signale la présence de pinèdes localisées sur les hauteurs et de taxons plus hydrophiles jouxtant l’Aiguebrun tels que le noisetier, le tilleul et l’aulne.