Données fauniques

  • Apport de la microfaune 

Cette étude a fait l’objet, avec les sites d’Orgnac 3 et de l’abri des Pêcheurs, d’une thèse de doctorat soutenue en 1998 par N. El Hazzazi (1998). Les micromammifères sont de bons marqueurs biostratigraphiques et climatologiques. Ainsi, l’analyse de la microfaune rattache la séquence archéologique à la fin du Pléistocène moyen ou au début du Pléistocène supérieur pour les niveaux situés à la base de la séquence et au Pléistocène supérieur pour les niveaux situés au sommet de la séquence (Desclaux & El Hazzazi, in Moncel et al., soumis 2006). D’autre part, l’étude paléoclimatique tirée des associations de rongeurs permet de reconnaître l’existence de deux phases climatiques distinctes.

  • la première (G, F et E) correspondant à un milieu ouvert sous un climat froid et sec.
  • la deuxième (D) correspondant également à un milieu ouvert sous un climat plutôt froid mais caractérisé par une importante humidité. Cette répartition est en accord avec les études palynologiques qui mettent en évidence un gradient d’humidité croissant tout au long de la séquence.

Cette étude apporte également des indications sur la morphologie de la cavité grâce à l’interprétation des restes de chiroptères (Desclaux, in Moncel et al., 2002). L’absence de restes de jeunes individus et d’ossements décarbonatés (en relation avec le guano des chauve-souris) s’oppose à la présence de colonies importantes dans la cavité. De même, la faible quantité de restes irait dans le sens d’une petite cavité abritant occasionnellement quelques chauves-souris.

  • Apport de l’avifaune

Les quelques restes d’oiseaux (coq de bruyère, chocard à bec jaune, choucas des tours, corneille, Corvidé indéterminé) évoquent un climat tempéré plus frais que l’actuel et un paysage ouvert et rocheux. Leur faible nombre dans le remplissage pourrait indiquer que l’ouverture de la grotte était trop étroite pour permettre un accès facile à ces oiseaux rupestres et/ou qu’ils ont été les proies de rapaces (Villette, inMoncel et al., 2002).

  • Apport paléoenvironnemental des grands mammifères 

Le gisement de Payre a fourni un matériel osseux particulièrement abondant et bien conservé. La liste des différents taxons présents montre un spectre faunique varié (Patou-Mathis, in Moncel et al., 1993 ; Lamarque, 1996 ; Lamarque & Patou-Mathis, in Moncel et al., 2002 ; Patou-Mathis et al., Auguste et al., Auguste, Crégut-Bonnoure et Lacombat, in Moncel et al., soumis 2006) :

  • Les Carnivores : ils sont abondants dans les couches principales. Dans les couches A/B, D et F, on observe la présence d’ours des cavernes, d’ours brun, du renard commun, du loup, de l’hyène des cavernes et de la panthère, le chat sauvage n’est retrouvé que dans les couches A/B, et D. Le blaireau et des petits Mustélidés sont présents dans les couches supérieures A/B. Dans ces trois couches principales, les Carnivores représentent 40 % de l’ensemble des restes identifiés. L’ours des cavernes est dominant surtout en F et D où il fournit environ 70 % des restes de Carnivores. Pour ce qui est de la couche G, elle diffère des trois autres couches par la faible quantité de restes de Carnivores (16.7 % du nombre de restes total). Les ours des cavernes, présentant des caractères spéléens marqués, sont cependant les Carnivores les mieux représentés, ils sont suivis du renard commun. Du point de vue climatique et environnemental, les Carnivores étant pour la plupart ubiquistes, ils apportent peu d’informations, à l’exception de la panthère, du chat sauvage et de l’ours brun qui ont une nette préférence pour les espaces boisés.
  • Les Artiodactyles : ce sont sont les herbivores les plus abondants (en moyenne, plus de 50 % du nombre de restes total d’herbivores). Les Cervidés sont les plus fréquents, surtout dans les couches A/B et D. Quatre espèces ont été identifiées : le cerf élaphe, le chevreuil, le mégacéros et le daim, ce dernier n’a été déterminé qu’en D. Le pourcentage des Cervidés augmente des couches inférieures aux couches supérieures. Parmi les Bovinés, les deux genres Bos et Bison ont été identifiés. Selon l’étude de M. Patou-Mathis (in Moncel, 1993), ces deux genres ne se rencontrent pas dans les mêmes couches, en D et G, on trouve l’aurochs et en A/B et F, le bison. Le tahr est présent dans les ensembles A/B, D, F et en E, mais il est surtout abondant en D et F. La présence du chamois est attestée en E. Le sanglier est rare, il est absent des couches E et G. Pour ce qui est des implications environnementales liées à la présence de ces espèces, on peut noter que la présence de l’aurochs est typique d’un milieu semi-forestier. Le bison des steppes atteste de larges milieux ouverts. Quant aux Cervidés et aux sangliers, ils montrent par leur présence l’existence de milieux boisés. Pour ce qui est du tahr et du chamois, ils témoignent de la proximité de milieux rocheux et de pentes abruptes (escarpement des falaises aux abords du site). Au niveau climatique, on remarque l’absence d’espèces typiques de milieux arctiques, et dans l’ensemble, ces différentes espèces vont dans le sens d’un climat plutôt tempéré. Enfin, on peut déjà, grâce aux Artiodactyles, identifier deux écosystèmes bien distincts, d’un côté les espèces de milieux ouverts peuplant la vallée du Rhône en contrebas et d’un autre côté les espèces arpentant le milieu boisé du plateau s’étendant à l’arrière de la cavité. Il semble important de noter ici l’absence d’espèces caractéristiques de climat froid et sec dans les ensembles G et F. En effet, l’étude des rongeurs avait pourtant mis en évidence une première phase climatique froide et sèche.
  • Les Périssodactyles : quatre espèces ont été identifiées : le cheval, un petit équidé, le rhinocéros de Merck, D. mercki et le rhinocéros de prairie, D. hemitoechus. Contrairement aux Cervidés, le pourcentage des Périssodactyles décroît des couches inférieures aux couches supérieures. Parmi les restes d’Equidés, trois en A/B, un en C et un en F, appartiennent à un animal de petite taille dont la spécificité n’a pu être déterminée à cause de l’état trop fragmentaire de ces os. Le cheval (Equus sp.; tab. 104) domine dans la couche F. Quant aux rhinocéros, l’étude montre la présence de deux espèces. L’une, Dicerorhinus mercki, est majoritaire et présente dans les couches D, F et G, et l’autre Dicerorhinus hemitoechus, plus rare, se retrouve dans les couches D, E et G. Le cheval témoigne d’un paysage ouvert riche en herbacées et graminées. Le rhinocéros de Merck est plutôt typique de forêts claires entrecoupées d’étendues herbeuses et d’un climat humide. Et le rhinocéros de prairie, comme le cheval, est marqueur de milieux ouverts (Guérin, 1980).
  • Les Proboscidiens : dans les couches D et F, sept os appartenant à un Proboscidien juvénile ont été découverts. Ce sont des os de l’autopode qui n’ont pas pu être taxonomiquement déterminés.

Ces grands et moyens herbivores attestent de l’existence d’un milieu tempéré, en mosaïque, lors de la mise en place de l’ensemble du remplissage sédimentaire (ensembles G, F et D). Ils pouvaient tous être prélevés dans les environs du site et révèlent l’existence de trois biotopes différents : cerfs, chevreuils et daims dans les forêts des plateaux et versants, éléphants, rhinocéros, chevaux et Bovinés dans les prairies et steppes des fonds de vallée du Rhône et de la Payre, tahrs et chamois dans les milieux escarpés du canyon de la Payre. Cette observation est cependant relative au prélèvement humain qui peut être sélectif (Patou-Mathis et al., Crégut-Bonnoure, Lacombat, Mallye, in Moncel et al., soumis 2006). L’analyse des restes d’Hemitragus bonaliconfirme un âge au moins du stade isotopique 7 pour les ensembles G et F (Crégut-Bonnoure, in Moncel et al., soumis 2006). L’analyse des restes de Ursus spelaeus de l’ensemble F suggère quant à elle un âge un peu plus récent de la fin du Pléistocène moyen ou du début du Pléistocène supérieur en raison de caractères spéléens développés (Auguste, in Moncel et al., soumis 2006).

Les résultats des analyses biochimiques indiquent l’existence d’un milieu forestier, plus humide pour l’ensemble G, indices d’un interstade ou au moins d’une phase tempérée qui pourrait être le stade isotopique 7. Alors que la grande faune indique que les dépôts successifs se sont mis en place dans un milieu plutôt tempéré, associant des espaces fermés et ouverts, les signatures isotopiques des cerfs ne changent pas significativement au cours du temps, tandis que celles des chevaux sont nettement plus variables. Les animaux contemporains de l'ensemble G devaient se nourrir dans un milieu forestier, tandis que ceux vivant lors des autres dépôts étaient plus inféodés à un milieu ouvert. Le paysage contemporain de l'ensemble G semble donc plus forestier et plus humide. Ces différences d’observation sur les zones de vie des espèces au cours du temps peuvent trouver une explication dans la coexistence d’espaces variés autour du site, avec des plateaux plus secs et à végétation ouverte alors que les vallées sont plus humides et plus forestières (Bocherens, in Moncel et al., soumis 2006).