LES AUTRES SITES ARDECHOIS

La grotte des Barasses II (Balazuc)

  • Situation géographique

La grotte des Barasses II appartient à la commune de Balazuc (Ardèche) (fig. 20). Cette grotte s’ouvre au Sud, dans une situation particulièrement escarpée, à une cinquantaine de mètres au-dessus du niveau actuel de L’Ardèche. Elle se situe dans la partie supérieure d’une falaise à relief ruiniforme du Jurassique supérieur (Kimméridgien), un peu en retrait du canyon de l’Ardèche, dans une échancrure largement déblayée par un petit tributaire de la rive droite de l’Ardèche (photo 8). La cavité actuelle ne représenterait que la partie résiduelle d’une cavité de plus grandes dimensions dont l’avant aurait été démantelé par l’érosion (photos 9 et 10). Un des intérêts de ce site réside dans sa position isolée le long de la moyenne vallée de l’Ardèche. L’aire de répartition des habitats néanderthaliens ardéchois se voit ainsi agrandie vers l’Ouest (Combier, 1968).

  • Historique

La découverte du groupe des gisements de Balazuc a eu lieu en 1966 à la suite d’un déblaiement à la pelle effectué par un vacancier grenoblois (M. Mouyon). H. Saumade, correspondant de la Circonscription archéologique du secteur d’Aubenas, a prévenu aussitôt J. Combier. Une visite du site fut donc effectuée au mois d’août 1966. Elle permit de constater l’existence d’une série de cavernes, dites des Barasses, échelonnées entre le pont de Balazuc et la tour en ruine de la reine Jeanne. Plusieurs de ces sites ayant subi des dégradations, des restes de céramique associés à de la faune fossile et à de l’industrie moustérienne ont été retrouvés dans les déblais. Plusieurs sondages ont ensuite été effectués au cours des étés 1967 et 1968 par J. Combier et J.-L. Porte (Combier, 1968).

  • Présentation du gisement

Cette petite caverne haute et étroite a fait l’objet de trois sondages principaux décrits par J. Combier dans son rapport de 1968 (fig. 21) :

  • Sondage I : ce sondage de un mètre carré (carré F 19) a été fait à l’entrée de la grotte, à l’aplomb d’un plancher stalagmitique. Poussé jusqu’à un mètre vingt de profondeur, il a rencontré le sommet d’une couche moustérienne en place. Une couche à grands Carnivores y est nettement superposée comme dans le reste du gisement. Mais les colluvions récentes, à vestiges du premier âge du Fer (céramique) et les restes paléolithiques remaniés forment ici un dépôt de recouvrement très épais constitué par de l’argile mêlée à de fins cailloutis stratifiés.
  • Sondage II : il a constitué la fouille principale, sur six mètres carrés (carrés E, F, G 14et E, F, G 13) dans la partie antérieure de la grande salle. Cette fouille recoupe transversalement le remplissage d’une paroi à l’autre, sur une épaisseur de un mètre soixante et met en évidence cinq couches d’occupation moustérienne sous-jacentes à une ultime occupation quaternaire de la grotte, comme repaire de grands Carnivores. Le substratum n’est pas atteint.
  • Sondage III : d’une profondeur de cinquante centimètres et de deux mètres carrés de superficie, il a été pratiqué au centre de la salle et arrêté sous le niveau à ours, à la partie supérieure des couches moustériennes (carrés F 11 et F 10). Les niveaux sont ici moins riches qu’à l’avant et, en raison de la pente du sol de la grotte, moins régulièrement stratifiés.
  • Stratigraphie et chronologie

Ce gisement a révélé cinq niveaux moustériens (fig. 21).

  • Niveau 1 : il forme une couche très nette d’occupation par l’Ours des cavernes représenté par de nombreuses dents et os longs bien conservés et souvent entiers, radius d’adultes, péronés non épiphysés d’oursons, etc… Quelques dents isolées de bouquetins et des esquilles d’os proviennent peut-être du remaniement par les grands Carnivores sur certains points du niveau moustérien sous-jacent. Pas d’ossements rongés.
  • Niveau 2-3 :c’est une puissante couche moustérienne de cinquante à soixante centimètres d’épaisseur, située dans une formation de la fin du Würm II. L’industrie n’est pas très abondante. Le débitage Levallois est essentiellement laminaire et les éclats Levallois de faibles dimensions, ce qui est habituel dans le Moustérien évolué de la région (cf. le Maras, niveau 1). L’outillage proprement dit se compose de racloirs de type Quina, assez plats, avec une limace atypique, de denticulés assez quelconques, on note aussi un chopper en basalte, associé à une série d’éclats partiellement retouchés. Des galets de granite sélectionnés par l’homme et de taille très semblable (celle d’un gros œuf) complètent l’industrie de cette couche moustérienne, pauvre par rapport à la masse importante d’ossements.

La faune comprend essentiellement le bouquetin. En très faibles proportions viennent ensuite le renne, le cerf élaphe, le rhinocéros laineux, des Bovidés, le cheval, le chamois, le castor, la marmotte, l’ours, le renard et le loup.

L’accumulation d’ossements sur une épaisseur de cinquante à soixante centimètres dans le sondage II constitue une sorte de poche ossifère où les restes se sont rassemblés dans une niche formée tant par la paroi que par une forte coulée de calcite. Cette disposition a conduit J. Combier à pratiquer une division artificielle en deux couches au cours de la fouille. La coupe stratigraphique dressée montre assez nettement cette bipartition qui toutefois peut n’être que secondaire. Elle pourrait correspondre à l’entraînement en ce point de deux nappes successives principales de restes disséminés dans toute la salle. Des fouilles ultérieures auraient pour but de préciser cette hypothèse.

  • Niveau 4 : stratigraphiquement très net, il est pauvre, du moins dans la partie fouillée. Il n’a donné en effet que quelques éclats éclatés par le feu. La faune est limitée à une molaire de cheval et un fragment de dent de bouquetin.
  • Niveau 5 : comme le niveau 4, sur la faible surface atteinte il ne semble pas riche : un racloir et quelques éclats de silex, de quartz et deux galets. La faune est presque inexistante, à l’exception d’une esquille d’os indéterminable.
  • Niveau 6 : lui aussi n’a livré que très peu d’industrie mais il se singularise par rapport aux autres couches archéologiques par la présence de plusieurs outils sur galets de basalte : un chopper, un chopping-tool, un coupoir sur fragment de galet. Des éclats de silex, deux racloirs et quelques éclats Levallois sont associés à ces éléments de «pebble-culture» qui faisaient défaut dans les niveaux sus-jacents. Comme dans les niveaux 4 et 5, les restes fauniques sont très rares, se limitant à un seul calcanéum de bouquetin.

Les travaux effectués n’ont pas permis une vision globale du remplissage de la cavité. Selon J.Combier (1968), des témoins divers concrétionnés dans des niches de parois, ainsi qu’un contact avec des dépôts stalagmitiques, indiquent que le dépôt moustérien étudié dans la salle elle-même aurait été érodé dans sa partie supérieure. A ce titre, le contact Moustérien - premier âge du Fer témoigne d’une importante lacune. Trouvé hors stratigraphie, un fragment de palmure de renne portant quelques traits indiquerait l’existence d’un niveau paléolithique supérieur dont un témoin résiduel subsisterait sur la paroi gauche. Les sondages les plus profonds se sont arrêtés dans une zone de grosse blocaille qui paraît marquer une importante coupure dans le remplissage. Pour J. Combier, il semblerait que le remplissage total de cette cavité en étroite diaclase atteigne une très forte épaisseur.

L’industrie, assez abondante et variée, de même que la faune, bien conservée, se rapporte à un Moustérien final bien connu dans la région et où apparaît presque partout (excepté à Saint-Marcel) un Moustérien laminaire très particulier, à outils évolués : racloirs de tous types de faibles dimensions ; pointes allongées à fines retouches denticulées, présence de quelques burins et de lames Levallois. Cet outillage fait notamment penser à celui présent au Maras. L’approvisionnement en matières premières lithiques est essentiellement local (Combier, 1968).