La grotte du Figuier (Saint-Martin-d’Ardèche)

Située sur la rive gauche de l’Ardèche, à la sortie des gorges et à quelques mètres des grottes du Ranc Pointu, la grotte du Figuier appartient à la commune de Saint-Martin-d’Ardèche (fig. 37). Cette vaste cavité, dont le porche abrite en partie une longue terrasse, s’ouvre à trente-neuf mètres au-dessus de la rivière, au pied d’une falaise calcaire. Le vaste porche d’entrée, d’une hauteur de huit mètres, est orienté au Sud et donne accès à une première salle rectangulaire profonde d’une douzaine de mètres (photos 18 et 19). Celle-ci se prolonge par un diverticule de vingt-cinq mètres de long formant par ses rétrécissements deux salles distinctes, 2 et 3, et débouchant à l’extérieur par une étroite diaclase (Combier, 1967 ; Debard, 1988).

Les plus anciennes fouilles connues sont celles de L. Chiron et C. Gaillard en 1878 et 1896. Elles ont été réalisées au centre de la première salle, puis au fond, où des niveaux très riches furent mis au jour. Dans le même temps, en 1892-1893, puis en 1910, P. Raymond commença des recherches dans les mêmes secteurs. En ce qui concerne l’attribution chronologique des industries, les auteurs les attribuent tour à tour au Moustérien et à des cultures du Paléolithique supérieur. En 1911, L. Chiron et C. Gaillard mettront même en doute l’existence d’un niveau moustérien et P. Raymond ne distinguera pas les différentes couches stratigraphiques, faisant des niveaux moustériens, aurignaciens et solutréens une seule et même occupation (Combier, 1967). J. Combier dira à ce propos :

‘« La chronologie (dans les) des publications relatives au gisement du Figuier est véritablement désespérante ! »’

Il faudra attendre 1947 pour que A. et P. Huchard, A. Obernich et M. Veyrier entreprennent de nouvelles investigations dans le secteur vierge des salles profondes. Une sépulture d’un enfant de 5 ans, dont le corps est recouvert d’ocre, est alors découverte dans une des galeries. En 1948, M. Veyrier établira une stratigraphie détaillée des différentes couches (Veyrier et al., 1950). Dans les années cinquante, R. Gilles et J. Combier entreprirent des fouilles qui aboutirent à une synthèse des travaux sur ce site, ainsi qu’à une étude typologique et paléoclimatique (Combier, 1967). En 1976, lors du tamisage des déblais des premières fouilles, R. Madelain découvrit de nombreuses pièces attribuables au Gravettien (Périgordien supérieur), jamais repéré en stratigraphie. Le matériel lithique sera par la suite revisité à la lumière des travaux récents de M.-H. Moncel (2001) et de L. Slimak (2004).

Des gravures pariétales sont identifiées en 1906 par P. Raymond. L’étude et les relevés les plus complets sont l’œuvre de J. Combier, E. Drouot & P. Huchard (1958) et de L. Chabredier (1966). Un nouvel examen des parois eut lieu en 1983. Ces gravures, pour la plupart animalières, seraient cohérentes avec une attribution chronologique au Solutréen ancien, connu dans les gorges de l’Ardèche (Chabot, Oullens, Huchard).

Parmi les douze couches stratigraphiques (a à l) distinguées sur un mètre cinquante d’épaisseur, seuls deux niveaux d’occupation moustériens ont été reconnus à la base, le niveau 1’ mis au jour dans la couche h et le niveau 1, appartenant à la couche j (fig. 38). Un niveau stérile les sépare de la couche g sus-jacente, attribuée à l’Aurignacien. Ces deux niveaux sont eux-mêmes séparés par une seconde couche stérile argileuse (couche i), clairement identifiable et représentant un épisode de ruissellement. La couche j est le produit du remaniement par l’eau des dépôts sous-jacents (couches l et k correspondant à une ancienne terrasse de l’Ardèche déposée à trente-cinq/quarante mètres au-dessus du niveau actuel) auxquels s’ajoutent les premiers fragments calcaires issus de la gélivation des parois. La couche h correspondrait à un coup de froid de faible durée. Pour J. Combier (1967), la séquence s’étendrait de la fin du Würm II à la fin du Würm IV. Aucune donnée radiométrique ne permet cependant de confirmer cette attribution chronologique.

L’assemblage faunique étudié par J. Combier (1967) provient des fouilles du niveau 1, localisées dans la salle antérieure (série P. Huchard). La liste faunique contient onze espèces différentes, par ordre croissant d’abondance : le renne, un Boviné, le cheval, le bouquetin, le cerf, le sanglier, l’hydruntin, le loup, l’hyène, l’ours des cavernes et le renard. Cette association est caractéristique d’un environnement plutôt froid et steppique, avec une note plus tempérée et humide représentée par la présence du cerf et du sanglier. La présence du renne confirmerait, comme à l’abri du Maras et à la Baume Néron (Ardèche), l’attribution de ces niveaux Moustériens au Würm II (Bouchud, 1966 ; Combier, 1967 ; Gerber, 1973 ; Defleur et al., 1994a). A ce propos, notons que le renne a été attesté dans le Sud-Est dans des niveaux antérieurs au Würm II, entre autre à l’abri Moula (Ardèche, Crégut-Bonnoure, in Defleur et al., 2001), au Bau de l’Aubesier (Vaucluse, Faure & Guérin, 1989 ; Crégut-Bonnoure et al., 1994), à l’Adaouste (Bouches-du-Rhône ; Defleur et al., 2001) et à l’abri du Maras (Ardèche, Combier, 1967 ; Patou-Mathis in Moncel et al., 1994) et qu’il est par contre absent de certains niveaux attribuables au Würm II comme c’est le cas notamment dans les couches supérieures de Saint-Marcel (Ardèche, Crégut-Bonnoure, 1982 ; Daujeard, 2004). Cette espèce n’est donc pas un marqueur assez fiable pour le Würm II du Sud-Est de la France. Aucune donnée précise ne permet donc de dater ces niveaux profonds.

La série d’artefacts lithiques étudiée par J. Combier appartient au même assemblage que les restes fauniques précédemment décrits. Il s’agit des pièces issues des fouilles de P. Huchard et de ses collaborateurs. Pour J. Combier (1967), les deux niveaux correspondent à un Moustérien tardif laminaire, niveau 1’, mis au jour dans la couche h, et à un niveau Moustérien de type Quina, niveau 1, appartenant à la couche j. Selon l’auteur, le Moustérien « évolué » du Figuier entrerait dans le groupe du Moustérien du Würm II, dont le niveau 1 de l’abri du Maras, éloigné de quelques kilomètres seulement, serait l’équivalent. M.-H. Moncel (2001) reprendra l’étude de cet ensemble en y ajoutant la série provenant des fouilles de R. Gilles. L’origine de la matière première est locale, la quasi-totalité est en silex et en chaille recueillis dans un rayon de moins de dix kilomètres autour du site. Des fragments de quartz, calcaire, basalte et granite sont également présents. Certains produits, issus de zones plus lointaines, témoignent cependant d’une certaine prévoyance. Dans la couche 1 (inférieure), 25 % des produits de débitage (898 pièces) sont retouchés, il s’agit majoritairement de racloirs et d’outils convergents à deux types de retouches, envahissantes et fines. Plusieurs types de débitage sont à l’origine des éclats : Levallois, discoïde, unipolaire et bipolaire. L’outillage du niveau 1’ (supérieur) totalise 18,5 % de la série (140 pièces). Les racloirs sont également les outils les plus abondants, mais les retouches les plus fréquentes sont marginales. Contrairement aux données de J. Combier (1967), les produits laminaires ne sont pas plus fréquents dans ce niveau supérieur. La différence entre les 2 niveaux tient plus au type de retouche, beaucoup moins envahissante dans le niveau 1’. M.-H. Moncel (2001) expliquerait plus la présence de Moustérien de type Quina dans le niveau 1 (inférieur) par un type spécifique d’occupation et d’utilisation du territoire (par exemple exploitation intensive du renne), plutôt que par l’existence d’un « faciès culturel régional » (Combier, 1967 ; Slimak, 2004).