La Baume d’Oullens (Labastide de Virac)

La Baume d’Oullens (ou Oullins, ou Oulen), isolée et d’accès difficile, est située dans le tiers moyen des gorges de l’Ardèche, sur la rive droite (fig. 39) Elle appartient à deux communes de l’Ardèche (Labastide-de-Virac) et du Gard (Garn). Cette grotte, creusée dans les calcaires du Barrémien supérieur à faciès urgonien du plateau du Bois de Ronze, dont les hautes falaises délimitent la rive droite du canyon, s’ouvre au fond d’un petit cirque rocheux, en retrait de la vallée, à environ cent-soixante mètres au-dessus de la rivière et à une altitude absolue de deux-cent-vingt mètres. Son vaste porche d’entrée (hauteur de 4 m et largeur de 30 m), orienté au Nord/Nord-Est, surplombe une grande terrasse horizontale en partie abritée. Cette grotte contient deux salles, la première est grande (plus de 40 m de profondeur) et haute de plafond, tandis que la deuxième, assez vaste, est basse et très humide. Aucun prolongement du réseau n’est connu à ce jour (Combier, 1967 ; Debard, 1988).

Les premières fouilles, surtout axées sur le Néolithique, ont été réalisées par J. Ollier de Marichard. En 1896, P. Raymond poursuivit les recherches. En 1907, il fut le premier, avec L. Durdan, à mentionner les gravures du fond de la première salle. Sous les niveaux néolithiques, il ne reconnaît qu’une seule couche magdalénienne comprenant des pièces de type moustérien et solutréen. De nombreux pillages ravagèrent par la suite une grande partie du gisement. En 1937, M. Martin débuta des fouilles qui dureront une dizaine d’années. Il va distinguer deux niveaux archéologiques séparés par une couche stérile. Il attribue l’industrie au Protosolutréen. En 1951, R. Gayte et C. de Serres déblaient un étroit passage qui permit la mise au jour de la seconde salle. Ils y découvrent entre autre des figures peintes et gravées. Les sondages de J. Combier, réalisés de 1954 à 1956, fourniront la stratigraphie complète, beaucoup plus complexe, des couches paléolithiques. Celle-ci mettra pour la première fois en évidence la présence d’un niveau Moustérien sous-jacent aux douze niveaux du Paléolithique supérieur et du Mésolithique (Combier, 1967). Les couches superficielles à céramique furent fouillées à la même époque par J. Cauvin et P. Ducos. Des blocs portant des traces d’ocre rouge sont découverts en 1969 par J. Guerrier au pied d’une paroi peinte de la salle profonde. En 1977, J.-L. Roudil et F. Bazile entreprirent une opération de sauvetage qui recensa les zones archéologiques encore intactes. Suite à cette campagne, des fouilles se poursuivirent jusqu’en 1982, permettant le relevé de plusieurs coupes stratigraphiques (in Debard, 1988 ; fig. 40). Le matériel lithique issu des fouilles de J. Combier sera réétudié par M.-H. Moncel en 1996 (Moncel, 1996b).

Dans la partie profonde de la première salle J. Combier (1967) a pu distinguer treize niveaux archéologiques (1 à 13), contenant des industries du Moustérien à l’Azilien, au sein d’une séquence de trois mètre cinquante de hauteur comprenant vingt-trois couches stratigraphiques distinctes (a à w). L’étude sédimentologique faite par J.-L. Brochier (1976) attribuerait le site soit au début du Würm III, soit à la fin de la première partie du Würm ancien (Würm I), en plein pléniglaciaire. Les fouilles plus récentes des années quatre-vingts autorisèrent une seconde étude sédimentologique réalisée par E. Debard (1988). Le sondage n° 5, effectué dans le fond de la première salle, a permis de connaître la superposition des niveaux les plus inférieurs. E. Debard distingua dix-huit phases climatiques tout au long de la séquence (fig. 41 et 42). Les niveaux moustériens correspondraient aux phases climatiques 3 à 5 (couches U à N). Les couches U à Rb (« Oullins 3 ») se seraient mises en place durant un climat froid et humide de la fin du stade isotopique 3, tandis que l’ensemble « Oullins 5 », situé au début du stade isotopique 2, se serait déposé lors des occupations moustériennes (couches Ra et Q) à la faveur d’un climat froid et sec évoluant vers un climat plus tempéré et humide dans les couches P et O, se refroidissant avec le dépôt de la couche N. Une lacune de sédimentation « Oullins 4 » entre les couches Ra et Rb, traduit un climat tempéré très humide. Pour ces niveaux inférieurs, la seule datation faite par la méthode du taux de racémisation des acides aminés extraits d’ossements de la couche R (Ra et Rb confondus) a donné un âge de 31750 +/- 583 (Lafont et al., 1984). Cet âge, obtenu sur du matériel recueilli à une époque où les couches Ra et Rb n’étaient pas encore distinguées, doit être considéré avec réserve compte-tenu de la lacune sédimentaire, « Oullins 4 », qui les sépare et qui a dû avoir une certaine durée (fig. 42). Si la date était avérée, la couche R serait alors contemporaine de la couche e de Saint-Marcel (Evin et al., 1985). L’analyse des charbons issus des niveaux moustériens (couches Ra et Rb) n’a montré que la présence du pin sylvestre qui caractérise un paysage ouvert sous climat froid (Bazile-Robert, 1979).

Les restes de faune, très rares et gélivés (quelques dents isolées et esquilles), livrent les mêmes espèces, renne, cheval et bouquetin, du bas en haut de la séquence. Deux espèces indiquant un environnement plus forestier, le cerf élaphe et un petit cervidé (sans doute Capreolus capreolus), sont toutefois présentes dans la couche 9 (Brugal, 1981). La faune des niveaux moustériens livre donc un assemblage typique de milieux froids et steppiques, associés à des reliefs escarpés.

Le niveau moustérien 1, distingué par J. Combier (1967), est caractérisé par un Moustérien tardif à micropointes Levallois proche du niveau 1 du Maras. L’étude du matériel lithique reprise par M.-H. Moncel (1996b) confirme le caractère original ce cette industrie mis en évidence par la taille réduite des produits (majorité d’éclats < à 2 cm). Cependant, la présence d’un débitage Levallois récurrent unipolaire est typique des Moustériens de la région. Les éclats Levallois, d’une taille supérieure (3 à 5 cm), font de cette industrie microlithique une simple tendance, qui pourrait être expliquée par l’existence d’une aire spécialisée au sein du site (sondage de 2 m²). L’origine du silex est locale, la majeure partie provenant de la vallée du Rhône, à une dizaine de kilomètres, et l’autre partie du lit de l’Ardèche, au pied du site, ou du plateau d’Orgnac, à quelques kilomètres seulement.