La grotte du Ranc Pointu n° 2 (Saint-Martin-d’Ardèche)

La grotte du Ranc Pointu n° 2 ou des Deux-Ouvertures appartient à la commune de Saint-Martin-d’Ardèche (fig. 39). Elle est située dans la dernière partie des gorges de l’Ardèche, le long de la dernière grande falaise de la rive gauche. Appartenant à un groupe de cinq cavités creusées dans les calcaires urgoniens du Bédoulien inférieur de l’éperon rocheux du « Ranc Pointu », elle domine la rivière d’une hauteur de quarante-cinq mètres. Le porche de cette grotte est orienté au Nord-Ouest et donne accès à une petite salle (10 m de long et 6 m de large) qui se prolonge par un boyau de quelques mètres de longueur (Combier, 1967 ; Debard, 1988).

Cet ensemble de cavités est connu depuis très longtemps puisque dès la fin du XIXème siècle elles furent visitées par L. Chiron, puis fouillées par P. Raymond en 1891. J. Combier numérotera ces cinq cavités d’aval en amont (Combier, 1967). Seules les deux premières grottes ont fourni du matériel archéologique Paléolithique. La grotte n° 1 ou grotte Huchard, a livré des industries solutréenne et magdalénienne et des gravures pariétales du Solutréen ancien, et la grotte n° 2, une industrie moustérienne. R. Gilles entreprend des fouilles dans la grotte n° 2 en 1955, puis en 1963, J. Combier et J.-L. Porte y effectuent un sondage destiné à préciser la stratigraphie du dépôt. En 1976, E. Debard, aidée par R. Gilles, réalise un nouveau sondage plus extérieur que le précédent, de façon à effectuer des prélèvements sédimentologiques dans un cadre stratigraphique précis.

Le remplissage contient neuf couches : a à i (Combier, 1967 ; Debard, 1988 ; fig. 43). Le niveau Moustérien appartient à la couche c, formée de cailloutis pris en brèche issus du délitage de la paroi par gélivation. Un climat froid et humide est à l’origine de cette couche (Debard, 1998). En 1967, J. Combier attribue la partie supérieure de la séquence au début du Würm ancien, par analogie avec les dépôts cryoclastiques datés du Würm I des sites ardéchois de Payre I et d’Orgnac 2 (Baume Flandin). L’analyse d’E. Debard (1988) confirmerait cette hypothèse en plaçant la couche c, brêchifiée, au Würm ancien inférieur et les couches stériles b et a, au Würm ancien supérieur.

Très pauvre et fragmentée, la faune de la couche c ne comporte que cinq espèces : un cerf de petite taille, (dents et bois), le bouquetin, le cheval, le chevreuil et le sanglier (Combier, 1967). Excepté le bouquetin qui reflète les environs escarpés du site, les autres espèces indiquent dans l’ensemble un couvert forestier. Cette faune, caractéristique d’un milieu plutôt tempéré d’où le renne est absent, rappelle celle de la grotte de Saint-Marcel, située à quelques kilomètres, et celle de la Baume Flandin, un peu plus éloignée. Cette association faunique atténue donc l’aspect trop rigoureux du climat mis en évidence par les données sédimentologiques et permet, par ce rapprochement avec la faune würmienne du site de Saint-Marcel, d’appuyer l’attribution chronologique évoquée dans le précédent paragraphe (Debard, 1988).

Les fouilles de J. Combier et de J.-L. Porte n’ont livré de l’industrie que dans la couche c. En 1976, le sondage réalisé par E. Debard a livré un biface en calcaire dans la couche f. J. Combier (1967) note à propos de l’industrie de la couche c, la petite dimension et l’altération des artefacts, en partie roulés, et aux bords écrasés par la cryoturbation. Il souligne la médiocrité du débitage par l’aspect court, irrégulier et épais de la plupart des éclats. Il note cependant la présence d’un débitage laminaire et la quasi-absence du débitage Levallois. L’outillage, comprenant près de 50 % de racloirs, lui permet d’attribuer l’industrie du Ranc-Pointu à un « Charentien archaïque » à faciès Quina qu’il rapproche du Prémoustérien de type Ferrassie du niveau 1 d’Orgnac III. La matière première, majoritairement locale, est faite de silex et de quartz blanc. Quelques éclats sont en basalte, matériau peu utilisé dans la région, pourtant présent en abondance dans les alluvions de l’Ardèche. De très nombreux galets bruts, de toutes tailles, n’ont pas été conservés à la fouille (Combier, 1967). L’unique biface est en calcaire (Debard, 1988). L’étude ultérieure effectuée par M.-H. Moncel (1996c) permet de rapprocher l’industrie d’un Moustérien charentien du fait de la présence de très nombreux racloirs bien travaillés, d’une pièce bifaciale et d’un débitage Levallois dominant récurrent unipolaire.