Le gel

Pour établir les critères de reconnaissance de l’action du gel sur les restes osseux, je me suis appuyée sur l’étude expérimentale de J.-L. Guadelli & J.- C. Ozouf (1994 ; 2000). Les deux conséquences principales de l’action du gel sont la fragmentation et les fissures. Leur recherche consiste à reconnaître les marques laissées par le gel afin de résoudre le problème de la part de l’homme dans les accumulations osseuses. Pour cela ces auteurs ont observé expérimentalement l’effet de 1012 cycles de gel/ dégel sur différents restes osseux fossiles ou non. Au terme de leurs expériences, ils ont pu établir les constatations suivantes :

  1. Les effets du gel sont indépendants de la teneur en eau des échantillons.
  2. L’aspect irrégulier des cassures est caractéristique de la gélifraction.
  3. Il y a une grande disparité dans les effets de la gélifraction suivant les catégories d’échantillons :

Selon J.-L. Guadelli (Table Ronde sur la taphonomie, Toulouse, 2005), sous l’action du gel, un os long entier, plus qu’il ne se fragmente, va commencer par se fissurer pour ensuite se déliter en petites esquilles allongées, souvent très plates et étroites. Les os courts peuvent disparaître par érosion ou effritement. Un os n’explose donc pas en grosses baguettes larges et épaisses (cf. stades 4 et 5 d’intempérisation : chp. 3.3.1.1.et fractures dues au poids : chp. 3.3.1.3.1.) mais plutôt sous forme de piles d’assiettes (photo 25). Ce type de fissuration bute au niveau des épiphyses dans le cas d’un os entier, cela expliquerait que celles-ci soient épargnées. Grâce à ces observations il nous apparaît plus aisé de distinguer les fractures causées par l’action du gel de celles causées par le poids des sédiments ou par l’action de l’intempérisation. Malheureusement, je n’ai décompté cette fragmentation en assiettes qu’à partir de 2005 pour l’ensemble F de Payre (tab. 82). Pour les autres sites, c’est l’observation générale des assemblages et le croisement de plusieurs données qui m’ont autorisé dans certains cas à envisager l’action du gel.

Bien que les expériences en laboratoire n’aient pas permis de mettre en évidence l’influence de la teneur en eau sur la fracturation des os par le gel, en milieu naturel le drainage d’un gisement influe sans aucun doute sur la gélifraction. Quand il est bon, les ossements les moins gorgés d’eau sont ceux qui sont les moins sensibles aux alternances de gel/dégel. Au sein d’un même gisement, il est possible de distinguer des zones inégalement sujettes à la stagnation des eaux de ruissellement ou d’infiltration et donc plus ou moins atteintes par la gélifraction. L’analyse spatiale permettrait ici d’appréhender un assemblage osseux en intégrant cette disparité.

La mise en évidence de gélifracts osseux apporte des indications quant au degré de fiabilité que nous devons accorder aux études archéozoologiques quantitatives (Guadelli & Ozouf, 1994, 2000). Comme pour la fragmentation par intempérisation ou par compaction, nous ferons le point sur la gélifraction dans le chapitre 3.4.2.2.