SAISONNALITE

Etude de la saisonnalité

Selon certains auteurs, les Néanderthaliens auraient souvent exploité intensément, pendant plusieurs saisons successives, l’environnement immédiat de chaque site occupé, tandis que les hommes modernes auraient adopté un comportement plus complexe, spatialement et temporellement plus organisé au sein du territoire (Lieberman 1993, 1998 ; Lieberman & Shea 1994).

Etablir la saisonnalité des occupations successives d’un site apporte en effet des indications primordiales sur le mode de vie d’une population et plus exactement sur son économie de subsistance. Cependant, il ne faut pas interpréter trop rapidement des données offertes par quelques sites, sans au préalable avoir à l’esprit la parcimonie avec laquelle l’archéologie nous révèle les preuves du passage des hommes. C’est en établissant des réseaux de données archéologiques croissantes que l’on pourra à terme avoir une idée du fonctionnement de ces sociétés paléolithiques au sein d’une aire géographique délimitée. Pour K. W. Butzer (1977, 1982), c’est la diversité des ressources du milieu naturel et sa richesse qui ont permis à l’homme de multiplier ses stratégies adaptatives, tandis que pour J. D. Speth (Speth & Spielmann,1983 ; Speth, 1987a), ce sont les variations saisonnières qui ont mis les capacités adaptatives de l’homme à l’œuvre, par exemple le manque de nourriture l’aurait obligé à adopter des stratégies de subsistance différentes.

Il existe plusieurs sources d’information pour établir la saisonnalité : les cycles de croissance et de chute des bois ; la présence de fœtus ; les périodes d’éruption dentaire ; les degrés de maturation des os des jeunes (tab. 136) et les cernes de croissance du cément dentaire. J’ai utilisé principalement dans cette étude les données des trois premières méthodes, principalement issues de la littérature vétérinaire. Les tableaux d’éruption dentaire (tab. 129 à 135) ont été établis à partir des données actuelles du remplacement et de l’usure dentaire des cerfs (Riglet, 1977), daims (Henry, 1980 ; Chaplin & White, 1969), chevreuils (Paulus, 1973), bouquetins (Couturier, 1961), sangliers (Baubet et al., 1994), chamois (Couturier, 1938), grands Bovidés (Brugal & David, 1993) et chevaux (Klein & Cruz-Uribe, 1984 ; Guadelli, 1998 ; Bignon, 2003). Pour établir les saisons d’abattage des tahrs, je me suis appuyée sur les données actualistes offertes par les bouquetins (Couturier, 1961) et pour les rennes, très peu nombreux, sur celles des cerfs (Riglet, 1977). Pour calculer les saisons de chasses des Néanderthaliens à partir de la connaissance des périodes de mise-bas et d’éruption dentaire, des périodes de gestation ou de perte et de repousse des bois, je me suis appuyée sur les données indiquées dans le tableau 137 concernant l’éthologie des principaux herbivores. Les indices de saisonnalité ainsi regroupés dans certains niveaux nous informeront tout au plus sur des périodes de chasse privilégiées, mais ne permettront pas d’exclure la possibilité d’autres périodes d’occupations qui ne seraient pas illustrées.