Données et interprétations de la saisonnalité

A la BAUME DES PEYRARDS, deux arguments majeurs nous permettent, à cette phase du travail, de penser que les saisons de mort des herbivores correspondent bien (pour la plus grande majorité) à des saisons d’abattage par les Néanderthaliens, et non par des Carnivores, et donc à des périodes d’occupation humaine du site. Premièrement, nous avons vu que le site des Peyrards ne contenait que très peu de restes portants des marques de Carnivores (< 2,5 %) en regard du nombre présentant des marques de boucherie (environ 20 %). Deuxièmement, exception faite de l’ensemble supérieur a, qui compte 7,9 % de prédateurs potentiels (dhôles et lynx), l’ensemble de la séquence a livré des taux inférieurs à 5 %. Ces proportions sont trop faibles pour permettre d’envisager une utilisation de la Baume comme repaire fréquent. Selon cette configuration, les dhôles auraient principalement charogné les proies apportées dans le site par les hommes.

Mis à part un fragment de base de merrain avec sa meule issu d’un bois de chute de cerf (photo 88), tous les autres restes de bois sont des extrémités d’andouillers qui ne nous permettent pas de savoir s’il l’on est en présence de bois de massacre ou de bois de chute. Le fragment de bois de chute a été mis au jour dans l’ensemble supérieur indéterminé (fouilles M. Deydier & F. Lazard). Si l’on suppose que sa récupération correspond à la période pendant laquelle les cerfs perdent leurs bois (surfaces intactes, pas de destruction naturelle ni de grignotage par les rongeurs ou par d’autres Cervidés), alors ce reste indiquerait une occupation du site à la fin de l’hiver ou au début du printemps. Les cinq restes de fœtus de bouquetin issus des ensembles supérieurs a, b, c-d et indéterminé nous informent de périodes d’occupation du site pendant l’hiver, saison durant laquelle les étagnes sont en gestation (tab. 139).

Outre ces restes, ce site a livré une vingtaine de dents de bouquetins (juvéniles ou jeunes adultes, tab.), provenant exclusivement des ensembles supérieurs et de l’échantillon indéterminé, qui nous ont révélé, grâce à la connaissance des périodes d’éruption dentaire (tab. 131), les périodes de mort de cet herbivore (tab. 138). Celles-ci se concentrent particulièrement sur deux saisons : fin de l’été et automne-hiver (fig. 171). Un seul reste dans l’ensemble supérieur c-d montre des occupations en plein été. En revanche, aucun reste, dans toute la séquence, n’a pu attester d’occupations au printemps. Plusieurs arguments éthologiques expliqueraient la meilleure attractivité des bouquetins à ces époques. La fin de l’automne et le début de l’hiver correspondent à la période du rut (tab. 137). Nous avons vu qu’à cette époque de l’année les bouquetins se rassemblent en grandes hardes mixtes, sans doute plus facilement repérables et moins méfiantes, du fait de leurs préoccupations à l’accouplement et au combat. C’est aussi le moment de l’année où les animaux ont accumulé leurs réserves en graisse avant l’hiver et donc où leur charge pondérale est à son maximum. L’hiver, après les reproductions, les grands troupeaux mixtes se disloquent en petites hardes où la ségrégation sexuelle est à nouveau de mise. Les femelles gravides sont alors en meilleur état que leurs homologues mâles, affaiblis par le rut. Les six restes de fœtus (sur 8 indices d’hivernage) retrouvés dans les ensembles supérieurs et l’échantillon indéterminé pourraient alors témoigner d’une prédilection pour les femelles au sein de ces hardes ségrégatives. Enfin, la fin de l’été et le début de l’automne coïncident avec la phase de nutrition intense au cours de laquelle les femelles et les jeunes se rassemblent en hardes pouvant atteindre 80 individus et les mâles en petits groupes restreints à une dizaine de têtes, les vieux mâles pouvant être solitaires. L’absence d’abattage de bouquetins durant le printemps indiquerait peut-être une baisse d’intérêt pour des animaux amaigris par l’hiver. Il est important d’évoquer aussi la possibilité de migrations saisonnières, les populations repeuplant les zones de basse altitude durant la saison froide, ce qui expliquerait l’abondance d’indices saisonniers à cette époque de l’année. Au printemps, comme nous l’avons vu dans le chapitre 4.1.1., les bouquetins, à la recherche de pâturages, gagnent de l’altitude au fur et à mesure du déneigement, rejoignant peut-être dans cette région les zones plus montagneuses illustrées par exemple par les massifs des Baronnies au Nord ou, à l’Est, par ceux des Alpes-de-Haute-Provence présents à une centaine de kilomètres à vol d’oiseau. A la grotte du Portel-Ouest, en Ariège, A. Gardeisen (1997, 1999) observe les mêmes périodes d’occupation dans des niveaux paléolithiques moyens où le bouquetin représente l’une des proies des chasseurs, émettant également l’hypothèse de troupeaux descendants les massifs élevés des Pyrénées pendant la saison froide. Cependant, le site du Portel est beaucoup plus proche des hautes montagnes que ne l’est celui des Peyrards, et par ailleurs, rappelons que le bouquetin était tout à fait adapté à l’environnement de la Provence sub-alpine (cf. chp. 4.1.2.1., Brugal & Crégut-Bonnoure, 1994). La présence constante de cette espèce durant les stades isotopiques 4 et 3 dans les milieux escarpés des combes, gorges et vallées du Lubéron reste donc l’hypothèse la plus probable.

Pour ce qui est des autres espèces, le cerf (ensemble supérieur c-d et indéterminé) a été chassé aux mêmes périodes que le bouquetin (tab. 138 et fig. 172), affichant également une absence d’abattages au printemps (le ramassage du bois de chute n’est pas synonyme d’une chasse de cet animal ; cf. supra), ceci sûrement pour les mêmes raisons précitées. Fluctuations des réserves alimentaires mises à part, nous avions en effet noté que l’époque du rut était une époque privilégiée pour la chasse aux cerfs, ces derniers accusant également une baisse de vigilance importante à cette période. Notons également que le printemps correspond pour cette espèce au démantèlement et à la restructuration des hardes annuelles distinctes de femelles et de mâles, les biches gravides s’isolant pour mettre bas et les jeunes de plus de trois ans quittant les hardes de femelles.

Seuls les chevaux et les sangliers attestent de haltes printanières (tab. 138 ; fig. 173 et 175). Les premiers livrent deux périodes nettes d’abattage, à l’automne dans les ensembles supérieurs b et c-d, ce qui rejoint les chasses au bouquetin et au cerf, et au printemps dans l’ensemble supérieur a et dans l’échantillon indéterminé. En regard des données de l’éthologie, ces deux périodes sont particulièrement intéressantes pour la chasse aux chevaux. A ce propos, O. Bignon (2003, 2006, 2007) note, dans son étude des stratégies cynégétiques au Tardiglaciaire, que l’abattage de cette espèce au printemps est une pratique dominante chez les Magdaléniens. L’auteur énumère plusieurs prétextes pouvant expliquer ce choix saisonnier. Tout d’abord le rut chez les Equidés se déroule après la période de mise-bas, c’est-à-dire à la fin du printemps. C’est donc, chez cette famille d’herbivore, la période de regroupement des harems, période durant laquelle la mobilité des groupes et l’espacement individuel sont réduits. La taille et la composition variée des troupeaux permettent alors d’avoir un plus grand choix d’individus, les plus jeunes et les plus vieux étant des proies plus faciles. Par ailleurs, ces lieux de réunions sont généralement les mêmes d’une année sur l’autre, permettant aux hommes de prévoir leurs activités cynégétiques. Enfin, l’affaiblissement des bêtes à la sortie de l’hiver devient ici un atout pour les chasseurs, ces grands herbivores étant plus difficiles à abattre que les bouquetins et les cerfs. Quant aux abattages automnaux, ils correspondent aux périodes de chasse des autres herbivores et peuvent trouver paradoxalement leur explication dans l’excellente condition physique des animaux avant l’hiver.

Les deux indices de saisonnalité des sangliers donnent la période de mort d’un individu à la fin de l’été dans l’ensemble supérieur a et au printemps dans l’ensemble indéterminé. Chez le bouquetin, des occupations estivales (août-septembre) ont été attestées dans l’ensemble supérieur a et on vient de voir que des chevaux ont été abattus au printemps. Les morts des sangliers pourraient donc correspondre à des périodes d’occupation humaine et donc à un abattage volontaire de cette espèce, mais leur présence peut aussi être naturelle, parfois nécrophages, ils ont pu être attirés par les carcasses d’herbivores introduites par les hommes.

Un reste d’aurochs et un reste de chevreuil attestent d’abattages à l’automne (tab. 138 ; fig. 176 et 177), respectivement dans l’ensemble supérieur b et dans l’ensemble indéterminé comme pour les bouquetins, les chevaux et les cerfs. Trois restes dentaires de chamois indiquent des chasses automnales dans l’ensemble supérieur a et dans l’ensemble indéterminé (tab. 138 et fig. 174).

De façon à résumer ces données en fonction des ensembles stratigraphiques et des échantillons étudiés, on peut dire que dans l’ensemble supérieur a les hommes sont venus sous l’abri au printemps pour y tuer les chevaux, à la fin de l’été pour les bouquetins et les sangliers, au début de l’automne pour les chamois et en hiver, période durant laquelle une étagne gravide a été abattue (un reste de fœtus). En b, seules des occupations à la saison froide (automne-hiver) ont été assurées par les restes de bouquetins, de chevaux et d’aurochs. Dans les couches superficielles c-d, on observe toujours des chasses à l’automne pour certaines proies : bouquetins, cerfs et chevaux, mais également des haltes en été et en hiver pour les premiers. L’ensemble supérieur indéterminé confirme ces informations pour les chevaux, tués au printemps et à l’automne et pour les bouquetins, morts durant l’automne. En revanche, il apporte une nouvelle information quant à la chasse au cerf, un fragment de crâne portant un pédicule (bois tombé) indiquerait la capture d’un mâle à la fin de l’hiver ou au début du printemps. Enfin, tous les niveaux de la séquence confondus (ensemble indéterminé) livrent des indications parfois similaires, telles que des chasses aux bouquetins pendant la saison froide et des chasses aux chevaux au printemps, et d’autres supplémentaires qui nous apprennent des captures d’espèces secondaires à ces mêmes périodes (sanglier au printemps et chamois, chevreuils et cerfs en automne) et à d’autres, par exemple en été pour le cerf comme en témoigne la présence d’une deuxième molaire inférieure tout juste sortie.

A la grotte SAINT-MARCEL, de façon plus accentuée qu’à la Baume des Peyrards, les indices d’accumulations anthropiques accumulés jusqu’à maintenant permettent d’associer les périodes de morts des animaux à des périodes d’occupations humaines. Le site n’a livré aucun reste de prédateur et ces derniers n’ont laissé sur les surfaces osseuses que de brefs témoignages de leurs passages (moins de 4 % des ossements touchés), tandis que les marques laissées par les hommes affectent environ 40 % des carcasses.

Les deux extrémités d’andouiller de cerf issues des ensembles 7 et inférieur ne donnent aucune indication sur les périodes d’habitat. C’est en revanche son déficit en bois dans les couches sus-jacentes à la couche u, où il représente pourtant l’herbivore dominant, qui pourrait apporter une information saisonnière, à savoir des occupations printanières à l’époque de leur chute (Crégut-Bonnoure, 1982 ; Daujeard, 2002, 2003, 2004 ; Moncel et al., 2004). Cette hypothèse peut être vérifiée dans le cas où les deux sexes ont été abattus. En effet, si les hommes ont attaqué préférentiellement les hardes de jeunes adultes et de femelles, l’absence de bois ne permet plus d’en déduire une saison d’occupation mais tout au plus une pratique de chasse. Les deux bois de chute de chevreuil retrouvés intacts dans l’ensemble 7 correspondraient quant à eux à des ramassages durant l’automne, saison de perte des bois de ce petit Cervidé. Trois restes de fœtus mis au jour dans l’ensemble 7 et les couches inférieures témoignent d’abattages de femelles gravides pendant l’hiver (tab. 141).

Les autres indices proviennent des restes dentaires des jeunes apportés sous le porche (tab. 140). Selon tous ces derniers, il apparaît que dans l’ensemble 7 le cerf a été chassé à toutes les périodes de l’année avec un pic durant l’été (tab. 140 et fig. 178). Les périodes d’abattage ne coïncidant pas avec la période durant laquelle les mâles sont dépourvus de leurs bois (fin hiver et printemps), elles pourraient signifier des chasses restreintes aux hardes de femelles et de jeunes, plus aisément repérables et moins dangereuses que les mâles isolés. Il est aussi possible que ces parties volumineuses aient été volontairement abandonnées sur le site d’abattage ou aient fait l’objet d’un traitement particulier à l’origine de leur absence. Dans cet ensemble 7, chevaux, chevreuils et sangliers attestent tous d’occupations coïncidant avec la chasse au cerf. Les deux premières proies indiquent des abattages automnaux et le sanglier est mort au printemps (tab. 140 ; fig. 179 à 181).

Dans les autres ensembles (inférieur et couche u) les deux saisons privilégiées de chasse au cerf se situent pendant la saison froide (automne-hiver) (fig. 178). Rappelons que l’automne correspond aux périodes d’accouplements lors desquelles la vigilance des cerfs s’amenuise. C’est aussi le moment de l’année (automne) où les animaux ont fini de constituer leurs réserves pour l’hiver et sont donc plus attractifs. Ceci vaut principalement pour les femelles, les mâles ayant été amaigris par le rut. Dans les couches inférieures, les chevaux ont également été tués à cette période (fig. 179). Pour la couche u, nous avions vu que deux indices donnaient des chasses au cerf à l’automne et à l’hiver (fig. 178). Le daim, espèce prépondérante dans ce niveau, indique des périodes marquées d’abattage à l’automne et au printemps avec quelques indices plus rares en été (tab. 140 et fig. 182 ; photo 89). L’absence des bois chez ce Cervidé, qui connaissent une repousse immédiate, pourrait alors correspondre à des captures de femelles ou de mâles au moment précis de la chute (printemps) et, aux autres périodes de l’année (été et automne), à l’abattage sélectif de hardes de femelles et de jeunes. Comme chez le cerf, le rut des daims a lieu à l’automne. Aucun indice ne donne de chasses au daim pendant l’hiver. Au printemps, les chasseurs ont pu profiter de l’affaiblissement des animaux à la sortie de l’hiver, et en été, des démantèlements et des restructurations des hardes qui suivent l’époque des mises-bas (regroupements des jeunes mâles de plus de deux ans et formation des nouvelles hardes de femelles et de jeunes), ces dernières ayant lieu en juin-juillet.

Dans l’ensemble F de PAYRE, l’association saisons de morts des herbivores/saisons d’occupation humaines de la grotte est moins évidente du fait de la présence de supers prédateurs tels que les loups, les hyènes et les lions des cavernes, bien que très peu représentés (respectivement 1,6 %, 0,5% et moins de 0,3 % du NRDt). Les dhôles, panthères et lynx représentent également des tueurs potentiels. La conformation de la grotte, assez étroite et profonde pour y accueillir des ours en hibernation, a aussi pu servir de repaire occasionnel. Ces carnassiers ne semblent cependant pas avoir été les accumulateurs principaux. D’une part, leurs proportions respectives dans les spectres fauniques ne permettent pas d’envisager une utilisation coutumière de la grotte en tanière. D’autre part, ils n’ont laissé que peu de traces de leurs morsures sur les carcasses d’herbivores (moins de 5,7%). Ces données permettent d’accorder une importance plus grande au charognage des carcasses introduites dans la grotte par les hommes plutôt qu’aux captures véritables, à l’image de ce que l’on a pu observer aux Peyrards. Elles autorisent aussi l’adéquation des indices de saisonnalité fournis par les herbivores aux épisodes de venue des hommes.

Dans ce gisement, aucun reste de fœtus appartenant à des herbivores n’a été déterminé et les deux seuls fragments d’andouillers de cerf des niveaux Fa et Fb ne nous livrent aucune information sur la saisonnalité. Dans le niveau Fa, le fragment de crâne d’un chevreuil adulte mâle dépourvu de ses bois témoigne de son abattage à l’automne (tab. 142 et photo 83). Les autres indices sont les restes dentaires des jeunes animaux (tab. 142). Le niveau indéterminé n’en a livré aucun.

En ce qui concerne l’herbivore le plus courant dans cet ensemble, le cerf, il fournit des périodes de chasse à divers moments de l’année selon les niveaux (fig. 183). En Fa, plusieurs individus ont été abattus à la fin de l’été et à l’automne ; en Fb, la saison de chasse se décale en automne et en hiver ; et en Fc-d toutes les saisons sont représentées, avec, pour la saison chaude, un abattage qui correspond à la fin de l’été.

En Fa, on observe également pour d’autres gibiers comme les chevreuils, les grands Bovidés, les tahrs et les sangliers, des occupations automnales, mais aussi une autre période de chasse, au printemps, qui concerne seulement les daims et les chevreuils (fig. 184 à 188). En Fb, seul le daim a fourni d’autres indices de saisonnalité, il s’agit d’une première molaire inférieure juste sortie qui témoigne d’une mort à l’automne, recoupant celle d’une partie des cerfs. Enfin, dans les niveaux profonds, un chevreuil, un tahr et un grand Bovidé ont été tués au printemps pour le premier et à l’automne pour les deux derniers. N’ayant pas pu étudier les restes dentaires des Equidés de cet assemblage, la saisonnalité des chevaux ne pourra pas être abordée.

Dans le gisement de BALAZUC, l’extrême rareté des traces de boucherie (moins de 4 %) alliée aux proportions non négligeables de marques de dents de Carnivores et de griffades (entre 10 % et 20 %) et aux taux importants du NMI des prédateurs (entre 5 % et 10 %) excluent d’emblée toute association entre dates de mort des herbivores et passages des hommes. Les loups seraient pour beaucoup dans l’accumulation des carcasses dans cette petite grotte, en particulier des carcasses de bouquetins (cf. chp. 4.2.). Nous nous contenterons de donner les périodes d’abattage, permettant d’obtenir un intervalle au cours duquel certaines bêtes ont pu avoir été chassées ou charognées par les Néanderthaliens.

Dans cette série, les données de la saisonnalité sont issues des restes de fœtus (bouquetin et cerf) ainsi que des restes dentaires des jeunes individus (tab. 143 et 144). L’occupation de la grotte par les prédateurs (hommes ou loups) s’étend de l’été à l’hiver, avec un pic d’occupation à la fin de l’été et au début de l’automne. Aucun indice ne donne de bouquetin tué au printemps (fig. 189). Les occupations humaines se calqueraient donc sur ce calendrier, à savoir des venues envisageables d’été en hiver. Cette périodicité des abattages de bouquetins correspond à celle observée aux Peyrards, à savoir une absence d’individus tués au printemps. Etant donné que dans ce site, le bouquetin est a priori plus lié à une prédation par les loups qu’à d’éventuels choix humains dans l’exploitation du territoire (déplacements saisonniers), cette absence pourrait alors révéler l’éloignement des troupeaux en recherche de meilleurs pâturages à la sortie de l’hiver. A Balazuc, les régions de plus haute altitude les plus proches sont les massifs montagneux des Cévennes, à une dizaine de kilomètres du site.

Les cerfs et les Bovinés ont livré des indices de captures à la mauvaise saison (automne-hiver), ce qui corrobore la saisonnalité des bouquetins (fig. 189).

A la BAUME FLANDIN, de façon peut-être plus mitigée qu’à Balazuc, des Carnivores tels que l’hyène, le loup et la panthère ont aussi joué un rôle crucial, partageant avec les hommes la responsabilité des accumulations. Les taux de NMI de ces prédateurs sont plus importants (plus de 10%) mais sans doute moins significatifs (taille des échantillons), tandis que les proportions en stries de boucherie sont plus élevées (entre 13 % et 26 % selon les niveaux) et celles des marques de dents moindres (entre 3 % et 10 %). Les saisons d’abattage correspondraient donc autant à des captures d’herbivores par les hommes qu’à des captures par les autres prédateurs.

Dans ce site, l’étude de la saisonnalité offre plusieurs informations qui se recoupent. De nombreux indices placent en effet les périodes d’abattage des chevreuils, chevaux et bisons de forêt à la même saison : au printemps (tab. 145 et fig. 190). Les indices de saisonnalité du cerf, proie dominante dans ce site, placent en revanche les périodes d’abattage à l’automne et de façon beaucoup moins accentuée (1 seul indice) en hiver. Ces données n’excluent bien entendu pas la possibilité d’autres périodes d’occupation, mais font de ces saisons les époques privilégiées de chasse de ces différents herbivores. Nous avons déjà vu que le printemps concorde pour les chevaux avec le regroupement des harems. Les bisons et les chevreuils sont en revanche des espèces plutôt territoriales qui devaient donc être présentes aux alentours du site à cette période qui correspond à celle des mises-bas.

L’abri du MARAS fait partie des assemblages à accumulations quasi-exclusivement humaines. D’une part, la configuration très ouverte de l’abri rocheux, bien que plus avancé à l’époque, ne se prête pas à son utilisation comme repaire ou tanière, d’autre part un seul reste de loup est attesté pour toute la séquence (ensemble supérieur) et les dommages laissés par des Carnivores sur les surfaces ne dépassent pas 2 % des restes. De plus, les stries de boucherie sont fréquentes, observées sur plus de 25 % des restes dans les couches supérieures et le niveau 1, et sur 14 % environ dans l’ensemble inférieur.

Les cinq indices de saisonnalité appartenant au renne dans l’ensemble supérieur (4) et au chevreuil dans l’ensemble inférieur donnent tous des occupations du site durant l’automne (tab. 146 et fig. 191). L’hypothèse de chasses au renne automnales dans ce site qui jouxte pratiquement la vallée du Rhône peut être soutenue par les saisons des grandes migrations de ce Cervidé. A l’automne, de grands troupeaux de renne ont dû emprunter le couloir rhodanien pour atteindre des territoires plus austraux, le Maras a pu alors devenir une halte privilégiée pour l’abattage de ce gibier.

Enfin, la grotte du FIGUIER a également fourni quelques données sur la saisonnalité (tab. 147 et fig. 192). Ce site renferme un nombre non négligeable de prédateurs (5,8 % du NMI) et, bien que peu de traces de morsures attestent de leurs passages (2,1 %), les marques de boucherie affichent également des taux très bas (7,4 %). Ces données, ajoutées aux sérieux problèmes de représentativité accusés par l’échantillon observé, ne permettent pas d’associer les saisons de capture des herbivores à celles des passages humains dans la grotte. Un fragment de maxillaire de jeune sanglier (photo 90) donne une période de mort de l’animal au début de l’été, tandis que la mort du renne à l’automne (photo 91) nous permet seulement d’envisager des haltes de chasse à cette période de grandes migrations, ce qui rejoindrait le scénario évoqué au Maras, à moins de dix kilomètres. La grotte du Figuier est en effet le site des gorges le plus proche de la vallée du Rhône, il s’ouvre juste avant la dernière courbe de l’Ardèche qui précède sa sortie du canyon.

Le faible échantillon de l’abri du PECHEURS n’a fourni aucune indication sur les périodes de mort des herbivores présents dans la grotte.