ACTEURS ET STRATEGIES DANS L’EXPLOITATION DE L’ENVIRONNEMENT ANIMAL

Accumulations principalement humaines

Dans les trois principaux gisements des Peyrards (ensemble supérieur), de Saint-Marcel et de Payre (ensemble F), ainsi que dans le petit site du Maras, les conséquences moindres des altérations météorologiques et géologiques sur les surfaces osseuses, la faiblesse des marques laissées par les Carnivores et leur relative rareté au sein des listes fauniques, conjuguées aux taux importants des restes striés et fracturés par l’homme permettent d’imputer aux Néanderthaliens la majeure partie de l’accumulation des herbivores dans les habitats. Ce constat nous permet d’approcher dans ces sites au plus près des stratégies humaines de chasse et de transport des carcasses.

A la BAUME DES PEYRARDS, le bouquetin a été de loin le gibier privilégié des hommes, suivi par le cerf, le cheval et le chevreuil, puis par d’autres herbivores plus anecdotiques tels que le chamois, l’aurochs, l’hydruntin et le sanglier. Quelques dhôles, lynx, ours bruns et renards ont été aussi quelquefois les hôtes de cet abri, charognant les carcasses rapportées par les hommes et, pour les deux premiers, rapportant certainement quelques proies parmi cet inventaire. L’ensemble inférieur fait à ce titre exception. Bien qu’étant le seul échantillon dépourvu de restes de Carnivores, c’est aussi le seul à associer le taux le plus faible en restes striés avec le pourcentage le plus élevé en restes mâchonnés ou ingérés. Sa faiblesse en nombre d’ossements mis au jour achève de le mettre à l’écart des interprétations effectuées ci-après.

Les Néanderthaliens sont venus aux Peyrards à toutes les périodes de l’année, mais pas pour y chasser toujours les mêmes espèces. Il apparaît nettement que les occupations printanières ont été focalisées sur l’abattage des troupeaux mixtes de chevaux durant le rut. La rivière, qui coule au pied du site, a pu être un point de ralliement essentiel pour ces Equidés qui ont des besoins quotidiens en eau. Pendant les autres périodes de l’année et principalement durant la saison froide (de la fin de l’été à l’hiver), les hommes ont pratiqué une chasse majoritaire, mais non exclusive, au bouquetin, puisant également dans les autres ressources animales offertes par l’environnement (cerfs, chevreuils, aurochs et sangliers). La récurrence observée dans ces périodicités témoigne de modes d’exploitation du territoire qui auraient perduré au fil des occupations successives, les hommes assignant à cet abri une fonction particulière au sein de leur calendrier de chasse. La forte similitude des modes de débitage (Levallois) et des types d’assemblages lithiques (Moustérien de type Ferrassie classique ou oriental) provenant des différents ensembles supérieurs würmiens va également dans ce sens (Lumley, 1969). Il reste cependant difficile de dire si ces données indiquent des occupations continues, par exemple d’été en hiver pour la chasse au bouquetin, ou des occupations ponctuelles distinctes.

Pour les bouquetins des ensembles supérieurs, des chasses à l’affût près des couloirs de circulation habituels de ces petits Bovidés ou à l’approche des lieux de rassemblement pour le rut peuvent être envisagées. Les profils de mortalité indiquent partout une meilleure représentation des individus dans la force de l’âge, jeunes adultes, matures ou adultes âgés, écartant l’hypothèse d’une prédation focalisée sur les individus affaiblis. Une sélection des proies les plus rentables est au contraire attestée.

A l’exception de l’ensemble inférieur où les segments distaux des membres et les mandibules dominent largement, dans tout le reste du gisement le transport des cuisses, des épaules et des crânes apparaît plus fréquent que celui des troncs et des extrémités de pattes. Nonobstant un abandon du squelette axial sur les lieux de capture, cette partie a pu également subir, notamment lors des périodes de pénurie (saison froide), à l’image des épiphyses d’os longs sous-représentées, un broyage intentionnel sous l’abri pour la récupération des lambeaux de viande et de graisse restés prisonniers de ces parties et de leur graisse osseuse. Pour les extrémités de pattes, elles ont pu être séparées des membres avant le transport ou avoir fait l’objet de traitements particuliers liés à la récupération des peaux.

Les cerfs, chassés aux mêmes saisons que le bouquetin, ont également fait l’objet d’attaques des hardes mixtes lors des accouplements d’automne et, en été et en hiver, d’autres captures privilégiant les groupes de femelles et de jeunes. Des profils d’âge différents indiquent des stratégies multiples, axées sur les très vieux individus dans les niveaux superficiels c-d et, dans les niveaux sous-jacents a et b, sur les adultes jeunes et matures. Le grand échantillon des indéterminés indique quant à lui un grand nombre de juvéniles, plaidant pour des captures faites au sein des hardes de femelles. La prééminence récurrente des membres, antérieurs comme postérieurs selon les ensembles, et des crânes sur les autres parties du squelette, soutient l’hypothèse d’un transport sélectif de ces parties à l’habitat. Seul l’ensemble inférieur met en évidence une supériorité des segments distaux des pattes sur les autres parties.

Que ce soit parmi les troupeaux de chevaux chassés à l’automne dans les niveaux c-d et b ou parmi ceux traqués durant les accouplements du printemps, les hommes n’ont privilégié aucune des cinq catégories d’âge en particulier. La cuisse a été le morceau le plus fréquemment rapporté au campement. Pour ces grosses proies, cette partie est celle qui offre les meilleurs avantages en terme de quantité de viande et de facilité de traitement. Les membres antérieurs arrivent en seconde position, devant le crâne, le squelette axial et les extrémités, la plupart du temps abandonnées sur les lieux de capture.

Pour les autres herbivores, exception faite des sangliers, sans doute intrusifs, qui donnent des périodes de mort au printemps et à l’été, chevreuils, chamois et aurochs indiquent des abattages à l’automne. L’hydruntin n’a pas fourni ce type d’information. Nous avons vu que les âges obtenus pour ces espèces secondaires avaient permis de distinguer deux types de stratégies cynégétiques, des captures axées sur les individus adultes (jeunes, matures ou âgés) pour les chamois et les chevreuils, et des prises d’animaux plus aisément capturables, maladroits ou affaiblis (jeunes et vieux) pour les aurochs et les hydruntins. Exception faite de l’ensemble inférieur où le chevreuil montre, de la même façon que le bouquetin et le cerf, un nombre important de métapodes, les parties charnues du squelette (stylopodes, zeugopodes ou squelette axial) chez ce petit Cervidé, comme chez le chamois et l’aurochs, sont assez bien représentées, ce qui témoigne d’un accès premier aux carcasses par les hommes. Les sangliers et les hydruntins sont majoritairement illustrés par des restes dentaires. Rappelons que pour les petits Equidés cette représentation ne témoigne pas d’un apport exclusif des crânes mais plutôt d’un biais lié à des soucis de détermination. Enfin, il faut associer à ce régime de grands et de moyens herbivores, les sept fragments de carapace de tortue provenant de l’ensemble supérieur a, ainsi que les milliers de restes de Léporidés non étudiés.

La récupération de carcasses d’animaux déjà morts est un mode d’approvisionnement qui a certainement complété quelquefois la chasse. Les catégories d’âge extrêmes comprenant les individus juvéniles et séniles doivent d’ailleurs illustrer en partie le charognage.

A la grotte de SAINT-MARCEL, dans les couches supérieures le cerf domine très largement le spectre, et dans la couche u il est remplacé par le daim. Ces deux Cervidés sont accompagnés par un cortège d’autres herbivores, par ordre d’importance les chevreuils, les chevaux, les bouquetins du Caucase, les hydruntins, les aurochs, les mégacéros, et dans la couche u il faut ajouter à cette liste trois restes de Rhinocérotidés et un reste de tahr. D’autres animaux non introduits par l’homme, comme l’aigle dans l’ensemble inférieur et l’ours des cavernes dans la couche u, viennent compléter l’inventaire de la grande faune. Aucun reste de grand prédateur ne témoigne dans ce gisement d’une concurrence avec les hommes dans cette accumulation d’herbivores. Seules quelques traces de dents attestent de brefs passages de charognards sous le porche. J.-Ph. Brugal & J. Jaubert (1996) interprètent de deux manières différentes le spectre faunique de Saint-Marcel. Dans une première approche, l’abondance de Cervidés dans le site de Saint-Marcel « désignerait non pas une spécialisation de la chasse, mais une localisation donnée dans un environnement plus homogène », c’est à dire offrant un choix d’espèces moins varié à proximité du site (selon les auteurs les sites en abri-sous-roche seraient des lieux d’exploitation complémentaire des sites de plein-air à faune mixte ou spécialisée). Sur ce point, l’environnement biologique de Saint-Marcel décrit plus haut et les analyses que nous avons faites à partir de l’étude des structures des populations animales s’opposent à cette explication (Daujeard, 2002, 2003). Les Néanderthaliens ont sans aucun doute chassé préférentiellement les Cervidés en accord avec ce que leur offrait leur environnement immédiat, mais il est en revanche indéniable que le cerf a été sélectionné de manière préférentielle par rapport au chevreuil par exemple. Nous préférons donc l’autre analyse évoquée par ces deux auteurs qui nous semble plus appropriée et qui rejoint celle que nous avons évoquée plus haut. Cette dernière consiste à interpréter l’abondance du cerf ou du daim à Saint-Marcel comme « une orientation saisonnière vers l’exploitation d’une seule espèce ».

A Saint-Marcel comme aux Peyrards, la saison privilégiée d’abattage de plusieurs herbivores se situe à l’automne. Dans l’ensemble 7 quelques indices de mort pour les cerfs, les chevaux et les chevreuils donnent des occupations à cette saison. Deux dents de chevaux de l’ensemble inférieur et six de daim de la couche u indiquent également des abattages à cette même période.

Pour les cerfs et les daims, d’autres saisons sont toutefois illustrées. Dans l’ensemble 7, des indices de saisonnalité attestent de traques au cerf tout au long de l’année, avec une fréquence accentuée à la belle saison, et dans la couche u le daim semble avoir été chassé au printemps de façon aussi fréquente qu’à l’automne, et quelques témoins montrent des venues pendant l’été. L’analyse de l’usure des dents ainsi que la présence ou l’absence de restes de bois ou de fœtus pour ces deux Cervidés nous a permis de discerner quelques-uns de leurs modes de capture. Les cerfs des trois ensembles sus-jacents à la couche u ont fait l’objet de chasses dirigées sur les individus dans la force de l’âge provenant des hardes de femelles et de jeunes (extrême rareté des bois, présence de juvéniles et de fœtus). Dans la couche u, trois cerfs, parmi les quatre individus recensés, appartiennent aux catégories d’âge les plus fragilisées (juvénile et sénile). De la même façon, les daims âgés sont majoritaires dans cette couche. Cette supériorité, conjuguée à la part importante des juvéniles et, de nouveau, à la rareté des bois, montre des stratégies plus opportunistes mais toujours axées sur les hardes de femelles et de jeunes, associées à d’éventuels charognages. Deux daims adultes ont été apportés sous le porche dans les ensembles 7 et inférieur.

Quant aux autres espèces secondaires, les profils des chevreuils et des bouquetins attestent de chasses d’individus de tous âges avec toutefois une légère supériorité pour les matures. La majorité des chevaux, hydruntins, aurochs et tahrs sont des immatures ou des bêtes âgées. Les proies les plus aisément capturables ont donc été préférées à celles plus rentables mais aussi plus farouches représentées par les deux catégories des adultes jeunes et matures. Le charognage est bien entendu également envisageable.

Pour les parties squelettiques des cerfs rapportées à l’habitat, les membres antérieurs et postérieurs ont été de façon générale largement favorisés. Les crânes viennent généralement se placer en troisième position juste devant le squelette axial et les extrémités des pattes. Outre la possibilité d’un abandon fréquent de ces deux derniers morceaux sur les lieux de capture, l’hypothèse du broyage des troncs pour la récupération des graisses à l’habitat contribuerait à expliquer l’autre déficit sévère qui concerne les épiphyses d’os longs. Quant à la rareté récurrente des extrémités des pattes, englobant les os courts du tarse et du carpe, un traitement différentiel lié à l’écorchement, comme un abandon sur le premier lieu de traitement, pourrait en être les causes. La similarité des représentations anatomiques des chevreuils de ces mêmes ensembles montre qu’ils ont connu les mêmes types de traitement que le cerf, la facilité de transport de ces petits Cervidés plaidant tout de même en faveur du broyage sous le porche des parties spongieuses qui manquent. Par contre, dans la couche u, chevreuils et daims semblent avoir bénéficié d’introductions plus fréquentes de leurs carcasses entières ou tout au moins de traitements bouchers moins destructeurs que dans les couches sus-jacentes.

La représentation squelettique des espèces secondaires témoigne dans toutes les couches de l’apport de nombreux crânes (peut-être légèrement surreprésentés du fait de la plus grande facilité de détermination des restes dentaires), ainsi que des parties riches du squelette post-crânien : présence des segments supérieurs des membres (stylopodes) et des ceintures (coxal de cheval). Cette proportion importante de pièces de choix permet d’écarter l’hypothèse d’un accès secondaire des hommes aux carcasses, favorisant au contraire des récupérations actives de morceaux charognés et/ou des chasses opportunistes associées à un transport sélectif des crânes et des membres, notamment pour les proies de grande taille, comme les chevaux, les hydruntins, les mégacéros ou les Bovinés.

Dans l’ensemble F de PAYRE, le rôle des hommes a été moinsprimordial dans les accumulations et les modifications des carcasses d’herbivores que dans les deux sites précités. Bien que principalement charognards, d’autres grands prédateurs, tels que les hyènes, les loups ou les lions des cavernes, ont aussi eu leur part d’introduction d’ossements dans la grotte. Celle-ci est cependant restée globalement minime comme nous l’ont indiqué les taux et l’emplacement des marques de dents et d’outils sur les squelettes. Leurs proportions varient toutefois selon les niveaux et les types d’espèces. Le niveau Fb a connu des occupations plus fréquentes de la grotte par les Carnivores et ce sont les grands herbivores, principalement les Bovinés et les Equidés, ainsi que le chamois qui est totalement dépourvu de traces anthropiques, et le chevreuil, qui ont subi préférentiellement l’action de ces prédateurs.

Dans les trois niveaux, les listes fauniques sont assez similaires. Les Néanderthaliens y ont observé un régime beaucoup plus diversifié. Les cerfs, prépondérants, partagent plus équitablement les spectres avec d’autres gibiers. Ces derniers rassemblent par ordre d’importance des Bovinés (principalement des bisons), des chevaux, des Rhinocérotidés (rhinocéros de Merck et de prairie), des tahrs, des chevreuils, des daims, des chamois, des sangliers et des Proboscidiens.

Dans tout l’assemblage la saison récurrente pour la chasse au cerf a été l’automne. D’autres occupations ont été toutefois attestées, en été dans le niveau Fa, en hiver en Fb ou tout au long de l’année dans les couches profondes Fc-d. Toutes les classes d’âge sont représentées, indiquant des chasses aléatoires au sein des hardes mixtes d’automne et au sein des hardes de femelles et de jeunes aux autres périodes de l’année (quasi-absence des bois et présence des juvéniles). La récupération habituelle des pattes entières (extrémités comprises) et des crânes est partout attestée. Seule la rareté récurrente du squelette axial témoignerait d’un premier traitement des carcasses à l’abattage avec un abandon de ces parties encombrantes. La possibilité du broyage des troncs par les Carnivores est aussi envisageable. Les épiphyses d’os longs, contrairement à ce que l’on observe aux Peyrards et à Saint-Marcel, sont par contre très bien représentées. Les taux de marques de boucherie sur les ossements de cerfs sont beaucoup plus élevés que ceux des traces de dents, indiquant une prédation et un traitement anthropique largement majoritaires.

Pour les autres herbivores, chevreuils, daims, tahrs et Bovinés témoignent de chasses printanières et automnales. Celles des deux premiers ont été plutôt centrées sur les individus adultes dans la force de l’âge. Les tahrs présentent quant à eux un nombre de juvéniles et d’individus âgés supérieur à celui des autres classes d’âge, créant des courbes en U caractéristiques de captures d’individus affaiblis, par les hommes ou les grands Carnivores, et de charognages. Trois de leurs restes dentaires donnent des morts automnales corrélées à celles des cerfs. Si les chevreuils et les tahrs montrent une action mixte des deux types de prédateurs sur leurs carcasses, les daims n’offrent que des ossements marqués par les hommes. Pour ces trois herbivores, la présence conséquente des morceaux de choix du squelette (cuisses, épaules et morceaux de troncs) indique un accès primaire aux carcasses. Les deux chamois des niveaux Fa et Fc-d sont un adulte mature et un très vieux, et les quatre sangliers, trois matures et un juvénile mort à l’automne. Contrairement aux autres herbivores, aucun reste de chamois ni de sanglier ne présente de marque de boucherie. La seule action de prédateurs sur ces deux petits gibiers est celle des Carnivores sur une phalange de chamois dans le niveau Fa. Leurs restes rassemblent seulement quelques dents isolées et ossements des extrémités de pattes.

Les grands Bovidés montrent dans tous les niveaux une répartition équitable de toutes les classes d’âge. Les chevaux témoignent d’un abattage majoritaire de juvéniles et de celui de quelques individus adultes, jeunes, âgés ou très vieux. Leurs captures ont donc dû s’effectuer de façon aléatoire au sein des hardes de jeunes et de femelles rassemblées sous l’égide d’un étalon. Pour ces deux grands herbivores, sauf pour le niveau Fb où le nombre de restes portant des traces de dents est supérieur (ou équivalant pour les chevaux) à celui des restes striés, l’action humaine est majoritaire. Les meilleurs morceaux sont toujours très bien documentés dans l’assemblage. Le squelette axial des Bovinés a été néanmoins plus souvent rapporté que celui des chevaux, ces derniers affichant un transport régulier des pattes entières.

Pour ce qui est des mégaherbivores de cet ensemble, la plupart des Rhinocérotidés sont des juvéniles ou des très vieux, sans que les adultes aient été pour autant épargnés. Le charognage de carcasses de juvéniles, de vieux ou de malades trouvées dans la nature a dû constituer le mode d’approvisionnement principal de ces grands herbivores. Quant aux adultes en pleine santé, les marécages de la vallée du Rhône ont pu être des zones opportunes pour l’abattage de bêtes prises au piège. Les morceaux qui ont été principalement apportés à la grotte sont les crânes ainsi que les os longs des stylopodes et zeugopodes des membres antérieurs et postérieurs. Parmi les divers morceaux de carcasses de Proboscidiens présents dans le niveau Fc-d, deux ossements striés attestent de la récupération humaine d’au moins quelques-uns d’entres eux.

A l’abri du MARAS, le renne prédomine dans les spectres du niveau 1 et de l’ensemble supérieur. Il est suivi dans ces couches par le cheval, le bison, le cerf, le bouquetin, le chevreuil et l’hydruntin. L’ensemble inférieur est quant à lui dominé par les cerfs, associés aux chevaux, aux rennes, aux chevreuils et aux sangliers. Un seul reste de loup a été recensé sous cet abri. Associée aux nombreuses marques de boucherie et à la rareté des traces de dents, cette quasi-absence témoigne d’une accumulation humaine presque exclusive des herbivores. Dans l’ensemble supérieur où la population de rennes est la plus significative, l’étude de la saisonnalité a livré des indices d’occupations automnales pouvant correspondre à la saison des grandes migrations le long de la vallée du Rhône, qui s’écoule à seulement quelques kilomètres de l’abri. Dans cet échantillon, des individus provenant de toutes les catégories d’âge ont été tués. Les hommes ont donc probablement eu accès aux grands troupeaux mixtes regroupés à la faveur des mouvements de population. Seule une extrémité d’andouiller a été trouvée dans le niveau 1. Les bois n’ont donc pas été habituellement transportés. La représentation anatomique met également en évidence l’absence presque totale des troncs, des carpiens et des phalanges. Les quartiers arrière ont été globalement privilégiés pour le transport.

Dans tout l’assemblage, les chevaux ont fait l’objet d’abattages de jeunes individus et d’adultes matures. Les dents isolées et les segments charnus des membres (stylopodes et zeugopodes) sont les restes les plus abondants, attestant un transport différentiel des morceaux de carcasse.

Dans les couches supérieures, les proies secondaires, bisons, bouquetins, hydruntins et chevreuils, sont toutes adultes (jeunes, matures, âgés ou très vieux). Pour les premiers, comme pour les chevaux, ce sont les parties riches des membres et quelques dents qui sont les morceaux les plus nombreux. Les autres espèces, cerfs compris, sont majoritairement représentées par des restes dentaires ou des métapodes.

Dans l’ensemble inférieur, les cerfs indiquent la capture d’au moins un juvénile et deux adultes (jeune et mature), et de l’apport à l’habitat de quelques segments supérieurs et inférieurs des pattes avant et arrière. Le seul reste dentaire de chevreuil de ces couches profondes indique une période d’occupation à l’automne.

Les sites du RANC POINTU n° 2 et de la BAUME D’OULLENS, plus en amont, ne m’ont permis d’observer que des séries extrêmement pauvres. Le premier a une liste faunique qui se rapproche de celle de la grotte Saint-Marcel avec du cerf en abondance, du chevreuil et du bouquetin. Le renard complète cet inventaire. L’étude des surfaces a été rendue impossible à cause du mauvais état de conservation. L’absence des grands Carnivores et la présence des outils lithiques sont donc les seuls critères qui nous permettent de penser à un dépôt essentiellement humain. Deux bois de massacre trahissant l’abattage d’un cerf mâle, et quelques restes dentaires donnent des captures d’individus parmi les moins affaiblis des hardes. A la Baume d’Oullens, les trois restes identifiés comme Cervidés et Equidés indéterminés sont cohérents avec la première liste donnée dans les travaux de J. Combier (1967) qui regroupait du bouquetin, du cheval et du renne.