Analyse des stigmates

Les stigmates observés dans les sites présentés sont tout à fait caractéristiques des retouchoirs définis selon M. Patou-Mathis & C. Schwab (2002) comme : « des fragments d’os longs, de phalanges et de côtes, de moyens et grands mammifères, qui présentent sur leur surface externe une ou plusieurs zones impressionnées correspondant à des marques d’écrasement, et/ou de cupules, et/ou des stries, laissées par le contact d’un objet dur et/ou tranchant. ».

J’ai donc choisi d’approfondir l’étude de ces marques sur les os déterminés ainsi que sur l’ensemble des esquilles ayant servi à retoucher des tranchants d’outils lithiques. La première étude qui a permis de mettre en évidence ce type d’objets est celle de H. Martin sur les ossements du gisement moustérien de La Quina en Charente (1906, 1907, 1907-1910). Ses critères de distinction étaient alors le regroupement des stigmates suivant la même orientation et près d’une extrémité du fragment osseux. En 1993, les expérimentations et les analyses comparatives de retouchoirs effectuées par A. Vincent dans le cadre de sa thèse ont relancé l’intérêt des préhistoriens pour ces artefacts. Quelques années plus tard, les travaux de D. Armand & A. Delagnes (1998) sur les retouchoirs en os d’Artenac (Charente), ont permis d’apporter un regard nouveau grâce à une approche expérimentale détaillée. Notre méthodologie a été principalement inspirée par les travaux de ces deux auteurs ainsi que de ceux de C. Schwab (2002) et de P. Auguste (2002).

Dans un premier temps, j’ai comptabilisé pour chaque os le nombre de retouchoirs et le nombre de zones portant des traces pour chacun d’entre eux. J’ai ensuite identifié les supports (localisation anatomique et taxonomique des restes déterminables) et enregistré leurs dimensions. Puis j’ai distingué les différentes marques selon leur morphologie et leur disposition. Plusieurs types de paramètres ont été pour cela pris en compte :

  • Le type de traces (entre parenthèses les définitions de A. Vincent, 1993) :

Ces trois catégories peuvent se trouver associées. Leur multiplication dans une même zone peut entraîner des dépressions entamant la surface de la diaphyse. Lors du dénombrement des types de traces, j’ai retenu pour les décomptes la morphologie dominante au sein de la plage. Par exemple, une plage comprenant des entailles profondes associées à quelques rares hachures et cupules annexes a été comptée dans la catégorie « entaille ».

  • L’orientation  par rapport à l’axe de la diaphyse :
  • L’intensité est variable :
  • L’étendue est souvent fonction de l’intensité des marques :
  • Leur localisation :

La détermination anatomique du retouchoir permet de mettre en évidence des zones ou des os préférentiellement utilisés par les hommes. La localisation des impacts sur un fragment non déterminable sert à préciser la manière qu’à le tailleur de manipuler ce type d’outil.

  • Stigmates annexes :

Dans un dernier temps, j’ai relevé les stigmates annexes : points d’impact, stries associées aux plages de retouchoir ou carbonisation. Certains indices, très rares, permettent de reconstituer l’ordre chronologique de la chaîne opératoire. Selon que la plage de retouchoir est entière ou fracturée, il nous est possible ou non d’envisager l’ordre chronologique des gestes, entre récupération de la moelle et utilisation de l’os en tant que retouchoir (photo 138). En ce qui concerne les stries que l’on peut trouver associées aux plages, elles sont de trois sortes : stries de boucherie sans lien direct avec le retouchoir (photo 131d), stries de préparation du plan ou « stries de raclage » (photo 130b) et stries annexes. Je décrirais deux types de stries annexes perpendiculaires aux stigmates de retouches, celles présentes au sein des entailles qui sont dues au frottement de la surface comprimée sur les aspérités du tranchant lors de la percussion (Rigaud, 1977 ; Malerba & Giacobini, 2002 ; Schwab, 2002 ; Valensi, 2002), et celles présentes sur la surface osseuse de façon juxtaposée aux entailles qui sont causées par le ripage de l’os sur le silex. Ces dernières, toujours parallèles à l’axe de la percussion et perpendiculaires aux entailles, ne doivent pas êtres confondues avec les marques aléatoires de raclage préalable de la surface.