Analyse comparative des données

La grotte de SAINT-MARCEL est le gisement qui a fourni le plus grand nombre de retouchoirs, 303 au total pour 4982 restes (refus de tamis exceptés), ce qui représente 6,1 % de l’assemblage (tab. 289). Cette proportion est très forte par rapport à des séries pourtant tout aussi riches telles que Biache-Saint-Vaast, qui a fourni 333 os à impressions pour 220000 restes au total, ce qui donne un taux de 1,2% (Auguste, 2002). Ces 306 « retouchoirs » se répartissent comme suit : 13 pour l’ensemble supérieur (4,6 % des 281 restes) ; 264 pour l’ensemble 7 (7 % des 3765 restes) ; 12 pour l’ensemble inférieur (4,2 % des 285 restes) et 17 pour la couche u (2,6 % des 651 restes). L’ensemble 7 est proportionnellement plus riche que les autres. Les couches g et h de l’ensemble 7, ainsi que les couches supérieures, inférieures et u, ont fait l’objet d’une étude approfondie des retouchoirs (Daujeard, 2003, 2007a). Les couches i et j-j’ n’avaient alors bénéficié que d’un dénombrement de ces artefacts (Daujeard, 2002).

La BAUME DES PEYRARDS alivré 71 retouchoirs sur 6940 restes osseux (refus de tamis exceptés), ce qui représente un taux de 1,0 %, beaucoup plus faible que celui de Saint-Marcel (tab. 289). En comptant les 31 esquilles non localisées présentant des plages de retouchoir, le nombre total s’élève alors à 102. La plupart des artefacts étant rassemblés dans l’échantillon des non-localisés, l’étude par couche stratigraphique s’est avérée inenvisageable. L’analyse de la série a donc été menée dans sa globalité.

L’ensemble F de PAYRE s’est révélé assez pauvre en retouchoirs. Dans tout l’assemblage, 15 fragments comprenant 20 plages impressionnées ont été décomptés sur 4075 restes au total, ce qui donne un taux de 0,4 % (tab. 289). La faiblesse de la série nous empêche là aussi d’effectuer une analyse niveau par niveau.

Au sein des petits gisements ardéchois, seul l’assemblage des Pêcheurs (fouilles 2005) n’a pas fourni de retouchoirs. L’abri du Maras en compte 13, la Baume Flandin 5 13 , Balazuc 3 et la grotte du Figuier 1. Les proportions les plus importantes par rapport au nombre total de restes (refus de tamis exceptés) sont celles du Maras et de Flandin avec respectivement 3,4 % et 1,7 % d’os à impressions. Les sites de Balazuc et du Figuier en renferment seulement 0,2 % et 0,7 % (tab. 289).

De façon générale, j’ai comparé mes retouchoirs avec ceux des séries moustériennes d’Artenac (Charente, Armand & Delagnes, 1998 ; 90 foyers d’utilisation pour 76 pièces), de Biache-Saint-Vaast (Pas-de-Calais, Auguste, 2002 ; 333 retouchoirs), de Kulna (Moravie, république Tchèque, Auguste, 2002 ; 248 retouchoirs), de La Quina (Charente, Malerba & Giacobini, 2002 ; 76 retouchoirs) et d’Isturitz (Pyrénées-Atlantiques, Schwab, 2002 ; environ 15 retouchoirs). Afin de pouvoir comparer mes séries avec celles précédemment citées, j’ai choisi de mener de front l’étude des stigmates et des supports utilisés pour les retouchoirs provenant de tous ces sites :

  • La typologie des marques (tab.290) : à Saint-Marcel, comme dans les autres sites, les hachures et les entailles sont les marques les plus fréquemment observées (photo 130). En ce qui concerne les hachures, elles sont représentées en proportions à peu près identiques (environ le quart des plages) dans les couches g, h et inférieures, tandis qu’elles sont plus nombreuses dans les couches supérieures (84,2 %), ce sont d’ailleurs les seules couches où les hachures dominent les entailles, et dans la couche u (40,9 %). Les entailles sont quant à elles largement majoritaires dans les couches h et inférieures (plus de 65 %), représentent pratiquement la moitié des plages dans les couches g et u, et sont très peu nombreuses dans les couches supérieures (15,8 %). En ce qui concerne les cupules, la couche g se distingue par leur relative abondance (26,4 %). Dans toutes les autres couches, ce type de stigmates reste rare (moins de 10 %). Aux Peyrards, la même tendance générale peut être remarquée, dominance des entailles (59,3 %) et des hachures (37,3 %) et rareté des cupules (3,4 %), avec toutefois une prédominance plus marquée des entailles sur les hachures. Cette accentuation est encore beaucoup plus nette dans l’ensemble F de Payre où les entailles représentent 70 % des stigmates. Sur les 20 plages, cinq comprennent des hachures et une seule des cupules. Dans les petits gisements ardéchois, les entailles sont soit aussi nombreuses que les hachures, soit plus nombreuses (Maras : 73,7 % et Figuier). A Artenac, les hachures sont les marques les plus fréquentes (75 %), les cupules ont été observées sur sept zones d’utilisation et les entailles sur cinq zones seulement. A Kulna, et à Biache-Saint-Vaast, P. Auguste note que la forme des marques est assez homogène, il s’agit d’entailles plus ou moins profondes (peut-être y inclut-il les hachures). Seul un os montre des stigmates tout à fait différents qui «s’apparentent alors plus à des cupules».
  • L’orientation (tab. 290) : dans la série de Saint-Marcel, à l’exception des couches inférieures où les entailles et les hachures perpendiculaires sont en nombre équivalent à celles obliques, la majorité des marques dans les autres couches sont perpendiculaires au grand axe de l’os (plus de 60 %). Aux Peyrards, ce sont les stigmates perpendiculaires qui sont les plus fréquents avec 76,3% des plages. A Payre (F) ils dominent encore plus largement avec 90 % des plages. A l’exception de celle du Figuier, dans toutes les petites séries ardéchoises les marques perpendiculaires sont les plus abondantes. A Biache-Saint-Vaast, la proportion de marques perpendiculaires est de 72 % et à Kulna elle est de 97 %. A Isturitz, C. Schwab remarquait que les plages de retouchoirs des niveaux moustériens étaient particularisées par de longues entailles, larges et profondes, toujours perpendiculaires au grand axe de l’os. Par contre, dans la série moustérienne des retouchoirs de La Quina étudiée par G. Malerba & G. Giacobini (2002), la plupart des stigmates sont orientés obliquement.
  • L’intensité (tab. 290) : à Saint-Marcel, en ce qui concerne l’intensité, dans la majeure partie des cas les marques, hachures ou entailles forment des dépressions plus ou moins profondes sur la surface osseuse (i2 et i3 ; photos 131c,d). Seules les couches supérieures et u ont près de la moitié de leurs plages de retouchoir qui possède des marques dénombrables et peu intenses (il s’agit majoritairement de hachures et de cupules, i1 ; photo 131a,b). Aux Peyrards, les stigmates se répartissent ainsi : 39 % dans la catégorie i1 ; 49,2 % en i2 et 11,9 % en i3. Là aussi, un enlèvement notable de la matière au sein des plages (i2 et i3) est fréquent, quoiqu’en proportions moindres qu’à Saint-Marcel, ce qui dénote malgré tout dans la plupart des cas des utilisations récurrentes des retouchoirs (cf. expérimentation). Payre (F) est la seule série où les marques d’intensité i3 sont les plus nombreuses avec 55 %, contre 20 % d’i2 et 25 % d’i1. Dans les petits sites ardéchois, la plupart des stigmates appartiennent à la catégorie i2, seul le Maras fournit quelques plages très profondes classées en i3. Le site de Balazuc quant à lui offre les taux les plus forts de plages faiblement impressionnées (i1). C. Schwab remarque qu’à Isturitz les retouchoirs des séries moustériennes possèdent des plages plus profondes. A La Quina, la plupart des marques sont profondes. Ce paramètre distingue ces sites de celui d’Artenac où l’intensité est généralement faible et la surface de l’os assez peu modifiée.
  • L’étendue des plages (tab. 290)  : à Saint-Marcel, mis à part ceux des couches inférieures dans lesquelles les surfaces très étendues (> 2 cm²) sont nombreuses, tous les retouchoirs ont une majorité de plages dont la surface est comprise entre un et deux centimètres carrés, ce qui est également le cas, mais de façon plus accentuée, à la Baume des Peyrards où cette catégorie rassemble 73,7 % des plages. Les surfaces très larges sont plus rares qu’à Saint-Marcel, ce qui va selon nous dans le sens de la moindre intensité des stigmates observée dans cette série des Peyrards (cf. supra). A Payre (F), en revanche, les proportions en plages très larges sont les mêmes que celles des niveaux inférieurs de Saint-Marcel, à savoir 45 % de surface > 2 cm². La distribution des deux autres catégories est quant à elle différente puisque les plages < 1 cm² sont très rares à Payre (5 %), tandis qu’elles sont plus communes dans les couches inférieures de Saint-Marcel (20 %). D’une manière générale, les surfaces impressionnées ont des étendues plus larges à Payre (F) que dans les deux autres séries. L’étendue des surfaces des retouchoirs des petits gisements est assez variable selon les sites. Par exemple, à Flandin, les surfaces très vastes sont aussi importantes que les surfaces entre 1 et 2 cm², tandis qu’à Balazuc j’ai répertorié la seule plage inférieure à 1 cm², ce qui rejoint d’ailleurs l’observation effectuée pour la série des Peyrards puisque là aussi l’intensité des marques est moindre (cf. supra).
  • La localisation au sein de l’objet (tab. 290) : à Saint-Marcel la très grande majorité des plages se situent aux extrémités du fragment osseux utilisé (partout plus de 90 % ; photo 139), ce qui est aussi valable pour les retouchoirs des sites de Biache, de La Quina et d’Isturitz, ainsi que pour les petits sites ardéchois qui n'ont livré aucune plage en position centrale. Par contre, à Kulna, bien que les localisations « aux angles » soient toujours dominantes, P. Auguste observe plus fréquemment des stigmates dans la partie mésiale des pièces. C’est également ce que nous observons aux Peyrards puisque les plages situées au centre des pièces atteignent 16,1 %, contre généralement seulement 10 % et moins dans les autres sites. A Payre (F), les plages présentes en position centrale sont au nombre de 3 pour 20 (15 %).
  • Le nombre de plages d’utilisation (tab. 290) : à Saint-Marcel, aux Peyrards, à Payre (F) et dans tous les petits gisements ardéchois, comme dans les cinq sites comparés ici, la plupart des retouchoirs présentent une seule plage d’utilisation. Par contre, deux ou plusieurs foyers sont plus fréquemment rencontrés dans le premier (photos 130a, 131d et 139), et dans les petits sites ardéchois que dans ceux de Payre (F) et des Peyrards. Les couches inférieures de Saint-Marcel comptent même un nombre légèrement plus élevé de pièces à deux plages qu’à une seule. Dans tous les sites étudiés dans ce travail (exceptées les petites séries de Balazuc et du Figuier), ainsi qu’à Kulna, à Biache et à Isturitz, trois ou quatre plages peuvent être quelquefois observées, tandis qu’à Artenac, il n’y a jamais plus de deux zones d’utilisation. Dans les couches supérieures et u de Saint-Marcel comme aux Peyrards, l’intensité peu accentuée des stigmates, conjuguée aux faibles taux de retouchoir à deux ou plusieurs plages et d’étendues supérieures ou égales à deux centimètres carrés, révéle une utilisation peu poussée des mêmes retouchoirs, tandis qu’à l’inverse, dans les couches g, h et surtout dans les couches inférieures de Saint-Marcel, les taux plus importants en retouchoirs à plus de deux plages, en surfaces supérieures ou égales à deux centimètres carrés et en intensités i2 et i3 attestent d’usages beaucoup plus intensifs des mêmes pièces. Par contre à Payre (F), la forte intensité des marques ne va pas de pair avec la multiplication des plages sur un même support, puisque 80 % des retouchoirs n’ont qu’une seule surface impressionnée. La plupart du temps, quand un même fragment présente deux plages à impressions, ces dernières se situent aux deux extrémités de la pièce, les hommes la retournant quand la première surface devient inutilisable. Une pièce fait cependant exception, il s’agit d’un fragment de diaphyse distale de radius de cheval provenant du site du Maras sur lequel les deux plages se situent sur la même extrémité, de part et d’autre d’une arête osseuse (l’autre extrémité, du fait de ses quelques reliefs osseux, ne se prête pas à son utilisation comme retouchoir). Ce même site comprend deux fragments, un humérus de Boviné et une esquille, entièrement recouverts de stigmates de retouchoirs, qui ont toutefois permis d’y délimiter respectivement quatre et deux surfaces de retouchoir. Ces exploitations poussées à l’extrême trahissent la détermination et le choix des tailleurs dans l’utilisation des pièces.
  • Les stigmates annexes (tab. 290) : enfin, 43 % des plages retouchées à Biache, 48 % à Kulna et 67 % à Artenac montrent des stries de raclage liées à la surface utilisée. En revanche, dans les séries moustériennes d’Isturitz, aucun foyer ne possède de courtes stries fines perpendiculaires, ce qui n’est pas le cas des séries du Paléolithique supérieur où 47 % des pièces en comptent. Ces stries ont servi à préparer le plan servant à retoucher les outils. A Saint-Marcel, seules 20 plages au total sur les 229 recensées dans les couches analysées (i et j-j’ exceptées) présentent des traces de raclage, ce qui représente un taux global très faible de 8,7 %. En revanche, analysé par ensemble stratigraphique, ce taux varie considérablement, de 25 % dans les couches inférieures à 5,1 % dans la couche h. Huit plages provenant des couches g et h sont associées à des encoches ou à des points d’impact, ce qui représente environ 5 % (cf. fig. 11 c). Cette proportion est en revanche la même qu’à Biache et à Kulna, les indices de fracturation (points d’impact, encoches, enlèvements…) représentant respectivement 5 % et 6 %. En tout, quinze fragments ont été passés au feu (seulement roussis, carbonisés ou calcinés). A la Baume des Peyrards, la proportion globale de plages préalablement raclées est de 22 %. Deux os montrent des enlèvements corticaux liés aux impacts du retouchoir et trois restes, roussi, carbonisé et calciné, ont été passés au feu. Un fragment diaphysaire indéterminé présente une surface de fracturation impressionnée témoignant de son utilisation en tant que retouchoir ultérieure à la récupération de la moelle (photo 138). A Payre (F), un quart des plages ont été préalablement raclées. A Flandin, sept plages de retouchoirs sur huit présentent des stries de préparation des surfaces, à Balazuc la moitié en compte et au Maras elles représentent seulement 10,5 %.
  • Le type de supports (tab. 291) : les plages sont majoritairement observées sur des os suffisamment épais pour pouvoir servir de retouchoirs. Dans tous les sites, les éclats diaphysaires d’os longs dominent largement, de façon exclusive à Saint-Marcel, dans les petits sites ardéchois (cf. photos 142 à 148) et à Isturitz. Aux Peyrards et à Payre (F), respectivement trois et deux retouchoirs sur épiphyse ont été repertoriés. Dans les autres sites, d’autres supports que les os longs ont été utilisés, comme des côtes de grands Bovidés, de chevaux ou de mammouths, répertoriées à Artenac, Biache et Kulna ou encore un fragment de défense de mammouth ou une molaire inférieure de cheval, respectivement à Kulna et Artenac. Quelques rares épiphyses d’humérus et os courts (premières phalanges de cheval, de renne et de Boviné) proviennent du site de La Quina (Martin, 1906 ; Valensi, 2002). Il est important de noter une similitude entre les sites d’Artenac et de Saint-Marcel à propos de l’absence de retouchoirs sur calcanéum, épiphyse ou phalange, alors que ces différents ossements ont été utilisés dans d’autres sites, en particulier à la Quina. Ces éléments sont soit mal représentés, soit absents dans les deux sites. Dans les deux cas également, il a été démontré que cette faible représentation n’était le fait ni des Carnivores, ni d’une conservation différentielle. Quant aux épiphyses, leur fragmentation rend difficile le fait de savoir dans quelles proportions elles ont été utilisées en tant que retouchoirs.
  • A Saint-Marcel, toutes espèces confondues, tous les types d’os longs ont été utilisés (tab. 292). Partout, à l’exception de la couche g où les radio-ulnas sont les plus nombreux (photo 130c,d), les tibias arrivent largement en tête avec 34,8 % des pièces déterminées (photo 131c). Ils sont suivis par les radio-ulnas et les métacarpiens qui représentent respectivement 17,4 % et 16,5%, puis de façon équivalente, par les humérus (photo 139) et les fémurs (photo 131d) avec chacun 11,3 % des séries, et enfin par les métatarsiens avec 6,1 % (photo 131a,b). Excepté dans la couche u où les extrémités des diaphyses ont été souvent utilisées (58,8 %), partout ailleurs, c’est la partie médiale des diaphyses qui a été préférée, et ce pour plus des deux-tiers des cas (tab. 291).
  • Aux Peyrards, toutes espèces confondues également, tibias et fémurs sont représentés en quantité équivalente, respectivement 31,4 % et 30 % (tab. 294). Ils sont suivis de près par les humérus avec 22,9 % (photos 136 et 137) et, de façon plus éloignée par les radio-ulnas et les canons. Les parties mésiales des diaphyses dominent avec 70,6 %, suivies de leurs parties terminales qui représentent 26,5 % des supports, puis des épiphyses avec 2,9 % (tab. 291).
  • A P ayre (F) ce sont les humérus qui dominent (3 restes), suivis des ulnas (2) et des canons (2), puis des tibias (1 ; tab. 296). Les plages de retouchoirs sont mieux réparties tout au long des os longs puisque la partie médiale en compte 46,7 %, les extrémités diaphysaires 40 % et les épiphyses 13,3 % (tab. 291).
  • Dans les petites séries ardéchoises, mis à part au Maras, où les humérus et les fémurs sont bien représentés, partout ailleurs, tibias, radio-ulnas et canons ont été les parties les plus sollicitées (tab. 298). Exception faite également du Maras, où les extrémités de diaphyse ont été couramment exploitées, et du Figuier qui ne compte qu’un seul fragment d’extrémité diaphysaire (photo 148), dans les autres petits gisements (Balazuc et Flandin), les parties mésiales sont les plus abondantes (tab. 291).
  • A Biache, P. Auguste a enregistré une prédominance des fragments de tibia (17,1 %) ainsi que des radio-ulnas (9,1%), ce qui rapproche ce site de celui de Saint-Marcel. A Kulna, selon les niveaux, ce sont les tibias ou les métapodes qui dominent. A Isturitz, dans les séries moustériennes, les tibias et humérus dominent les séries, représentant chacun 33 %, suivis des métacarpiens et des fémurs (17 %). A Artenac, pour les Bovinés, ce sont toujours les tibias, radio-ulnas et métatarsiens qui sont en tête, et pour les cerfs, fémurs et métatarsiens ont été les plus employés.
  • Dans les couches supérieures et l’ensemble 7, les hommes de Saint-Marcel ont utilisé presque systématiquement les os de l’espèce la mieux représentée, le cerf (tab. 293). Sur 175 retouchoirs, seuls dix-sept n’appartiennent pas au cerf, neuf sont des os de grands herbivores (Bovinés, Equidés ou mégacéros) et huit de chevreuils. Dans les couches inférieures et u, à l’image de ce que nous observons dans les spectres fauniques, le cerf perd de l’importance au profit d’autres espèces, telles que le daim qui compte respectivement trois et sept retouchoirs, mais aussi le mégacéros qui en offre deux dans les couches inférieures. Dans la couche u, alors que le daim est l’espèce majoritaire, les Néanderthaliens ont pourtant choisi préférentiellement les os de cerf, sans doute pour leur plus grande robustesse.
  • A la Baume des Peyrards, les proportions de retouchoirs par type d’espèces suivent une fois de plus la tendance générale des spectres fauniques. En revanche, en fonction du nombre total de restes pour chaque espèce, on s’aperçoit que les os de cerf ont été légèrement plus sollicités que ceux des bouquetins, et que les os de chevaux, pourtant très larges et denses, ont été dédaignés (tab. 295).
  • A P ayre (F) le schéma est tout à fait différent puisque des espèces variées de moyens, de grands et de très grands herbivores ont été choisies indépendamment de leur représentativité au sein des spectres (tab. 297). Cerfs, Equidés et Rhinocérotidés comprennent chacun deux retouchoirs, et Bovinés et Proboscidiens chacun un retouchoir. Globalement, ce sont donc les fragments osseux des grands, voire des très grands herbivores, qui ont été préférés par les Néanderthaliens (photos 140, 141 et 142).
  • La même observation peut-être faite pour le Maras et pour Balazuc (tab. 299). Dans le premier, au sein d’un assemblage dominé par les Cervidés (renne et cerf) ce sont les chevaux (photo 146) et de façon générale les grands herbivores qui offrent le plus grand nombre d’os retouchés et dans le second, aucun os de bouquetin n’a apparemment servi pour la retouche, les trois seuls retouchoirs répertoriés étant ceux d’un cerf et de deux grands herbivores (photos 143 et 144). Dans les autres sites, les retouchoirs ont été faits sur des os de très grands, de grands ou de moyens herbivores.
  • A Biache, l’aurochs domine, mais des retouchoirs ont été observés également sur des os de mammouth, de rhinocéros, de bison, de cheval, de renne et même d’ours. A Kulna, bisons et rennes sont les plus couramment utilisés. A Artenac, le cerf arrive en seconde position derrière les Bovinés. A La Quina, ce sont des retouchoirs sur os de grands ongulés (Bovinés et Equidés), mais aussi de cerf et de renne. Et à Isturitz, il s’agit principalement de renne et de cheval. Dans la plupart des cas (couche u de Saint-Marcel exceptée), la taille des animaux semble être de peu d’influence sur les choix pratiqués, ces derniers s’alignant plutôt sur la richesse numérique des espèces au sein de chaque assemblage.

La faible intensité des stigmates de retouchoirs observée dans la couche u de Saint-Marcel et aux Peyrards pourrait trouver son explication dans les supports utilisés. Dans cette couche de Saint-Marcel, plusieurs fragments proviennent d’os de daim, moins robustes que ceux de cerf. Aux Peyrards, ce sont les os de bouquetins qui dominent, et de plus, des segments peu denses comme les fémurs et les humérus sont parmi les plus nombreux. Ces supports plus fragiles n’ont sans doute pas permis d’utilisation trop intensive des mêmes fragments, comme nous avons pu l’observer sur des tibias de cerf ou d’autres restes de grands ou de très grands herbivores. A Payre (F) notamment, où les ossements de deux dernières catgéories de taille ont eu une part importante dans la confection des retouchoirs, nous avons pu observer des stigmates plus larges et plus profonds.

Notes
13.

En 1958, S. Gagnière, L. Gauthier & C. Hugues signalaient la présence de « quelques os mâchés, porteurs de courtes entailles qui sont les signes d’une utilisation par l’homme : un grand éclat de diaphyse, retouché sur une arête, porte sur le dos de multiples entailles. Il est à rapprocher de certains instruments récoltés par M. RAPPAZ dans la grotte de l’Esquicho-Grapaou (Sainte-Anastasie, Gard), dans les gorges du Gardon, et par MM. VEYRIER et COMBIER sur la rive droite du Rhône, dans la grotte Néron (Soyons, Ardèche). ».