Université Lumière Lyon 2
École doctorale : Neurosciences et Cognition
Institut de Psychologie
Laboratoire Dynamique Du Langage, UMR 5596
Rôle du relativiseur dans l’attachement des propositions relatives ambiguës en français
Thèse de doctorat en sciences du langage
Spécialité Sciences Cognitives, mention Linguistique
Sous la direction de Harriet JISA et Roger VAN GOMPEL
Présentée et soutenue publiquement le 16 octobre 2008
Composition du jury
Harriet JISA, Professeur des universités, Université Lyon 2
Roger VAN GOMPEL, Professeur d’université, University of Dundee
Barbara HEMFORTH, Professeur des universités Université Paris 5
Michel CHAROLLES, Professeur des universités, Université Paris 3
Frédérique GAYRAUD, Maître de conférences, Université Lyon 2
Joël PYNTE, Directeur de recherches, CNRS

Contrat de diffusion

Ce document est diffusé sous le contrat Creative Commons «  Paternité – pas d’utilisation commerciale - pas de modification  » : vous êtes libre de le reproduire, de le distribuer et de le communiquer au public à condition d’en mentionner le nom de l’auteur et de ne pas le modifier, le transformer, l’adapter ni l’utiliser à des fins commerciales.

Remerciements

Ce travail a été réalisé grâce à une allocation de recherche du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.

Mes premiers remerciements vont à mes directeurs de recherche, Frédérique Gayraud, Harriet Jisa et Roger van Gompel, pour m’avoir encadrée de près ou à distance, mais toujours efficacement. Présents aux moments critiques et ayant toujours une réponse pour mes interrogations de non linguiste et mes maladresses d’apprenti expérimentateur, c’est grâce à vous que ce document existe. Merci pour votre gentillesse, votre humanité et pour avoir transformé ce goût pour la recherche en une volonté d’en faire mon métier.

Je remercie Madame Barbara Hemforth et Messieurs Michel Charolles, Edward Gibson et Joël Pynte pour l’honneur qu’ils me font de faire partie de mon jury de thèse. À lire et apprécier vos travaux, je suis émue que vous ayez accepté de juger le mien.

Je remercie l’ensemble du département de psychologie de l’Université de Dundee et son directeur Monsieur Trevor Harley pour m’avoir accueillie pendant huit mois et procuré un cadre parfait pour poursuivre mes recherches. Je remercie Madame Yuki Kamide et Juhani Jarvikivi pour l’accès au laboratoire d’eye-tracking et pour m’avoir appris cette technique.

Je remercie le Laboratoire Dynamique du Langage et surtout François Pellegrino pour m’avoir accueillie parmi vous et offert un espace et des conditions de travail précieux et stimulants. Merci à Linda pour sa patience administrative, à Egidio et Christian pour leur ingéniosité informatique.

On la tient cette onde de perplexité ! Florence, Bruno, merci d’avoir si souvent trituré vos méninges pour trouver les trucs ad hoc pour ces expériences que j’espère non caduques, mais aussi pour que je comprenne un peu la syntaxe.

Sa gentillesse est comme son efficacité, immense. Merci à Christophe C. sans qui je n’aurais jamais pu réaliser cette étude de corpus, mais aussi pour ses autres précieux conseils.

DéDé-èLe est un labyrinthe, et merci à tous les DéDaLes ingénieux pour avoir répondu à mes multiples questions et problèmes scientifiques : Nathalie pour ses critiques gentilles quand on les voudrait brutales et pour avoir toujours le mot qu’il faut, Fanny pour des discussions intéressantes, et Mahé pour ses explications statistiquement significatives.

Je remercie aussi ceux qui m’ont accompagnée dans ma découverte de R, Messieurs Kenneth Knoblauch et Florian Jaeger. J’ai encore beaucoup de choses à apprendre et à tester.

Merci à tous mes voisins de bureau et de thèse, anciens ou futurs Thésées : Caroline pour les fous rires, Christophe d. S. pour toutes les tasses de thé, Claire, Rébecca, Delphine et Liliane pour tous ces moments d’expérimentation, de rédaction et de dégustations gourmandes.

Merci à tous ceux qui occupent les tabourets rouges de la salle de pause. Même si on ne peut pas toujours décider du fumet des autres convives, et encore moins éviter des sujets de conversation parfois animés, qu’est-ce que j’ai apprécié ces pauses à midi !

Je vous avais demandé si je pouvais faire de longues études… Papa, Maman, merci de m’avoir donné la possibilité de les faire. Voilà le résultat, à moi de faire fructifier maintenant. Un grand merci aux autres Gaston de la famille, Céline et Jean-Dominique. J’espère qu’on continuera à se faire voyager mutuellement en allant travailler dans d’autres pays. Merci à mes grands-parents pour leur présence rassurante.

J’ai mis quelques temps à comprendre la fierté qu’on peut avoir à offrir ses productions scientifiques. Parrain, Marraine, j’espère pouvoir à mon tour vous montrer un tiré-à-part, sans fautes de frappe ni de grammaire. Merci d’avoir toujours été là pour moi.

Maintenant je vais devoir travailler sur le chinois pour venir vous rendre visite. Jocelyne et Sébastien, merci d’être, merci pour votre amitié et votre joie de vivre, merci de me soutenir malgré la distance. Maintenant, bercez plutôt Corentin…

Merci à tous mes amis, merci d’être là et de ne pas avoir trop souvent posé la fatidique question « alors cette thèse, ça avance ? » Maintenant, je peux vous dire « voilà c’est fait ».

Il y a les affinités électives ou les liaisons dangereuses dans la littérature, il y a des ambiguïtés d’attachement dans la langue. Il y a des attachements qui se créent dans la vie, tissés par une Ariane invisible. Mais ces attachements ne sont pas ambigus, même s’ils sont tus. À tous ceux à qui je n’ose pas le dire : je vous aime et je suis heureuse de vous connaître.

Lab-yrinthes, DéDaLes, Arianes, je suis Icare et j’espère que la science m’emportera vers de belles découvertes.

Résumé

Parmi les ambiguïtés syntaxiques, celle liée à l’attachement de propositions relatives se distingue par la variation translinguistique et intra-linguistique des préférences d’attachement que les théories syntaxiques peinent à expliquer. Dans je connais le père du maçon qui est amusant, le relativiseur peut être attaché à père (N1) ou à maçon (N2). En français comme dans de nombreuses langues, la préférence va à N1, mais elle diffère pour l’anglais et parfois aussi en fonction des expérimentations à l’intérieur d’une même langue.

Hemforth, Konieczny, et Scheepers (2000) suggèrent que la spécificité de ce type d’ambiguïté réside dans le traitement anaphorique qui a lieu lors de l’attachement du relativiseur en plus du traitement syntaxique.

Selon des modèles du discours (Ariel, 1990, 2001 ; Gundel, Hedberg, & Zacharski, 1993), les expressions anaphoriques sont classées dans des hiérarchies d’accessibilité en fonction de leur forme : plus une expression est courte et peu informative, plus le référent est accessible. Je propose que les relativiseurs peuvent eux aussi être positionnés dans une hiérarchie d’accessibilité, que leur forme sert à signaler l’accessibilité de leur antécédent et qu’elle indique l’attachement à réaliser. Un relativiseur court, comme qui en français, signale un antécédent très accessible, N1, et son pendant lequel un antécédent peu accessible, N2.

La validité de cette hypothèse est évaluée en comparant les relativiseurs, qui / lequel où l’accessibilité signalée diffère et à qui / auquel où elle est contrôlée. Une série de questionnaires confirme un attachement différent pour qui / lequel, et non pour à qui / auquel : l’accessibilité indiquée par le relativiseur guide l’attachement. Une étude de corpus écrit confirme ce résultat et montre qu’en production la forme des antécédents, liée à la modification, l’animation et la fonction des antécédents dans la principale, influence leur niveau d’accessibilité. On met en évidence des attachements comparables pour à qui et auquel ; en revanche lequel est attaché plus souvent à un antécédent moins accessible que celui de qui.

Enfin, une expérience qui utilise le paradigme d’auto-présentation segmentée apporte des informations sur les difficultés d’interprétation qui peuvent survenir lors du traitement de telles ambiguïtés. La comparaison de phrases contenant qui ou lequel révèle un effet de la forme du relativiseur : dans une phrase où l’attachement est temporairement ambigu, on mesure des temps de lecture plus importants quand une relative introduite par lequel est ensuite désambiguïsée à N1, ce qui traduit un attachement initial à N2. Aucune préférence d’interprétation n’est mesurée pour qui.

Cette recherche montre que la forme du relativiseur guide l’attachement de relatives ambiguës en signalant le degré d’accessibilité de l’antécédent, aussi bien en production qu’en compréhension. La notion d’accessibilité permet d’apporter une explication nouvelle pour les préférences mises en évidence dans diverses expériences.

Mots-clés : ambiguïté syntaxique, propositions relatives, traitement anaphorique, accessibilité, corpus, self-paced reading, français.

Abstract

Relative clause attachment ambiguities stand out among syntactic ambiguities because of their between and within language variability. In je connais le père du maçon qui est amusant, readers of French and many other languages interpret, e. g. attach, père (N1) as the relative clause antecedent, rather than maçon (N2). This attachment preference is not verified in English and experiments revealed language differences that theories have difficulties to account for.

Hemforth, Konieczny, and Scheepers (2000) suggest that the specificity of this type of ambiguity relies on the anaphoric binding that takes places in addition to syntactic processing when processing the relativiser.

According to discourse models (Ariel, 1990, 2001; Gundel, Hedberg, & Zacharski, 1993), anaphoric expressions are ranked on an accessibility hierarchy according to their form: the shorter and the less informative the anaphoric expression, the more accessible the referent. I propose that relativisers can also be ranked on this hierarchy and that their form signals their antecedent accessibility, thus cueing attachment. A short and low informative relativiser, like qui in French, signals a highly accessible antecedent, N1, while its equivalent lequel cues a low accessibility antecedent, N2.

The validity of this hypothesis is evaluated by comparing qui and lequel where accessibility differs, and à qui and auquel where accessibility is controlled. A series of questionnaires confirms a different attachment for qui and lequel, but not for à qui and auquel: the accessibility level signalled by the relativiser constrains the attachment. A written corpus study confirms this result and shows that the form of the antecedents, linked to their modification, animacy, and syntactic function in the main clause influences their accessibility in production. Similar attachments are evidenced for à qui and auquel but lequel is attached preferably to the less accessible antecedent while qui is attached to the more accessible.

Finally, a self-paced reading experiment investigates processing difficulties during the reading of ambiguous relative clauses with qui and lequel, and the effect of the form of the relativiser is evidenced again. In a sentence where attachement is temporarily ambiguous reading times are longer when a relative clause introduced by lequel is later disambiguated to N1, suggesting an initial N2 attachment. No preference is measured for qui.

This research shows that the form of the relativiser guides ambiguous relative clause attachment while signalling the accessibility level of the antecedent, in production as well as in comprehension. Accessibility provides a new explanation for the attachment preferences evidenced in various experiments.

Key words: syntactic ambiguity, relative clause, anaphoric processing, accessibility, corpus, self-paced reading, French.