2. 1. 3. L’effet des caractéristiques de la proposition relative

Si la forme des antécédents influence les préférences d’attachement, les caractéristiques de la proposition relative ont aussi un effet. Frazier (1990b), par exemple, suggère que des informations de niveau pragmatique peuvent entrer en jeu. Ainsi, lorsque la proposition relative contient des informations pragmatiques, dépendantes du contexte, comme la localisation dans (19b), il y a plus d’attachements vers N1 que lorsque de telles informations ne sont pas présentes, comme dans (19a). Cette hypothèse est confirmée par le questionnaire réalisé par Frazier et Clifton (1987, cité par De Vincenzi & Job, 1993, 1995) où la préférence pour N1 est la plus importante avec des phrases comme (19b) : 70 % des attachements sont vers N1, contre 59 % pour un matériel comme (19a).

(19)a. Julie met the friend of the man who reads news on Saturday Night Live. (Julie a rencontré l’ami de l’homme qui présente les nouvelles sur le Saturday Night Live)

b. Julie met the friend of the man who was in the living room. (Julie a rencontré l’ami de l’homme qui était dans le salon)

La longueur de la proposition relative, ainsi que la longueur de la région ambiguë, peuvent aussi influencer les préférences d’attachement. Se référant à son modèle originel (sausage machine, Frazier & Fodor, 1978), J. D. Fodor (1998) suggère que la segmentation (saucissonnage) des propositions de la phrase et l’attachement qui en découle dépendent de la taille de ces propositions. Un constituant long sera considéré comme une unité propre qui sera attachée aux autres unités de la phrase. Dans ce cas, un attachement local n’est pas favorisé, alors qu’un tel attachement le sera quand le constituant est court, puisqu’il sera plus facilement groupé en une unité avec les constituants précédents si ceux-ci sont courts. Ainsi, plus le constituant à attacher est petit ou léger, plus il sera dans la même unité que le constituant précédent et la stratégie de late closure est favorisée (p. 63 Frazier & Clifton, 1996). Avec des phrases comme (20a-b) présentées dans un questionnaire, les participants montrent une préférence pour attacher les syntagmes temporels au verbe died. Cette préférence est guidée par la stratégie de late closure et d’autant plus forte que le syntagme temporel est court ((20a), last night, tomorrow).

(20)a. John will explain to the kids that their grandfather died last night/tomorrow. (John expliquera aux enfants que leur grand-père est mort hier soir/demain)

b. John will explain to the kids that their grandfather died after the operation that he had/they need. (John expliquera aux enfants que leur grand-père est mort après l’opération qu’il a subie/dont ils ont besoin demain/hier soir)

De même, dans le cas d’attachements ambigus de la relative, plus la proposition relative est courte, plus elle aura tendance a être attachée à N2. A contrario, plus la proposition relative est longue, plus elle aura tendance à être attachée à une structure de taille proche, « N1 de N2 », et c’est alors un attachement à N1 qui est préféré (J. D. Fodor, 1998). C’est ce que montrent les résultats d’une expérience en français (Expérience 2, Pynte & Colonna, 2000) où la proposition relative est soit courte (21a), soit longue, rallongée à l’aide d’un groupe prépositionnel (21b). La désambiguïsation vers N1 ou N2 est située au niveau du verbe de la relative qui est accordé en nombre soit avec N1, soit avec N2. Les temps de lecture mesurés pour la proposition relative courte dénotent une préférence pour un attachement vers N2 alors que les mesures pour la proposition relative longue montrent une préférence pour N1.

(21)a. Il connaît le(s) frère(s) de la (des) fille (s) qui entre(nt).

b. Il connaît le(s) frère (s) de la (des) fille(s) qui entre(nt) dans la cour.

Plus qu’une segmentation contrainte par le parseur syntaxique, c’est la prosodie qui exerce en fait la plus grande contrainte. Tout d’abord, un marqueur prosodique comme l’accentuation d’un mot peut faciliter un attachement de la proposition relative vers le nom accentué. Cela a par exemple été mis en évidence dans une expérience en modalité auditive au cours de laquelle les participants écoutent des phrases (22) où N1 (propeller) et N2 (plane) sont tour à tour accentués (Schafer et al., 1996). La fréquence d’attachement vers N2 augmente lorsque ce dernier est accentué.

(22)The sun sparkled on the propeller of the plane that the mechanic was so carefully examining. (Le soleil brillait sur le moteur de l’avion que le mécanicien avait examiné si attentivement)

Cette observation a par ailleurs été répliquée avec des phrases comme (11), répétée ci-dessous, dans plusieurs langues (Jun, 2003 ; Maynell, 1999, 2000).

(11)El periodista entrevisto a la hija del coronel que tuvo el accidente.