2. 4. Les théories de l’accessibilité et le traitement des propositions relatives

Les théories qui viennent d’être présentées, la givenness hierarchy, l’accessibility theory ou l’informational load hypothesis considèrent toutes des expressions anaphoriques qui se trouvent dans des énoncés successifs. Elles ne discutent pas des relativiseurs ni de l’attachement des propositions relatives ambiguës, mais elles peuvent apporter un élément de réponse intéressant à propos des préférences d’attachement.

Les anaphores considérées par ces théories sont le plus souvent dans des énoncés successifs et les propositions relatives font nécessairement partie de la même phrase que l’antécédent auquel le relativiseur fait référence. Comme le relativiseur est une expression anaphorique, Ariel (1990, 1999) évalue la relation entre l’accessibilité et la forme des relativiseurs en hébreu. Dans cette langue, une relative sujet est selon la norme réalisée sans pronom ou marqueur de la relative (i. e. avec un trou syntaxique), mais pour les autres fonctions syntaxiques qui signalent un antécédent moins topique (objet direct et obliques, Givón, 1990), un pronom résomptif peut être utilisé. Ainsi, pour une fonction syntaxique modérément basse dans la hiérarchie (p. ex. objet direct), un trou syntaxique est généralement utilisé, mais un pronom résomptif est possible. Enfin, pour les fonctions syntaxiques les plus basses (p. ex. obliques), l’emploi d’un résomptif est obligatoire (pour une étude conjointe des deux hiérarchies d’accessibilité, voir Halmari, 1996). Avec la fonction sujet, le relativisé peut être réalisé avec un résomptif, ce qui est d’autant plus acceptable qu’il est topicalisé. La présence d’un résomptif en hébreu est aussi mieux acceptée dans les propositions relatives non restrictives plutôt que restrictives (Ariel, 1990), qui plus est quand l’antécédent est indéfini19.

Ariel (1990, 1999) propose que la stratégie de relativisation (trou syntaxique ou pronom résomptif) est fonction de l’accessibilité, de la saillance de l’antécédent, mais aussi de la fonction syntaxique du relativisé (Keenan & Comrie, 1987). L’auteur compare un score d’accessibilité avec la forme du relativiseur (trou syntaxique ou résomptif) dans un corpus d’énoncés produits spontanément. Ce score d’accessibilité est calculé à partir de la distance entre l’antécédent et le relativisé, la complexité – i. e. longueur de l’antécédent et compétition entre référents –, le caractère obligatoire de l’argument du relativisé et la restrictivité. Les résultats confirment de façon générale les hypothèses posées : plus l’accessibilité diminue, plus c’est un résomptif qui est utilisé. Il y a aussi un effet de la fonction syntaxique du relativisé : plus la fonction est basse dans l’accessibility hierarchy de Keenan et Comrie (sujet, objet direct, indirect, oblique, génitif, comparative objet Keenan & Comrie, 1987), plus un résomptif est fréquent. La longueur de l’antécédent, la distance entre l’antécédent et le relativiseur et la restrictivité affectent aussi la forme du relativiseur.

L’approche d’Ariel est intéressante et confirme la proposition de Hemforth et al. (Hemforth et al., 2000) : on peut considérer les relativiseurs comme des expressions anaphoriques, signalant le niveau d’accessibilité de leur antécédent. Cependant, l’aspect optionnel ou obligatoire de l’emploi d’un pronom résomptif selon la fonction syntaxique du relativisé ne permet pas un contrôle exact d’une fonction syntaxique à l’autre.

L’application de l’accessility hierarchy d’Ariel pour expliquer les préférences d’attachement permettrait d’expliquer en partie les préférences d’attachement observées en anglais par Cuetos et Mitchell (1988). Ces derniers, dans la version en anglais de leur matériel, ont utilisé that si N1 est non-animé et N2 animé humain et who si N1 et N2 sont animés humains. Dans le but d’éviter un biais du relativiseur that pour l’entité non-animée, entraînant une préférence pour N1, les auteurs discutent des préférences d’attachement en anglais uniquement pour les phrases avec who. Or, l’interaction entre les deux types de propositions relatives, avec that et who, pourrait être expliquée non pas par un biais pour l’entité non-animée, mais plutôt par le fait que who, plus informatif que that, signale un attachement à l’entité la moins accessible, en l’occurrence N2. That, peu informatif, signale par contre un attachement vers N1, ce qui est observé ici. Cette interprétation que je propose est fragile au vu de ces données. En effet, il y a un autre facteur de variation entre les deux types de phrases présentées : that désigne une proposition relative restrictive et who est associé de façon préférentielle à des propositions relatives non restrictives (Gibson et al., 2005). Le but de cette recherche est de proposer une meilleure évaluation de l’effet de la forme du relativiseur sur les préférences d’attachement. Mais avant de présenter la problématique et les hypothèses de travail, intéressons-nous à un dernier courant théorique, la centering theory.

Notes
19.

L’effet de la définitude pour les propositions relatives non restrictives s’oppose à la suggestion de Prince (1990), selon laquelle la définitude n’a d’effet que pour les propositions relatives restrictives.