1. 1. La prosodie et l’accentuation

Les théories du discours s’accordent à considérer que l’accentuation permet de signaler que l’entité à laquelle il est fait référence est nouvelle (Chafe, 1974) et peu accessible (Ariel, 1990, 2001 ; Givón, 1983, 1992). À cet aspect s’ajoute aussi la longueur phonologique (Givón, 1983) : plus une expression référentielle est longue, plus elle a de chances de signaler un référent peu accessible (Ariel, 1990, 2001).

Conformément à la théorie de la proéminence du discours (Gordon & Hendrick, 1997) ou à la centering theory (Gordon et al., 1993 ; Grosz et al., 1995), dans des énoncés successifs, le Cb, le plus souvent réalisé sous la forme d’un pronom, fait référence à l’entité la plus saillante. De plus, si on considère qu’un relativiseur est une expression anaphorique (Hemforth et al., 2000), une proposition relative est attachée de façon préférentielle à l’entité qui est la plus saillante, et qui est ici accentuée.

L’étude de Schafer et al. (1996) confirme cette hypothèse, puisqu’effectivement, les participants attachent plus souvent la relative à celui des antécédents potentiels qui est accentué (voir ). La prosodie permet ainsi de lever l’ambiguïté, comme c’est aussi le cas pour d’autres ambiguïtés syntaxiques (Beach, 1991).

Fodor (1998) propose que la prosodie influence aussi la compréhension de phrases écrites, où le lecteur établit des limites prosodiques sur lesquelles il fonde son interprétation syntaxique (voir aussi Carlson, Clifton, & Frazier, 2001 ; Kjelgaard & Speer, 1999). Les variations translinguistiques au niveau des limites prosodiques, notamment entre propositions principale et relative, pourraient expliquer les différences de préférences d’attachement. Premièrement, différentes structures syntaxiques peuvent être utilisées pour mettre en exergue des informations dans le discours. Ensuite le locuteur peut recourir à des constructions qui varient d’une langue à l’autre. En français par exemple, les propositions clivées sont plus fréquentes qu’en anglais (Holmes, 1995).

De plus, la longueur des pauses entre les différentes propositions du discours peut aussi signaler des attachements différents. La réalisation de ces pauses vides ou remplies varie en français (Holmes, 1995) et en anglais (Holmes, 1988, 1995) : les locuteurs du français produisent moins de pauses après un mot de liaison entre deux propositions (comme une conjonction ou un relativiseur) que des locuteurs de l’anglais.

La segmentation dans les paradigmes d’auto-présentation pourrait aussi induire une prosodie différente et par conséquent des préférences d’attachement différentes (Gilboy & Sopena, 1996). Cependant, il subsiste des variations dans les résultats obtenus pour un même type de segmentation, d’une expérience à l’autre.

La centering theory, dans ses premières versions (Gordon & Chan, 1995 ; Gordon et al., 1993 ; Grosz et al., 1983, 1995), propose que la hiérarchie des Cf (qui est une échelle de saillance) est actualisée à la fin de chaque énoncé. Des versions ultérieures suggèrent même que ce classement est actualisé après chaque mot (Brennan et al., 1987 ; Chambers & Smyth, 1998). Accentuer une expression référentielle signifie que l’entité référée est peu accessible, mais, en même temps, si elle peut attirer la proposition relative (Schafer et al., 1996), cela laisse supposer que cette entité est devenue la plus saillante, le Cb, en quelque sorte. Une telle hypothèse n’est pas envisagée par la centering theory qui, étant évaluée principalement avec des mesures lors de tâches de lecture, n’inclut ni la prosodie ni l’accentuation dans l’élaboration de la hiérarchie des Cf.