1. 3. La fréquence

Certaines études traitant des préférences d’attachement de propositions relatives ont évalué l’effet de la fréquence de N1 et N2 et ont montré que les lecteurs attachent préférentiellement la proposition relative au nom dont la fréquence est moindre (Pynte & Colonna, 2000) et pour lequel la saillance est comparativement plus importante (Heine et al., 2006 ; van Gompel & Majid, 2004).

Les résultats obtenus par Frenck-Mestre et Pynte (2000b), s’ils montrent un effet de la fréquence, peuvent néanmoins être questionnés en regard des théories de l’accessibilité. Dans cette étude sont présentées des phrases comme (14a-b) ou soit N1 est un nom et N2 un prénom (14a), soit N1 et N2 sont des noms (14b). Cette expérience est présentée dans le Chapitre 1, section 2.1.1.1. Les auteurs étudient l’effet de la fréquence relative de N1 et N2 sur les préférences d’attachement en italien.

(14)a. Gianni osserva il ragionere de Caterina che sembra più pensieroso(a) del normale. (matériel adapté de Frenck-Mestre & Pynte, 2000a)

b. Patrizia conosceva la segretaria del direttore che era svenuto(a) alla festa. (matériel adapté de Baccino et al., 2000)

Que ce soit selon la givenness hierarchy ou l’accessibility hierarchy, un statut cognitif ou un niveau d’accessibilité plus faible est accordé à un nom propre par rapport à un nom commun. De fait, dans le matériel de Frenck-Mestre et Pynte (2000a, 2000b), non seulement la fréquence varie entre N1, un nom commun, et N2, un prénom, mais aussi le niveau d’accessibilité. De plus, d’après les résultats obtenus, les participants attacheraient la proposition relative à l’expression référentielle la moins fréquente et pour laquelle le niveau d’accessibilité est plus faible (d’après l’accessibility hierarchy d’Ariel, 2001).

Si l’on se réfère à la centering theory et à la théorie de la proéminence du discours, une anaphore telle qu’un relativiseur, qui est assimilé à un pronom, devrait faire référence à l’entité la plus haute dans la hiérarchie des Cf, la plus proéminente du discours. La préférence pour N1 obtenue par Frenck-Mestre et Pynte (2000a, 2000b) suggérerait que la hiérarchie des Cf est établie plus en fonction de la fonction grammaticale (en (14), N1 est objet direct et N2 génitif, complément du nom) et de la fréquence qu’en fonction de la forme de l’expression référentielle et de l’accessibilité qu’elle signale (prénom ou nom commun).

Lorsque la fréquence de N1 et N2 est manipulée (Pynte & Colonna, 2000) et que N1 et N2 sont de même type (signalant ainsi un niveau d’accessibilité équivalent), l’attachement est réalisé préférentiellement vers le nom le moins fréquent, dont la saillance est renforcée. L’hypothèse de la saillance émise par Pynte et Colonna (2000) est par ailleurs confirmée dans une étude en potentiels évoqués (Heine et al., 2006), où la fréquence de l’antécédent est manipulée, ce qui a un effet sur les potentiels évoqués mesurés au niveau de l’anaphore pronominale.