Chapitre 1 Questionnaires

La méthode des questionnaires est fréquemment utilisée pour évaluer les préférences d’interprétation de structures ambiguës (Cuetos & Mitchell, 1988 ; Gilboy et al., 1995 ; Hemforth et al., 2000 ; Traxler et al., 1998 ; van Gompel et al., 2001). La série de questionnaires qui est proposée ici teste les deux volets de la première hypothèse opérationnelle (Hypothèse 1a et 1b), selon laquelle la forme du relativiseur influence les préférences d’attachement : on s’attend à plus d’attachements à l’antécédent moins accessible avec lequel qu’avec qui, car lequel signale précisément un antécédent moins accessible. Dans un GN complexe de la forme « N1 de N2 », on considère que N1 est plus accessible que N2 car il est à la tête du GN et N2 est le complément du nom. Il devrait y avoir plus d’attachements à N2 avec lequel plutôt qu’avec qui. Des phrases comme (59a-b) sont présentées dans le Questionnaire 1.

(59)a. Je connais le père du maçon, qui est amusant.

b. Je connais le père du maçon, lequel est amusant.

Les résultats de ces questionnaires procurent une estimation de la préférence d’attachement qui est ici explicite : en choisissant leur réponse, les participants signalent quel type d’attachement ils réalisent.

Les premiers questionnaires utilisent une procédure interindividuelle : les participants ne traitent qu’un seul type de relativiseur, afin d’éviter un biais ou une influence mutuelle des relativiseurs (Questionnaire 1 et Questionnaire 2). Selon la grammaire, les deux systèmes de relativiseurs en français sont synonymes et les participants pourraient décider d’une interprétation, d’un attachement, et l’appliquer à toutes les phrases expérimentales, quelle que soit la forme du relativiseur. Ces questionnaires sont répliqués avec une procédure intra-individuelle, où les participants traitent des phrases contenant les deux relativiseurs (Questionnaire 3 et Questionnaire 4). L’avantage de cette procédure intra-individuelle est que la différence statistique mesurée entre les deux formes de relativiseurs ne peut être attribuée à la différence entre les deux groupes de sujets, ce qu’on peut reprocher dans le cadre d’une procédure interindividuelle.

Comme cela a été présenté dans les hypothèses de travail, la comparaison des relativiseurs pour la fonction sujet et OI est intéressante pour tester l’Hypothèse 1. Entre qui et lequel, il y a plusieurs types de variations. Il y a tout d’abord l’atténuation de l’expression référentielle (une syllabe pour qui, deux pour lequel), mais aussi l’informativité ou la rigidité. Ces facteurs sont utilisés pour évaluer la position de l’expression référentielle sur l’accessibility hierarchy proposée par Ariel (1990) et son effet sur les préférences d’attachement.

Dans la comparaison entre qui et lequel (Questionnaire 1 et Questionnaire 4), deux facteurs, atténuation et informativité, varient de façon équivalente : ils signalent une position plus basse pour lequel, moins atténué et plus informatif. La comparaison entre à qui et auquel (Questionnaire 2) neutralise l’atténuation et l’informativité. Celle-ci varie selon deux aspects, soit le marquage en genre et en nombre (auquel est alors plus informatif), soit le marquage de l’animation (à qui est alors plus informatif). Si, comme je le propose, ces marquages respectifs rendent les relativiseurs aussi informatifs l’un que l’autre, cela ne devrait pas affecter les préférences d’attachement. Enfin, à qui et à laquelle (Questionnaire 3) ont un niveau d’informativité équivalent, mais leur niveau d’atténuation est différent, car à laquelle est plus long. Comme dans le Questionnaire 3, on manipule les deux formes de relativiseurs ainsi que le genre : à qui, auquel et à laquelle. On peut alors évaluer si l’atténuation et l’informativité ont un effet sur les préférences d’attachement, ou si un seul facteur contribue aux préférences d’attachement.

Dans le contexte précis des phrases étudiées, la rigidité est neutralisée. La rigidité d’une expression référentielle est, selon Ariel (1990), la capacité de celle-ci à sélectionner de façon unique l’entité référée lorsque plusieurs sont en compétition. Qui est peu rigide puisqu’il ne permet pas de sélectionner un antécédent et lequel, alors que N1 et N2 sont volontairement identiques en genre et nombre, ne distingue pas l’antécédent et est dans ce cas tout aussi peu rigide que qui.

Ces questionnaires, dans leur ensemble, constituent une première évaluation en compréhension des facteurs influençant la position des relativiseurs sur une hiérarchie d’accessibilité et de leur capacité à signaler un antécédent plus ou moins accessible.