1. Questionnaire 1 : comparaison de qui et lequel/laquelle, interindividuel

Dans le Questionnaire 1, les participants lisent des phrases comme (59a-b) répétées plus bas. Elles contiennent une proposition relative non restrictive introduite par qui ou lequel/laquelle qui est précédée d’une structure « N1 de N2 ». L’attachement de la relative est ambigu, car le contenu de la phrase n’indique pas le site d’attachement, N1 ou N2.

N1 et N2 sont identiques en genre et nombre, sinon le marquage de lequel/laquelle signalerait l’antécédent et l’attachement ne serait plus ambigu. Des études ont montré que ce type d’information est pris en compte rapidement dans l’interprétation des pronoms (Caramazza, Grober, Garvey, & Yates, 1977 ; Ehrlich, 1980 ; Garnham & Oakhill, 1985). N1 et N2 désignent des entités humaines, pour éviter un biais possible de l’animation (Bock & Levelt, 1994 ; Desmet et al., 2006). Un pré-test, présenté plus bas, assure que le contenu de la proposition relative est sémantiquement neutre.

En premier lieu, le Questionnaire 1 constitue une réplication des expériences réalisées en français sur les préférences d’attachement. Conformément à ce qui a pu être mesuré avec des mesures des mouvements oculaires (Zagar et al., 1997) ou avec des questions de compréhension (Baccino et al., 2000), on s’attend à une forte préférence pour N1 avec qui.

De plus, ce questionnaire teste les deux hypothèses qui ont été formulées sur l’atténuation (Hypothèse 1a) et l’informativité (Hypothèse 1b). On a vu dans la présentation des hypothèses que qui et lequel/laquelle diffèrent au niveau de l’atténuation et de l’informativité, ce qui peut affecter les préférences d’attachement. Lequel et laquelle sont moins atténués que qui et signalent un niveau d’accessibilité plus faible. Par conséquent, une proposition relative introduite par lequel ou laquelle entraîne plus d’attachements vers N2, entité la moins accessible des deux antécédents possibles. Comme on mesure la fréquence d’attachement, on s’attend à plus d’attachements à N2 avec lequel/laquelle qu’avec qui (Hypothèse 1a).

Le niveau d’accessibilité signalé par lequel/laquelle est plus bas que qui si on prend en considération le critère de l’informativité. Ainsi, on s’attend à plus d’attachements à N2 avec une proposition relative introduite par lequel/laquelle qu’à une relative introduite par qui (Hypothèse 1b).

D’après la proposition de Frazier et Clifton (1997), si le relativiseur est un pronom relatif, son interprétation est guidée par la proéminence des entités du discours. En français qui et lequel sont des pronoms relatifs et on pourrait s’attendre à une préférence pour attacher la proposition relative à N1, car il s’agit de l’antécédent proéminent. Il ne devrait pas y avoir de différence de traitement selon que la relative est introduite par qui ou lequel.

Les autres modèles du traitement des ambiguïtés syntaxiques ne posent aucune hypothèse quant à l’effet de la forme du relativiseur sur les préférences d’attachement, bien que les modèles interactifs n’excluent pas dans leur formulation que de telles informations peuvent affecter l’interprétation de telles phrases. D’après la théorie du garden path, par contre, il ne devrait pas y avoir d’effet de la forme du relativiseur, avec toujours un attachement à N2 (cf. stratégie du late closure).

Les théories sur le traitement des anaphores (centering theory et informational load hypothesis) suggèrent que plus l’anaphore est réduite, p. ex. anaphore pronominale, plus le référent est proéminent, ce qui est conforme avec les prédictions de l’Hypothèse 1.