2. 3. Discussion

Les résultats montrent une préférence pour attacher la proposition relative à N1, indépendamment du type de relativiseur. L’absence de différence observée entre à qui et auquel indique que, lorsque les relativiseurs sont contrôlés aussi bien au niveau de l’atténuation (Hypothèse 1a) que de l’informativité (Hypothèse 1b), cela ne conduit pas à une différence d’attachement.

Si, pour une fonction relativisée donnée, les relativeurs ont une position comparable sur la hiérarchie d’accessibilité, ils signalent alors le même attachement à l’antécédent le plus accessible.

La différence de fréquence d’occurrence entre à qui et auquel ne suffit pas à signaler un attachement différent : bien que à qui soit plus rare, il n’est pas attaché plus souvent à N2 que auquel. L’hypothèse alternative d’un effet de la fréquence sur les préférences d’attachement proposée dans le Questionnaire 1 n’est pas vérifiée ici. La différence de fréquence ne contribue pas, tout du moins seule, à signaler un attachement autre.

Les résultats obtenus sont en partie conformes à ce que la construal hypothesis prédit avec la préférence globale pour N1. L’absence de différence entre les deux formes de relativiseurs n’était cependant pas attendue selon cette théorie. Notons aussi que la préférence pour N1 infirme l’hypothèse de l’utilisation de la statégie de late closure (cf. théorie du garden path) selon laquelle le parseur réalise un attachement à N2.

Dans le Questionnaire 1 (qui, lequel/laquelle) et le Questionnaire 2 (à qui, auquel), on observe une préférence pour attacher la proposition relative à N1, comme dans la plupart des expériences réalisées en langue française (Colonna, 2001 ; Pynte & Colonna, 2000 ; Zagar et al., 1997). La préférence pour N1 semble encore plus marquée pour les propositions relatives OI (85,3 %, Questionnaire 2) que pour les relatives sujet (78,9 %, Questionnaire 1). L’élaboration des frontières prosodiques pendant la lecture des phrases expérimentales pourrait aussi expliquer la très forte préférence pour N1.

Des études ont montré que la longueur de la structure dont l’attachement est ambigu peut influencer l’attachement réalisé (voir p. ex. Colonna, 2001). Plus la structure ambiguë est longue, moins un attachement local est favorisé, que ce soit avec l’attachement d’un groupe prépositionnel (Frazier & Clifton, 1996 ; Petrone, Colonna, Hemforth, d’Imperio, & Pynte, 2005 ; Thornton, MacDonald, & Arnold, 2000) ou celui d’une proposition relative (Pynte & Colonna, 2000). Ceci s’explique selon Fodor (1998) par une sorte d’équilibrage prosodique : la structure ambiguë est attachée à la tête d’une structure de taille comparable. Dans le Questionnaire 2, la taille de la proposition relative est importante et c’est pour cela qu’une préférence pour N1 est observée. Dans le Questionnaire 1, par contre, la plus petite taille de la proposition relative favorise le nombre des attachements à N2.

En résumé, le Questionnaire 2 montre que lorsque l’atténuation et l’informativité sont contrôlées entre deux relativiseurs, il n’y a pas de différence d’attachement. Les résultats de ce présent questionnaire confortent l’idée selon laquelle, dans le Questionnaire 1 qui compare qui et lequel/laquelle, c’est bien une modification de l’atténuation et de l’informativité, plus que de fréquence, qui contribue à la différence d’attachement mesurée. Afin de tester plus précisément l’effet de la forme du relativiseur et celui de l’atténuation (Hypothèse 1a) et de l’informativité (Hypothèse 1b), il faut comparer deux relativiseurs où soit l’atténuation, soit l’informativité varie.

En français, il n’y a que pour la fonction sujet que le niveau d’informativité des deux relativiseurs est différent, puisque c’est le seul cas où s’il y a toujours un marquage en genre et nombre pour un relativiseur (lequel, laquelle), l’autre, qui, ne distingue pas l’animation de son antécédent. Par contre, les deux relativiseurs disponibles diffèrent souvent au niveau de l’atténuation, à l’exception de à qui et auquel/auxquels. En comparant à qui et son équivalent féminin à laquelle, on observe les préférences d’attachement pour deux relativiseurs dont le degré d’informativité est contrôlé, mais où le degré d’atténuation varie. Le relativiseur à laquelle étant plus long, moins atténué, si c’est la différence d’atténuation qui situe les relativiseurs à des positions différentes sur la hiérarchie d’accessibilité, on devrait observer plus d’attachements à N2 avec à laquelle qu’avec à qui. C’est ce que le Questionnaire 3 évalue.