2. 2. 3. L’animation (Hypothèse 2c)

La plupart des études en compréhension ont utilisé pour N1 et N2 des référents animés humains. L’animation affecte les préférences d’attachement, aussi bien en compréhension qu’en production. Des études de corpus en néerlandais ont montré que l’attachement le plus fréquent est à N2, ce qui contraste avec la préférence pour N1 observée dans des tâches de compréhension (Desmet, Brysbaert et al., 2002 ; Desmet et al., 2006 ; Kister, 2002). Desmet et al. (Desmet, Brysbaert et al., 2002 ; Desmet et al., 2006) suggèrent que, dans les corpus, la préférence pour N2 est liée à la plus grande fréquence de structures « N1 de N2 » où N2 est animé humain et où il est le site d’attachement. L’animation des antécédents guide les préférences d’attachement. De plus, si on considère dans le corpus les cas où N1 et N2 sont humains, comme dans les expériences en compréhension, on mesure alors plus d’attachements à N1, ce qui est conforme à la préférence pour attacher une relative à cet antécédent (Brysbaert & Mitchell, 1996 ; Desmet, De Baecke et al., 2002).

L’animation est une caractéristique linguistique (ou extralinguistique selon Comrie, 1989) qui exerce une forte influence sur d’autres aspects de la langue, comme les fonctions grammaticales (Bock & Levelt, 1994 ; Dahl & Fraurud, 1996) ou l’ordre des mots (Rosenbach, 2005, 2008). Bock et Warren (1985) suggèrent que ces observations sont en partie liées à l’accessibilité conceptuelle plus élevée des entités animées par rapport à celles d’entités non-animées (voir aussi Branigan et al., 2008). L’accessibilité conceptuelle influence ainsi l’ordre des mots. Cela a des conséquences sur l’ordre des constituants selon le statut given-new (Bock & Irwin, 1980), le niveau de saillance des référents ou l’animation (Prat-Sala & Branigan, 2000).

Le statut given-new et le niveau de saillance des référents du discours sont fondamentaux pour la giveness hierarchy de Gundel et al. (1993) et l’accessibility hierarchy d’Ariel (cf. effet de la saillance, 2001). On peut ainsi émettre l’hypothèse qu’un antécédent animé a un niveau d’accessibilité plus important qu’un antécédent non-animé. C’est la raison pour laquelle on observe un attachement préférentiel pour attacher une proposition relative à l’entité animée.

On l’a vu, certains relativiseurs signalent l’animation de leur antécédent. C’est le cas des relativiseurs ayant pour base qui et une préposition, comme à qui, qui ne peuvent être attachés qu’à un antécédent animé (et humain). Les autres relativiseurs, qui, lequel et ceux ayant pour base lequel et une préposition (p. ex. auquel) peuvent faire référence aussi bien à un antécédent animé que non-animé.

Il serait intéressant de voir, quand deux relativiseurs n’indiquent pas l’animation de leur antécédent, si le degré d’accessibilité qu’ils signalent guide néanmoins l’attachement. Si lequel signale un attachement à l’antécédent moins accessible que qui, il devrait alors être attaché à un antécédent non-animé plus fréquemment que qui.

Si on compare à qui et auquel, il est possible de faire référence de façon non ambiguë à un antécédent animé en utilisant à qui. Cet attachement reste cependant ambigu quand N1 et N2 sont animés. À qui étant marqué pour l’animation, il sert à signaler un attachement à un antécédent moins accessible. Comme il ne peut renvoyer qu’à un antécédent animé, il sera utilisé de façon préférentielle quand cet antécédent est moins accessible, en N2 par exemple. On s’attend ainsi à plus d’attachements à N2 quand l’antécédent est animé et la relative introduite par à qui plutôt que auquel.