2. 2. 4. La fonction syntaxique (Hypothèse 2e)

Dans les études en compréhension (voir p. ex. Carreiras & Clifton, 1993, 1999 ; Cuetos & Mitchell, 1988 ; Zagar et al., 1997), la fonction syntaxique de N1 dans la principale est le plus souvent sujet ou objet. Ariel (1999) a montré, dans une étude de corpus sur des relatives non ambiguës en hébreu, l’emploi plus fréquent d’un pronom résomptif par rapport à une anaphore zéro, dès lors que l’antécédent de la proposition relative a une fonction syntaxique autre que sujet.

Givón (1990) propose une hiérarchie de topicalité pour la fonction syntaxique : la fonction sujet est la plus haute et signale un référent topique, l’objet est le topique secondaire et enfin l’objet indirect et les obliques sont non topiques et les moins accessibles.

J’ai soulevé un problème à propos de l’étude d’Ariel (1999) : l’emploi d’un pronom résomptif est selon la norme incorrect quand la fonction sujet est relativisée, et une anaphore zéro est incorrecte pour les fonctions basses. Il est néanmoins possible que la distribution de ces relativiseurs traduit en fait une grammaticalisation, en quelque sorte, de l’accessibilité qu’ils signalent.

Si on élargit la hiérarchie de Keenan et Comrie (1987) aux fonctions syntaxiques dans la proposition principale, la fonction sujet est la plus accessible, suivie de la fonction objet direct, de l’objet indirect, etc. On peut considérer que plus N1 a une fonction syntaxique basse, moins il est accessible. Par conséquent, on devrait observer une fréquence plus importante de propositions relatives introduites par lequel quand l’antécédent, N1, a une fonction syntaxique basse.

Dans son étude de corpus, Kister (2002) évalue l’effet du rôle syntaxique de N1 sur les préférences d’attachement, pour des propositions relatives en qui.La fréquence d’attachement à N1 est la plus importante (74 %) lorsque N1 remplit la fonction sujet et diminue si la fonction syntaxique baisse (objet direct 55 %, objet indirect 60 %, autres 45 %). Ces résultats suggèrent que les propositions relatives sont attachées de façon préférentielle à des antécédents qui remplissent un rôle grammatical plus saillant.

On devrait observer une interaction entre la forme du relativiseur et la fonction syntaxique de N1. Considérons tout d’abord les relatives avec qui. Ce relativiseur signale un attachement à un antécédent hautement accessible. Si N1 remplit une fonction syntaxique élevée dans la hiérarchie, il est plus accessible que N2. On s’attend alors à un attachement à N1. Quand la fonction syntaxique de N1 baisse, son niveau d’accessibilité baisse comparativement à N2, qui devient désormais un site d’attachement plus probable. Les relatives introduites par lequel sont attachées préférentiellement à un antécédent peu accessible. C’est pourquoi on s’attend à peu de relatives avec lequel pour des phrases où N1 est sujet, qui plus est avec un attachement à N1. Les relatives avec lequel sont attachées de façon préférentielles à l’antécédent moins accessible, N2 quand N1 remplit une fonction syntaxique élevée, mais cette préférence devient moindre si N1 a une fonction syntaxique basse, car la différence d’accessibilité entre N1 et N2 est réduite.

Pour les relatives avec à qui et auquel, on s’attend à des préférences équivalentes, puisqu’ils signalent un même niveau d’accessibilité. Les préférences devraient ressembler à celles observées dans l’étude de Kister (2002).