4. 1. Ensemble des propositions relatives non restrictives

Pour les propositions relatives non restrictives, les tableaux contenant les fréquences d’occurrence ne sont pas rapportés, afin d’éviter la répétition de ces tableaux lors de la présentation des résultats pour les relatives sujet et OI. On peut retrouver les fréquences en compilant les fréquences obtenues pour les deux types de relatives. La direction des effets observés est indiquée par la valence du coefficient associé à chaque prédicteur dans le Tableau 6, en fonction des niveaux de ces prédicteurs.

Le Tableau 6 rapporte les coefficients et les niveaux de significativité pour le meilleur modèle obtenu. Conventionnellement, l’interaction entre deux prédicteurs est symbolisée avec « : » ; seuls les effets significatifs sont discutés.

Considérons d’abord les effets principaux significatifs seuls (cf. Demberg & Keller, à paraître). La valence des coefficients indique la direction de l’effet : si elle est positive, il y a plus d’attachements vers N2 pour le deuxième niveau du prédicteur (p. e. pas d’adjectif pour N1 dans le Tableau 6). Par opposition, une valence négative, comme par exemple pour la présence d’un adjectif pour N2, signifie qu’il y a moins d’attachements à N2 pour le deuxième niveau du prédicteur, c’est-à-dire « sans adjectif ».

Tableau 6 : Coefficients et niveaux de significativité pour un modèle de l’attachement de propositions relatives non restrictives contenant les différents prédicteurs et leurs interactions
Effets fixes Coefficient p Significativité
(Résidu) -1,60 < 0,0001 ***
Fonction de la relative (OI, sujet) -0,25 n. s. n. s.
Forme du relativiseur (les qui les lequel) 1,90 < 0,0001 ***
Longueur de la relative 0,01 n. s. n. s.
Adjectif pour N1 (adjectif, pas d’adjectif) 0,49 < 0,0001 ***
Adjectif pour N2 (adjectif, pas d’adjectif) -0,56 < 0,0001 ***
Animation de N1 (animé, non-animé) 1,74 < 0,0001 ***
Animation de N2 (animé, non-animé) -0,58 0,03 *
Fonction syntaxique de N1 (sujet, objet direct) 1,77 < 0,0001 ***
Fonction syntaxique de N1 (sujet, OI et obliques) 0,98 0,004 **
Fonction syntaxique de N1 (sujet, sans fonction) 2,59 < 0,0001 ***
Fonction de la relative : Forme du relativiseur -1,50 0,003 **
Fonction de la relative : Animation de N1 1,58 0,0004 ***
Fonction de la relative : Animation de N2 0,51 0,04 *
Forme du relativiseur : Animation de N1 -2,11 < 0,0001 ***
Longueur de la relative : Animation de N2 -0,07 0,002 **
Animation de N1 : F. synt. de N1 (sujet, objet direct) -0,64 0,2 n. s.
Animation de N1 : F. synt.de N1 (sujet, OI et obliques) 0,16 n. s. n. s.
Animation de N1 : F. synt.de N1 (sujet, sans fonction) -2,01 0,0002 ***

* p < 0,05 ; ** p < 0,01 ; *** p < 0,001 ; n. s. : non significatif ; F. synt. : Fonction syntaxique

Dans le modèle linéaire mixte généré (Tableau 6), la Forme du relativiseur est un bon prédicteur. Comme on peut le voir dans le Tableau 7, il y a plus d’attachements à N2 quand la relative est introduite par lequel ou auquel (et leurs déclinaisons), 58 %, que par qui ou à qui, 55 %. Les relativiseurs comme lequel et auquel et leurs déclinaisons sont dans l’ensemble moins atténués (la paire auquel et à qui est le seul cas où l’atténuation est contrôlée) et plus informatifs (c’est le cas pour lequel par rapport à qui) et signalent un attachement à l’antécédent le moins accessible.

Tableau 7 : Fréquence globale d’attachements à N1 et N2 selon la forme du relativiseur (relatives non restrictives)
  Attachement à N1 Attachement à N2  
F. relativiseur Nb. % Nb. % Total
Qui - à qui 551 45 680 55 1231
Lequel - Auquel 300 42 406 58 706
Total 851 44 1086 56 1937

F. relativiseur : forme du relativiseur ; Nb. : nombre d’occurrences

Notons que, sur l’ensemble des propositions relatives non restrictives, il y a plus d’attachements à N2 qu’à N1 (56 % vs 44 %). Il y a, en production, une préférence pour un attachement à N2.

En ce qui concerne la présence d’un adjectif ou autre modifieur, on obtient un effet significatif de la Modification de N1 et N2 (Tableau 6). Les fréquences d’occurrences obtenues (Tableau 12) montrent plus d’attachements à N1 quand il est modifié (52 %) que s’il ne l’est pas (41 %). Par contre, si N2 est modifié (62 %), il y a plus d’attachements à cet antécédent que s’il ne l’est pas (52 %).

Tableau 8 : Fréquence globale d’attachements à N1 et N2 selon la présence ou l’absence d’un adjectif (relatives non restrictives)
    N2  
    Adjectif Sans adjectif  
F. relativiseur N1 Att. N1 Att. N2 Att. N1 Att. N2 Total
Qui –
à qui
Adjectif 46 (15) 64 (21) 104 (35) 85 (28) 299
Sans adjectif 143 (15) 222 (24) 258 (28) 309 (33) 932
Lequel - Auquel Adjectif 39 (20) 31 (16) 64 (34) 57 (30) 191
Sans adjectif 65 (13) 155 (30) 132 (26) 163 (32) 515
  Total 293 (15) 472 (24) 558 (29) 614 (32) 1937

Le pourcentage d’attachements est indiqué entre parenthèses ; F. relativiseur : forme du relativiseur ; Att. : attachement

Ces résultats sont incompatibles avec la modifiabilité (Thornton et al., 1999) puisqu’ils vont à l’opposé des prédictions proposées par ces auteurs, mais ils confirment, au moins en partie, l’hypothèse de Colonna (2001). En effet, on se serait attendu à une préférence pour N2 quand ce dernier est modifié, ce qui est le cas, mais pas à un effet de la modification de N1. Ces résultats ne valident pas non plus l’Hypothèse 2b sur l’effet de la modification.

L’Animation est un bon prédicteur du modèle. Dans le Tableau 9, on voit qu’il y a plus d’attachements à N2 quand N1 est non-animé (60 %, contre 35 %), mais aussi quand N2 est animé (66 %, non-animé : 47 %). De façon générale, un antécédent animé est le site d’attachement le plus fréquent, ce qui confirme l’Hypothèse 2c.

Tableau 9 : Fréquence globale d’attachements à N1 et N2 selon l’animation des antécédents (relatives non restrictives)
    N2  
    Animé Non-animé  
F. relativiseur N1 Att. N1 Att. N2 Att. N1 Att. N2 Total
Qui – à qui Animé 77 (28) 40 (14) 130 (47) 31 (11) 278
Non-animé 110 (12) 391 (41) 234 (25) 218 (23) 953
Lequel - Auquel Animé 15 (14) 22 (20) 44 (40) 30 (27) 111
Non-animé 54 (9) 121 (20) 187 (31) 233 (39) 595
  Total 256 (13) 574 (30) 595 (31) 512 (26) 1937

Le pourcentage d’attachements est indiqué entre parenthèses ; F. relativiseur : forme du relativiseur ; Att. : attachement

Pour l’évaluation de l’effet de la Fonction syntaxique de N1, le prédicteur ayant plus de deux niveaux, les fonctions objet direct, autres (i. e. objet indirect et oblique) et sans fonction sont comparées à la fonction sujet, choisie comme pivot parce qu’elle est susceptible de différer le plus des autres (cf. accessibilité et hiérarchie des fonctions syntaxiques). Les coefficients positifs obtenus pour les trois comparaisons montrent qu’il y a plus d’attachements à N2 pour une fonction autre que la fonction sujet (objet direct, autres et sans fonction). Les fréquences d’occurrences sont reportées dans le Tableau 10.

Tableau 10 : Fréquence globale d’attachements à N1 et N2 selon la fonction syntaxique de N1 (relatives non restrictives)
  Fonction syntaxique de N1  
  Sans fonction Sujet Objet direct OI et obliques  
F. relativiseur Att. N1 Att. N2 Att. N1 Att. N2 Att. N1 Att. N2 Att. N1 Att. N2 Total
Qui – à qui 34
(3)
45
(4)
182
(15)
68
(6)
116
(9)
220
(18)
219
(18)
347
(28)
1231
Lequel - Auquel 16
(2)
22
(3)
46
(7)
27
(4)
80
(11)
119
(17)
158
(22)
238
(34)
706
Total 50
(3)
67
(3)
228
(12)
95
(5)
196
(10)
339
(18)
377
(19)
585
(30)
1937

Le pourcentage d’attachements est indiqué entre parenthèses ; F. relativiseur : forme du relativiseur ; Att. : attachement : OI : objet indirect

On trouve 29 % d’attachements à N2 quand N1 est sujet, 79 % d’attachements à N2 s’il ne remplit pas de fonction, 63 % s’il est l’objet direct et 55 % s’il est OI ou oblique. Ces résultats confirment que lorsque N1 est très accessible, c’est-à-dire sujet, il est alors le site d’attachement préféré. Pour une fonction syntaxique plus basse (Givón, 1990), il n’est guère plus accessible que N2 qui devient alors le site d’attachement préféré. L’Hypothèse 2e est validée, telle qu’elle est formulée indépendamment de la forme des relativiseurs.

Que la fonction relativisée (relative sujet ou OI) ne soit pas un prédicteur du modèle suggère que les préférences observées le sont indépendamment d’elle.

Pour l’interprétation des interactions, il faut à la fois prendre en compte la valence de l’interaction, mais aussi celle des effets principaux significatifs. La représentation graphique de l’interaction est aussi utile. L’interaction entre la Fonction de la relative et la Forme du relativiseur est significative. Sur le graphe d’interaction représenté sur la Figure 9, on peut voir les pourcentages d’attachement à N2. Il y a plus d’attachements à N2 pour la fonction sujet quand la relative est introduite par lequel, par comparaison à une relative introduite par qui. Pour la fonction OI, c’est l’inverse qui est mesuré, avec plus d’attachements à N2 quand la relative est introduite par à qui plutôt que auquel.

Figure 9 : Graphe d’interaction entre la fonction de la relative et la forme du relativiseur (relatives non restrictives)

Bien que, selon que N1 est animé ou non, la différence soit proche entre les relatives sujet et les relatives OI, l’interaction entre la Fonction de la proposition relative et l’Animation de N1 est significative (Figure 10a). Quand N1 est animé il y a une différence entre les relatives sujet (31 % d’attachements à N2) et les relatives OI (32 %). Lorsque N1 est non animé, on observe une préférence de N2 comparable pour les deux types de relatives (62 %).

L’interaction entre la Fonction de la relative et l’Animation de N2 (Figure 10b) est elle aussi significative. On observe une préférence pour N2 proche avec N2 animé, pour les relatives sujet (69 %) et les relatives OI (70 %), mais que N2 soit non-animé conduit à plus d’attachements à cet antécédent pour les relatives OI (52 %) que pour les relatives sujet (43 %).

Figure 10 : Graphe d’interaction entre la fonction de la relative et l’animation de N1 (a) et de l’animation de N2 (b) (relatives non restrictives)

Je reviendrai par la suite sur l’effet de l’Animation des antécédents en fonction du type de relative, lorsque les relatives, sujet et OI, seront présentées de façon isolée.

L’interaction entre la Forme du relativiseur et l’Animation de N1 est elle aussi significative (Figure 11) : la fréquence d’attachements est plus affectée par l’animation de N1 pour les relatives introduites par les qui (qui, à qui) que celles introduites par les lequel (lequel, auquel). Le pourcentage d’attachements à N2 est plus faible avec les qui si N1 est animé. Cet effet est peut-être dû à la restriction à un antécédent animé pour les relatives avec à qui, alors que les autres relativiseurs ne distinguent pas l’animation. Je reviendrai plus tard sur cet aspect.

Figure 11 : Graphe d’interaction entre la forme du relativiseur et l’animation de N1 (relatives non restrictives)

L’interaction entre l’Animation de N2 et la Longueur de la relative est significative. Cette interaction est calculée en prenant la Longueur de la relative qui est une variable continue. Afin de rendre ce résultat plus lisible, les occurrences sont rassemblées dans trois catégories de Longueur dans le Tableau 11, en fonction de l’Animation de N2. Ces catégories sont établies d’après celles de Toussenel et Abeillé (2001, cité par Colonna, 2001), avec des propositions relatives courtes (≤ 5 mots), longues (≥ 10 mots) ou intermédiaires.

Tableau 11 : Fréquence globale d’attachements à N1 et N2 selon la longueur de la proposition relative et l’animation de N2
  Longueur de la relative  
  Courte Moyenne Longue  
N2 Att. N1 Att. N2 Att. N1 Att. N2 Att. N1 Att. N2 Total
Animé 44 (5) 88 (11) 93 (11) 236 (28) 119 (14) 250 (30) 830
Non-animé 92 (8) 107 (10) 248 (22) 237 (21) 255 (23) 168 (15) 1107
Total 136 (7) 195 (10) 341 (18) 473 (24) 374 (19) 418 (22) 1937

Le pourcentage d’attachements est indiqué entre parenthèses ; F. relativiseur : forme du relativiseur ; Att. : attachement

Quand la relative est courte et que N2 est animé, on mesure une forte préférence pour N2, avec 67 % des attachements. Cette préférence demeure importante même quand la relative est longue (68 %). Mais, quand N2 est non-animé, la préférence pour N2 est plus faible si la relative est courte (54 %) et décroît lorsque la taille de la relative augmente (40 %).

Enfin, la dernière interaction significative est entre l’Animation de N1 et la Fonction syntaxique de N1 (ici, la comparaison entre la fonction sujet et l’absence de fonction), car elle ne l’est pas entre la fonction sujet et les fonctions object direct ou autres.

Il est intéressant de voir que pour toutes les fonctions syntaxiques, il y a plus d’attachements à N2 avec N1 non-animé, sauf quand N1 est sans fonction. Dans ce cas précis, N1 est très peu accessible et son caractère animé ne suffit pas à le rendre plus accessible que N2, site d’attachement préféré (car plus accessible). Par contre, quand N1 ne remplit pas de fonction syntaxique, il y a une préférence pour N1 quand ce dernier est non-animé.

Figure 12 : Graphe d’interaction entre l’animation et la fonction de N1
Figure 12 : Graphe d’interaction entre l’animation et la fonction de N1

Ce résultat confirme l’Hypothèse 2d, selon laquelle N1 est le site d’attachement préféré s’il est hautement accessible et remplit une fonction élevée (Givón, 1990), d’autant plus qu’il est animé (Bock & Irwin, 1980). Quand N1 remplit une fonction basse, il est peu accessible, qu’il soit animé ou non et il n’est plus le site d’attachement préféré.