2. 2. Matériel et procédure expérimentale

2. 2. 1. Matériel

2. 2. 1. 1. Élaboration des items expérimentaux

Le matériel expérimental est au départ constitué de 50 items en quatre versions (68a-d) où sont manipulées deux variables, le type de Relativiseur (qui ou lequel) et la Désambiguïsation de la proposition relative soit vers N1, (68a) et (68c), soit vers N2, (68b) et (68d). Les 40 meilleurs items sont conservés à l’issue de pré-tests (voir plus bas).

(68)a. La serveuse de la cliente, qui termine son service dans moins d’une heure, renverse l’assiette de légumes.

b. La cliente de la serveuse, qui termine son service dans moins d’une heure, renverse l’assiette de légumes.

c. La serveuse de la cliente, laquelle termine son service dans moins d’une heure, renverse l’assiette de légumes.

d. La cliente de la serveuse, laquelle termine son service dans moins d’une heure, renverse l’assiette de légumes.

Ces phrases sont construites de la façon suivante : elles débutent avec le sujet de la proposition principale, un GN complexe de la forme « N1 de N2 », comme par exemple la cliente de la serveuse dans(68a). La proposition relative non restrictive, toujours encadrée par une virgule est une relative sujet, constituée du relativiseur, d’un verbe, de l’objet et d’un groupe prépositionnel.

Afin de conserver l’ambiguïté d’attachement jusqu’à la région de désambiguïsation, il est nécessaire que les deux noms, N1 et N2, soient identiques en genre et en nombre, sinon l’attachement serait désambiguïsé dès le traitement de lequel ou laquelle (Brysbaert & Mitchell, 1996). Le marquage en genre et en nombre avec ces derniers contraint par ailleurs la forme de désambiguïsation. En effet, c’est une désambiguïsation par le genre de l’adjectif qu’utilisent Zagar et al. (1997), avec N1 et N2 de genres différents, ce qui n’est pas possible ici. La désambiguïsation sémantique est alors la seule possibilité. Afin de s’assurer de l’effet de cette désambiguïsation un pré-test est réalisé (voir dans ce Chapitre la section ).

Les deux noms, N1 et N2 sont contrôlés de façon à ce qu’ils aient des fréquences d’occurrence comparables, mais aussi une longueur et un nombre de syllabes proches. Comme les positions des deux noms sont inversées afin de spécifier l’attachement, les GN constitués doivent être réversibles : la serveuse de la cliente doit être aussi acceptable que la cliente de la serveuse. Le genre de ces substantifs est marqué et non ambigu, sauf pour quelques uns dont le genre par défaut est le même que l’autre nom.

L’objet de la relative (son service) est systématiquement composé d’un nom précédé d’un article, dont le contenu sémantique lève l’ambiguïté d’attachement (cf. Carreiras & Clifton, 1993, 1999). Il s’agit de la région de désambiguïsation. L’objet de la relative est identique pour toutes les conditions expérimentales, ce qui permet de s’assurer que si le temps de lecture diffère au niveau de cette région, il n’est pas dû à une différence de contenu, de longueur ou de fréquence. Ce choix méthodologique conditionne par conséquent l’élaboration des GN « N1 de N2 », où la position des noms doit être inversée selon qu’un attachement à N1 ou à N2 est signalé. Dans(68), c’est la serveuse qui est l’agent le plus probable de termine son service (cf. , pré-test de plausibilité) ; sa position en N1 conduit à signaler un attachement à N1 lorsque l’objet de la relative est atteint. Notons aussi que la région ambiguë est courte, ce qui devrait faciliter la ré-analyse de l’attachement (Christianson, Hollingworth, Halliwell, & Ferreira, 2001).

La relative se poursuit avec un groupe prépositionnel de cinq mots. Cette région dite spillover permet de mesurer éventuellement la prolongation sur les constituants suivants d’un effet de l’attachement situé au niveau de la région de désambiguïsation. On appelle cela un effet de spillover ; cet effet s’observe assez fréquemment dans des expériences en eye tracking (Hoeks, Hendriks, Vonk, Brown, & Hagoort, 2006 ; van Gompel et al., 2001).

Puis viennent le verbe de la principale, son objet (de la forme article et nom) et enfin un groupe prépositionnel ou un modifieur de l’objet de la principale. Le contenu de la principale (verbe, objet et fin) est conçu de façon à ce qu’il soit plausible pour les deux noms (la serveuse et la cliente).

Pour chacun de ces items, on formule des questions de compréhension, où la question porte soit sur le contenu de la proposition relative (c’est la serveuse qui termine son service ?) soit sur le contenu de la proposition principale (c’est la serveuse qui renverse l’assiette ?).

Un ensemble de 100 remplisseurs est construit et constitué de phrases de longueur et de complexité variables, mais sans aucune proposition relative. Afin de diminuer les effets d’attente, certains remplisseurs débutent par une structure « N1 de N2 », avec des noms animés ou non.