2. 2. 2. Procédure expérimentale

Les participants sont installés dans une salle équipée de 8 ordinateurs isolés les uns des autres par de grands panneaux. Ces ordinateurs sont de type PC équipés du logiciel DMDX (Forster & Forster, 2002) et les réponses sont données en utilisant une manette de jeu Logitech Wingman. Tout d’abord, les participants donnent leur consentement écrit et quelques informations telles que leur âge, leur main dominante, s’ils ont des problèmes de vision, d’audition ou de dyslexie.

Les instructions concernant l’expérience sont délivrées de façon orale puis écrite, sur l’écran de l’ordinateur. Les participants ont pour tâche de lire les phrases région par région en cliquant sur un bouton de la manette, en prenant soin d’avoir un rythme de lecture le plus naturel possible. Ils gardent la manette en main, un index reposant sur le bouton droit (pour répondre « oui » aux questions de compréhension) ou gauche (réponses « non »). La consigne pour les questions de compréhension est d’être le plus rapide et le plus juste possible.

La procédure expérimentale utilisée est celle d’auto-présentation segmentée ou moving window non cumulative self-paced reading. Ce paradigme est couramment utilisé dans les études en compréhension écrite (F. Ferreira & Henderson, 1990 ; Just, Carpenter, & Wooley, 1982 ; Mitchell & Green, 1978) car il permet de mesurer les temps de lecture pour chaque région, puisque c’est le lecteur lui-même qui fait apparaître les régions en actionnant un bouton. Une illustration du paradigme est présentée Figure 15.

Figure 15 : Le paradigme d’auto-présentation segmentée

Le participant fait apparaître les fenêtres successives en appuyant sur un bouton de la manette. Il est alors possible d’enregistrer les temps de lecture pour chaque fenêtre, avec une précision de l’ordre de la milliseconde. Les caractères de la phrases sont symbolisés par des tirets (-). La procédure est dite non cumulative, car une fois qu’une région est présentée, elle est remplacée à nouveau par les tirets.

Une contrainte est appliquée dans la présentation des contenus des phrases : un nom apparaît systématiquement en même temps que son article. Cela permet d’afficher la région de désambiguïsation, pour tous les items, en une seule fenêtre, mais aussi N1 et N2. à l’exception de cette contrainte, chaque région est composée d’un seul mot.

Les phrases expérimentales étant trop longues pour n’occuper qu’une seule ligne à l’écran, il est nécessaire d’insérer une rupture de ligne. Cette dernière se trouve toujours dans la région spillover qui est le groupe prépositionnel suivant l’objet de la relative (i. e. la région de désambiguïsation), entre le troisième et le quatrième mot, que ces noms soient ou non regroupés en une fenêtre « déterminant et nom ».

Cette technique expérimentale est tout à fait satisfaisante pour mesurer les éventuels effets de ré-analyse auxquels on s’attend. À propos des techniques expérimentales utilisées pour évaluer le traitement d’ambiguïtés syntaxiques, Frazier et Clifton (1996) suggèrent que la technique d’auto-présentation convient très bien pour un matériel expérimental si l’ambiguïté temporaire est résolue dans la phrase, ici au niveau de la région de désambiguïsation, et qu’aucune autre information contextuelle ne contraint l’interprétation initiale. La mesure des temps de lecture peut alors révéler des interruptions de traitement (disruptions) lorsque l’information, ici sémantique, signale une interprétation incongrue avec les préférences structurelles de traitement (voir aussi F. Ferreira & Clifton, 1986 ; F. Ferreira & Henderson, 1990, 1991).

Par contre, si le contexte est manipulé et précède la levée de l’ambiguïté, Frazier et Clifton (1996) estiment qu’une technique dont le niveau d’analyse temporel est très fin s’avère nécessaire. L’eye tracking est alors utilisé.

Revenons un moment sur la présentation des fenêtres successives, la segmentation de la phrase, et leur effet potentiel sur les préférences d’attachement. Gilboy et Sopena (1996) l’ont évalué dans une expérience en auto-présentation. Si le GN « N1 de N2 » est présenté en une seule fenêtre, il y a une préférence pour attacher la proposition relative à N1 (voir aussi Carreiras & Clifton, 1993 ; Cuetos & Mitchell, 1988 ; Gilboy et al., 1995). Cette préférence est plus faible si les deux noms, N1 et N2, sont présentés dans des fenêtres différentes. C’est ce qui est mesuré aussi dans les expériences de Carreiras et Clifton (1999). La segmentation choisie pour cette expérience pourrait ainsi favoriser une préférence d’attachement à N2.

Un essai se déroule de la façon suivante. Tout d’abord, le symbole « > » signifie le début de la phrase ; le participant fait apparaître la première fenêtre en appuyant sur un bouton de la manette. Par pressions successives, la phrase défile et les temps de réponse sont mesurés pour chaque fenêtre. Après la dernière fenêtre, une question de compréhension apparaît, aussi bien pour les items expérimentaux que pour les remplisseurs. Le participant répond par « oui » ou « non » en appuyant sur le bouton correspondant. L’exactitude de la réponse ainsi que les temps de réponse sont mesurés et l’essai suivant est prêt.

Les 140 essais sont répartis en trois blocs : 50 essais pour les deux premiers blocs et 40 pour le dernier. Ces blocs sont séparés par des pauses dont la longueur est déterminée par le participant. L’expérience débute avec 6 essais d’entraînement afin de se familiariser avec le paradigme d’auto-présentation. L’expérience dure 25 à 30 minutes.