1. 3. 2. L’accessibilité comme facteur explicatif des variations translinguistiques et intra-linguistiques

Le relativiseur fonctionne comme une autre anaphore : sa forme signale le degré d’accessibilité de l’entité à laquelle il fait référence, son antécédent. L’effet de l’accessibilité signalée par les expressions référentielles que sont les relativiseurs et les antécédents pourrait apporter une explication nouvelle et intéressante pour les variations translinguistiques et intra-linguistiques relevées dans la littérature.

Tout d’abord, les études en anglais qui mettent en évidence une préférence pour attacher une relative ambiguë à N2 présentent en général le relativiseur who (Carreiras & Clifton, 1999 ; Mitchell et al., 1990) alors que l’utilisation de that ne révèle aucune préférence d’attachement (Traxler et al., 1998). Notons aussi que Cuetos et Mitchell (1988) mesurent une préférence pour N2 avec who et une préférence pour N1 avec that. Ces résultats ressemblent à ceux que j’ai obtenus et suggèrent que le degré d’accessibilité des relativiseurs that et who sert à signaler un attachement différent. Néanmoins, la possibilité d’un biais de l’animation avec that (Cuetos & Mitchell, 1988) ne peut permettre de conclure de façon certaine.

On a vu que Baccino et al. (2000) ont mesuré une préférence pour N2 avec des phrases comme (14a) où N1 et N2 sont des noms communs et que Frenck-Mestre et Pynte (2000a, 2000b) observent une préférence pour N1 avec des phrases comme (14a). La différence de fréquence entre les noms dans les deux types de phrases est invoquée pour expliquer la différence alors obtenue (Pynte & Colonna, 2000).

(14)a. Gianni osserva il ragionere de Caterina che sembra più pensieroso(a) del normale.

L’accessibilité des antécédents propose une explication alternative à propos de la forte préférence d’attachement à N1 pour (14a) : un nom propre signale un antécédent moins accessible qu’un nom commun. Comme une relative est attachée de façon préférentielle à l’antécédent le plus accessible, c’est un attachement à N1 qui est alors observé.

Les différences translinguistiques sont expliquées par Frazier et Fodor (1997) par le fait que des langues qui disposent du pronom relatif utilisent la proéminence des entités du discours pour établir l’attachement. Néanmoins, leur explication ne vaut pas pour les données en anglais : who est un pronom relatif et on observe avec ce relativiseur un attachement préférentiel à N2. Par contre, si on considère qu’une langue qui possède plusieurs systèmes de relativiseurs attache de façon préférentielle la proposition relative à l’antécédent le plus accessible avec un relativiseur qui signale un tel niveau d’accessibilité, il sera alors plus atténué et moins informatif (that en anglais, qui en français) que l’autre système de relativiseur (who en anglais, lequel en français). Que les expériences en compréhension en anglais utilisent généralement who au détriment de that peut ainsi expliquer la préférence pour N2 qui est mise en évidence. En français, le relativiseur qui est toujours utilisé (Colonna, 2001 ; Frenck-Mestre & Pynte, 2000b ; Pynte & Colonna, 2000 ; Zagar et al., 1997), à l’exception du travail présenté ici. Quand qui est utilisé, on observe un attachement à N1, l’antécédent le plus accessible et si lequel est utilisé, il y a une préférence pour N2. Les langues qui ne disposent que d’un système de relativiseur vont attacher la relative à l’antécédent le plus accessible, N1. C’est le cas par exemple en allemand (Hemforth et al., 2000).