1. 3. 4. L’accessibilité comme facteur explicatif des variations translinguistiques et intra-linguistiques

Selon la tuning hypothesis (Mitchell et al., 1995), un autre type de fréquence intervient dans les préférences d’attachement : ces dernières, dans un processus de compréhension, reflètent les fréquences d’attachement en production. Seules les fréquences grossières sont prises en considération. Ici, il s’agirait des fréquences d’attachement pour une proposition relative précédée d’une structure « N1 de N2 », indépendamment de la forme du relativiseur ou des aspects syntaxiques ou sémantiques des antécédents.

D’après l’étude de corpus, aussi bien pour l’ensemble des relatives non restrictives que pour les relatives sujet ou OI, on mesure une fréquence plus importante des attachements à N2 (56 % sur toutes les occurrences analysées). Si la fréquence d’attachement contraint l’interprétation des propositions relatives ambiguës, un attachement à N2 est alors attendu dans les études en compréhension, pour les Questionnaires et pour l’expérience avec le paradigme d’auto-présentation segmentée. Cette préférence pour N2 n’est pas confirmée. On obtient une forte préférence pour N1 sur l’ensemble des Questionnaires, ce qui ne confirme pas les prédictions de la tuning hypothesis. Les erreurs aux questions de compréhension pour l’expérience d’auto-présentation révèlent un effet de l’Attachement avec plus d’erreurs commises pour des phrases où le contenu sémantique signale un attachement à N1. L’analyse des effets simples montre que ce sont les relatives avec lequel qui contribuent à ce résultat, puisque les relatives avec qui sont bien traitées indépendamment de l’attachement, alors que celles avec lequel sont plus difficiles quand l’attachement est à N1, traduisant une préférence pour N2. Les mesures des temps de lecture sont cohérentes avec les résultats pour les questions de compréhension. On ne peut pas dire que les résultats généraux soient supportés par une conception à gros grain de la tuning hypothesis.

La prise en compte d’informations lexicales comme l’animation (Desmet, Brysbaert et al., 2002 ; Desmet et al., 2006), qui suppose un modèle à grain d’analyse fin ou mixte (Desmet, Brysbaert et al., 2002), et le calcul des fréquences d’attachement pour des structures proches de celles présentées expérimentalement, permettent de trouver un accord entre les fréquences d’attachement dans les corpus et les préférences d’attachement en compréhension. Desmet et al. ont montré que si on prend en compte les fréquences d’attachement avec une configuration d’animation comparable avec le matériel utilisé dans les tâches de compréhension (p. ex. N1 et N2 animés), les attachements réalisés en compréhension sont bien le miroir des fréquences dans le corpus, confirmant la préférence pour N1. C’est le cas ici : quand N1 et N2 sont animés, N1 est le site d’attachement le plus fréquent dans le corpus et les questionnaires mesurent la préférence de N1. L’effet du relativiseur, congruent en production et en compréhension puisqu’il y a plus d’attachements à N2 quand le relativiseur signale un antécédent moins accessible, suggère que les fréquences considérées pour le modèle de tuning mixte doivent prendre en compte la forme des relativiseurs comme critère, en plus de l’animation. D’autres facteurs sont aussi envisageables (Gibson & Schütze, 1999), comme la fonction syntaxique ou la modification. En effet, cette étude de corpus a montré qu’il y a plus d’attachement à un antécédent modifié et des expériences en compréhension (Colonna, 2001 ; Gilboy et al., 1995 ; Pynte & Colonna, 2001) ont mis en évidence une préférence pour attacher la relative à l’antécédent modifié. Il s’agit d’un autre critère pertinent.