2.3. Hétérogénéité énonciative. Le fragment comme énonciation énoncée

Après avoir observé les marques « externes » du fragment, son fonctionnement général au sein du récit et les pratiques discursives hétérogènes auxquelles il renvoie dans notre corpus, nous allons maintenant nous préoccuper d’un autre facteur relatif à la fragmentation. Il s’agit de prendre en compte son énonciation énoncée, notamment ce qui concerne la présence diffractée de l’énonciateur dans le texte, les différents rôles et fonctions qu’il occupe et par conséquent, la prise en charge fragmentaire du discours qui en résulte. L’énonciation énoncée concerne également quelques formes d’intertextualité qui remettent en cause ou recatégorisent les éléments figuratifs du discours.

A notre avis, cette hétérogénéité énonciative contribue à construire des formes de dialogisme et de polyphonie en introduisant plusieurs voix dont le rapport n’est pas toujours de conformité. Par leur mise en discours, l’organisation du texte global permet de percevoir une dimension dialogique ou polyphonique qui confronte, affronte, oppose ou aligne des voix relevant de divers discours. L’utilisation du fragment par l’énonciateur devient donc une stratégie qui crée ces effets de « polyphonie » aussi bien à l’intérieur des fragments eux-mêmes (cf. collages) qu’au niveau de l’organisation d’ensemble du récit.

Pour faire une étude plus systématique de l’énonciation énoncée dans notre corpus, nous analyserons à tour de rôle comment les différents éléments contribuent à la création de cet effet de sens de « foisonnement de voix ».