2.3.2. Intertextualité, dialogisme et polyphonie dans le discours

Comme nous avons eu l’occasion de le remarquer jusqu’ici, le récit kadaréen met en place une architecture énonciative qui témoigne d’un usage subversif des normes du réalisme socialiste que nous examinerons plus loin. Soulignons cependant dès à présent que loin d’être une énonciation monologale, cette architecture énonciative fonctionne comme une dialectique basée sur le dialogisme et la polyphonie, capables de faire dialoguer les différents Discours qui se rencontrent à l’intérieur d’un roman.

Sur le plan discursif, cette mise en relation des Discours est obtenue par le recours aux figures appartenant aux récits mythiques et légendaires, ainsi qu’à d’autres formes de parole libre que l’énonciateur inscrit dans le récit à travers l’intertextualité. Or cette présence dans le récit principal d’autres textes, d’autres genres, d’autres voix, en somme cette forme d’hétérogénéité créée entre autres par l’utilisation d’un discours mythique, relève de l’intertextualité. Comme nous le savons, celle-ci désigne la manière dont un discours peut en schématiser un autre tout en le mentionnant et en le réalisant. Dans le présent travail, elle nous intéresse dans la mesure où elle intervient dans le processus de signification à travers la fragmentation du texte. L’intertextualité qui est présente dans notre corpus sera donc envisagée dans cette subdivision de notre travail en lien avec la forme fragmentée du texte. Mais auparavant, nous tenons à survoler cette notion sous un angle théorique. Pour cela, nous nous appuierons sur un article de L. Panier, L’intertextualité dans la théorie de M. Bakhtine.C’est le sujet de notre point suivant.