2.4.2.3. Le temps

Un autre élément qui relève des structures du récit, est le temps en tant qu’il se rapporte à une durée propre à la narration. Celle-ci est « mesurable en nombre de lignes et de pages » (1972 : 123). En effet, un narrateur peut consacrer plus ou moins de temps au récit d’un événement. Il peut également choisir le moment de la narration, l’ordre dans lequel sont racontés les événements, la vitesse du récit et la fréquence de telle ou telle scène.

Ce qui nous intéresse particulièrement dans la catégorie du temps ainsi définie, est l’étude de l’ordre qui désigne les rapports entre l’enchaînement logique des événements présentés et l’ordre dans lequel ils sont racontés. Deux cas de figure peuvent alors se présenter :

C’est évidemment ce dernier cas qui présente le plus d’intérêt pour notre travail. Comme nous le verrons plus loin dans notre analyse, tous les romans qui composent notre corpus présentent des jeux avec le temps. Les anachronies et autres discordances deviennent même un principe de construction dans l’œuvre de Kadaré.

D’un point de vue historique, le XXème siècle pratique abondamment les analepses dont l’intérêt est de remettre en question une conception du temps désormais désuète ; le temps subjectif s’impose face au temps objectif. D’après V. Jouve, « la déconstruction du récit classique entreprise par « l’ère du soupçon » d’abord, par le Nouveau Roman ensuite, passe en grande partie par une mise en question du temps linéaire » (1997 : 173).

La vitesse, quant à elle, permet de réfléchir sur le rythme du roman, ses accélérations, ses ralentissements, en prenant tour à tour la forme de différentes figures : « scène », « sommaire », « pause » ou « ellipse ». Concernant cette composante, la littérature contemporaine rejette l’alternance traditionnelle scène/sommaire au profit des formes extrêmes de ralentissement ou d’accélération.

Les jeux sur la fréquence se retrouvent également à toutes les époques. D’après V. Jouve notamment, la modernité porte une attention toute particulière au mode répétitif en jouant sur la focalisation interne variable selon laquelle un même événement est vu par différents personnages.

Au terme de ce court exposé sur la typologie des figures du récit, nous pouvons noter que le narrateur est synonyme d’informateur dans la perspective narratologique. C’est en effet la caractéristique principale de cette figure qui par ailleurs a proliféré au cours des années. Il suffit pour s’en convaincre, de consulter les différents types de narrateurs mis en place par G. Genette et d’autres narratologues. Même si à chaque fois ils correspondent à une forme particulière, en se déclinant tantôt comme narrateurs « hétérodiégétiques », « homodiégétiques », « intradiégétiques », « extradiégétiques », « dignes de confiance », « indignes de confiance », « représentés », « non représentés », « anonymes », ou encore « autobiographiques », - la liste est bien longue -, leur rôle est limité. Il semble correspondre à une relation minimale entre le narrateur et le lecteur où le premier raconte une histoire au deuxième.