1.4. Le choix du réalisme comme position philosophique

Selon F. Rastier, le réalisme esthétique n’est qu’une variante du réalisme philosophique. Dans une réflexion dont le but est de répondre à la question : la littérature est-elle un moyen de connaissance ?, l’article Réalisme sémantique et réalisme esthétique (2005)56 de F. Rastier auquel nous nous référerons à présent, montre l'unité profonde entre les théories philosophiques et les techniques artistiques.

Cela nous donne l’occasion de poursuivre notre enquête sur le réalisme socialiste et de nous interroger sur le type de réalisme dont relève cette doctrine, car comme l’indique F. Rastier, « loin d’être un choix philosophique anodin, le réalisme entraîne par son caractère métaphysique des conséquences cruciales […] notamment quand il entend déterminer leur production et leur interprétation par leur valeur représentative, et plus encore quand il rapporte leur cohésion à leur cohérence avec les mondes qu’ils sont censés représenter » (Ibid.).

Dans un deuxième temps, ce problème peut être intéressant à étudier dans la mesure où il touche au rapport entre réalité et vérité. D’un point de vue logique, les textes littéraires ne témoignent que de « vérités au sens faible », « frappant ainsi d'indignité le langage comme menteur en puissance ». Mais dans une optique qui s’intéresse à une sémantique des textes, il vaudrait mieux, selon F. Rastier, penser la question en d’autres termes. Il est d’avis qu’un texte « n’est ni vrai ni faux, mais pertinent ou non ; et sa pertinence ou sa vraisemblance se mesure aux croyances et attentes sociales, seules garantes en définitive des effets de réel » (Ibid.).

En s’interrogeant sur les fondements philosophiques du réalisme, F. Rastier rapporte que dans la triade aristotélicienne, la représentation littéraire dépend de trois facteurs : le statut ontologique de l’objet représenté, la transparence du langage de représentation et la place de l’observateur. Ces trois éléments peuvent constituer pour nous des observables à prendre en compte afin d’étudier la façon dont ils sont traités dans la méthode du réalisme socialiste. Selon F. Rastier, celle-ci serait la suite du réalisme aristotélicien57 par la mise en scène de types idéaux, mais avec la particularité qui est la sienne : refléter l’idéologie politique, l’art étant « soumis à l’incarnation la plus parfaite de l’Idée, en l’occurrence l’État totalitaire » (Ibid.).

Notes
56.

F. Rastier, Réalisme sémantique et réalisme esthétique. Texto ! [en ligne], décembre 2005, vol.X, n° 4.

57.

Comme dans le réalisme aristotélicien, le programme artistique du réalisme socialiste consiste à représenter des hommes en action, avec cependant une restriction du programme aristotélicien, par excès de personnages nobles.