Problématique

Certes, une monnaie unique pour l’ensemble de la région peut jouer un rôle de catalyseur dans le processus d’intégration régionale, mais si la volonté politique est indispensable dans la réalisation d’une telle monnaie, force est de constater son insuffisance. C’est pourquoi tout en prenant acte des déclarations d’intention des chefs d’Etats de la région, la présente thèse se propose d’analyser, en recoupant un certain nombre de facteurs et en utilisant des outils statistiques simples, la faisabilité et le bien-fondé économique d’un tel projet. En effet, à vue d’œil, de nombreux obstacles et de nombreuses incertitudes et interrogations pavent le chemin de cette monnaie unique-CEDEAO, du moins dans le court terme. Au rang de ces difficultés, il faut citer outre la situation politique et économique de la région globalement prise, l’existence de l’UEMOA et du Nigeria. Comment aplanir les luttes hégémoniques qui opposent ces deux organisations ? L’UEMOA dispose d’une quarantaine d’années d’expérience de gestion monétaire commune ; de son côté, le Nigeria représente plus de 50% du P.I.B régional et plus du tiers de sa population. Les pays membres de l’UEMOA risquent de faire valoir, dans les tractations, cette expérience afin de pouvoir imposer des orientations en matière de politique monétaire (à l’image de ce qui s’est passé dans la construction de l’UEM européenne avec l’Allemagne) tandis que le second peut arguer son poids économique pour revendiquer le rôle de chef de file. Par ailleurs, les pays membres de l’UEMOA trouveront-elle une incitation suffisante dans ce projet susceptible de justifier la résiliation des accords de coopération monétaire qui les lient actuellement avec la France ? Ne serait-il pas plus facile techniquement et économiquement moins coûteux d’étendre tout simplement l’UEMOA aux autres pays de la région, comme ce fut le cas de la Guinée Bissau 16? La France acceptera-t-elle d’accorder sa garantie à un tel ensemble ?

La création de la seconde zone monétaire n’est-elle pas une façon inavouée de concurrencer uniquement l’UEMOA ? Sinon comment expliquer la mise en place d’un institut monétaire devant déboucher sur une Banque centrale, la perspective de création d’une monnaie unique et la constitution d’un Fonds de compensation dans cette zone si elle était réellement transitoire ? La question vaut la peine d’être posée dans la mesure où beaucoup d’études consacrées à la recherche des causes expliquant les faiblesses de la CEDEAO concluent sur l’existence de nombreuses Organisations intergouvernementales (OIG) souvent concurrentes alors qu’au fond elles poursuivent les mêmes objectifs.

Les deux reports de dates de lancement de la seconde zone monétaire ne sont-ils pas la preuve que la voie choisie (adaptation de la stratégie de Maastricht) n’est pas appropriée ? Un troisième report ne condamnerait-il pas définitivement le projet ? Existe-t-il une alternative hormis le statu quo ? Bref, une zone monétaire unique au sein de la CEDEAO est-elle tout simplement possible ?

Notes
16.

L’union européenne étant le premier partenaire commercial de la région et le FCFA étant déjà ancré sur l’euro, mis à part les considérations politiques, cela semble en tout cas plus facile.