Plan et résultats

La présente contribution est organisée autour de cinq chapitres.

Le chapitre 1 dresse l’état du cadre monétaire de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest. Le but est de chercher à appréhender les raisons monétaires (puisque c’est de la monnaie dont il est question avant tout) qui poussent les Etats membres de la CEDEAO non seulement à abandonner les orientations monétaires qu’ils suivaient jusque-là mais surtout à vouloir lier leur destin monétaire dans une union. Pour atteindre ce but, les trajectoires monétaires suivies respectivement par les pays sont retracées et analysées. Le constat révèle deux types d’expériences monétaires présentant chacune une faiblesse majeure. L’expérience d’Union monétaire suivie par les pays de la zone franc CFA est limitée par la déconnexion du franc CFA par rapport aux fondamentaux des économies des Etats membres du fait de son arrimage à l’euro ; la zone souffre également de l’image de vestige de la colonisation qui lui colle à la peau. Quant à l’expérience d’autonomie monétaire des pays non membres de la zone franc, elle souffre du manque de crédibilité des politiques monétaires, conséquence de l’absence d’indépendance des autorités monétaires vis-à-vis des gouvernements. S’agissant du bilan de la coopération monétaire régionale, il révèle un espace monétaire fortement balkanisé et cloisonné (à cause de l’inconvertibilité des monnaies des pays à autonomie monétaire) entravant les objectifs d’intégration économique et commerciale visés par la Communauté. Et les moyens employés jusque-là pour contourner l’obstacle monétaire – notamment la Chambre de compensation, le chèque de voyage,… – se sont avérés inefficaces.

Le chapitre 2 tente de dégager les avantages que l’Afrique de l’Ouest pourrait tirer de l’adoption d’une monnaie unique régionale. Habituellement, cet exercice consiste à évaluer les gains résultant de la réduction des coûts de transaction liés au change et de la suppression du risque de volatilité des taux de change. Sur ces deux plans, les bénéfices théoriques à attendre se sont révélés faibles, compte tenu du faible degré d’intégration commerciale au départ. Cependant, la prise en compte d’un certain nombre de facteurs, notamment la complémentarité climatique (facteur de spécialisation) et la suppression des barrières tarifaires et non tarifaires (pour favoriser l’émergence d’un marché commun régional), laisse penser que l’intégration monétaire pourrait avoir un effet positif sur le commerce intra-régional. Mais c’est surtout dans l’accélération et l’approfondissement du processus d’intégration régionale que ce projet de monnaie unique trouve sa principale justification. En effet, l’étroitesse des marchés domestiques et l’instabilité politique et macroéconomique constituent les principaux freins au développement de l’Afrique de l’Ouest. Sa capacité à aplanir ces obstacles compense largement les faibles gains directs. Enfin, afin d’apprécier le degré de réalisme de l’espoir fondé dans ce projet, l’histoire des unions monétaires est interrogée. Les résultats fournis par les expériences analysées n’apportent pas une réponse tranchée (compte tenu de leur diversité), mais permettent néanmoins de discerner les facteurs de réussite et les causes d’échec des unions monétaires.

A l’opposé du chapitre précédent qui s’appuie sur les leçons de l’histoire pour justifier les effets espérés, le chapitre 3 soumet le projet aux exigences des critères développés dans la littérature relative à la constitution des unions monétaires. Ceci afin de savoir si les coûts économiques qui risquent d’être supportés ne l’emportent pas sur les gains espérés. Le cadre d’analyse retenu pour traiter cette question est la théorie des zones monétaires optimales. Le choix de cette théorie s’explique par le fait qu’elle permet d’apprécier les coûts pouvant résulter de la perte de l’instrument de taux de change qu’occasionne l’unification monétaire. En premier lieu, nous analysons le projet à la lumière de la théorie « traditionnelle » des ZMO. Notre conclusion est que les critères théoriques d’optimalité ne sont pas réunis dans la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest. Il est donc impossible de déterminer, sur cette base, si les pays membres de cette Communauté ont intérêt ou non à créer une monnaie unique. Pour compléter la portée théorique des résultats, les critères issus de la critique (adressée à cette théorie « classique » des ZMO) sont pris en considération dans la suite de l’étude. Ces critères sont répartis en deux catégories :

Il ressort des résultats obtenus que les pays ouest-africains ne remplissent pas de façon satisfaisante les conditions de réussite d’une Union monétaire. Toutefois, en estimant que les critères d’optimalité mis en avant par la théorie des ZMO sont endogènes, la "théorie endogène" conforte les promoteurs du projet ouest africains dans le choix qu’ils font de s’appuyer sur l’unification monétaire pour atteindre l’intégration économique. De même, la discipline et la crédibilité monétaires observée dans la zone franc CFA constituent également un motif d’espoir supplémentaire pour la CEDEAO.

Le chapitre 4 examine la capacité des pays ouest-africains à pouvoir supporter une union monétaire. Autrement dit, les marges de manœuvre dont ils disposent pour absorber les chocs asymétriques potentiels mis en évidence dans le chapitre précédent. Sachant que la conséquence immédiate d’une Union monétaire est la perte des politiques monétaire et cambiaire comme instruments de politique économique, l’exercice, dans ce chapitre, consiste donc à vérifier si les politiques budgétaire et fiscale (qui sont les seuls leviers à laisser à la disposition des Etats participant à l’Union) sont à même de faire face aux chocs asymétriques dans l’espace CEDEAO. Et ce d’autant plus que récemment l’efficacité des politiques budgétaires comme instrument de relance ou de stabilisation a été remise en cause par le courant dit de la "nouvelle macroéconomie classique" (la théorie d’équivalence ricardienne de R. Barro ou encore la théorie du cycle économique réel de Kydland, Prescott ou Lucas), ou en tout cas délimitée (avec les seuils endogènes de B. Hansen qui établissent un rapport entre l’efficacité de la politique budgétaire et le niveau d’endettement public de l’Etat). Après un bref rappel des arguments développés dans ce nouveau débat, une étude rétrospective des cadres budgétaires nationaux ouest-africains est effectuée. Celle-ci révèle un endettement extérieur élevé dans tous les pays et des déficits budgétaires chroniques. A cela s’ajoute le faible jeu des stabilisateurs automatiques (par exemple, augmentation des dépenses sociales en cas de diminution conjoncturelle de la croissance ou d’une moindre fiscalisation des revenus,…) dans cette Communauté comparativement aux pays développés. Or ces stabilisateurs automatiques sont supposés apporter la première réponse à un choc asymétrique. Bref, il apparaît qu’à l’état actuel, la soutenabilité budgétaire d’une zone monétaire n’est pas assurée dans l’espace CEDEAO et risque de ne pas l’être dans un avenir proche et ce, même si certains pays membres bénéficient en moment d’annulation d’une partie de leur dette dans le cadre de l’initiative d’allégement de la dette pour les "pays pauvres très endettés" (PPTE). Il apparaît enfin, que la création d’un budget (ou fonds) communautaire supplétif présente également peu de chances d’être une alternative fiable.

Enfin, le chapitre 5 s’intéresse aux obstacles non économiques qui entravent la réalisation de ce projet, notamment le faible engagement politique des Etats (conséquence d’un nationalisme étroit), les divergences culturelles et politiques entre pays "anglophones" et pays "francophones", la divergence des intérêts politiques de façon générale, etc. Le bicéphalisme (CEDEAO/UEMOA) du processus d’intégration régionale est également abordée tant pour la concurrence qu’il provoque que pour les doublons qu’il crée. Enfin, en tant que symbole sensé accroître le sentiment d’appartenance à une Communauté régionale, nous estimons que la future monnaie unique CEDEAO n’est pas seulement qu’un simple moyen de paiement. D’où l’interrogation sur l’effectivité de cette communauté et sur les fondements de la confiance pour la probable future monnaie unique. Au regard des obstacles identifiés, il apparaît que la stratégie d’intégration monétaire suivie actuellement n’est pas appropriée. Les concepteurs du projet commencent d’ailleurs à s’en apercevoir puisque la Commission de la CEDEAO vient de proposer une nouvelle approche en lieu et place de celle qui est suivie actuellement. La démarche que nous proposons n’a pas la prétention d’être la plus aisée, mais elle semble être plus pragmatique et moins coûteuse.

La communauté se compose : de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement, du Conseil des Ministres, le Mécanisme pour la prévention et le règlement des conflits, les institutions prévues par le traité révisé (susnommées), le Secrétariat Exécutif (rebaptisé "Commission").