1.1.2 Evolution postcoloniale

L’accession à l’indépendance des colonies s’est déroulée essentiellement entre 1954 et 1962. Evidemment l’indépendance comprenait le droit pour les nouveaux Etats de disposer de leur propre monnaie et de leur propre institut d’émission. Les anciennes colonies de l’Afrique du Nord et de l’Indochine choisirent d’exercer ce droit tandis que celles de l’AOF et de l’AEF ont préféré rester dans la zone franc mais en tant que partenaires et non plus en tant qu’administrés. D’où la raison des touches adaptatives apportées au cadre institutionnel par les accords signés entre 1959 et 1962 qui ont régi l’organisation de la zone jusqu’en 1972. Il s’agit, en substance, de la mise en commun des réserves de change, la libre convertibilité des monnaies selon un rapport fixe, le libre transfert de capitaux au sein de la zone, l’implantation des Instituts d’émission – la BCEAO et la BEAC – en France et la présence française dans leur Conseil d’Administration, l’ouverture d’un compte d’opérations auprès du Trésor français pour chacun de ces Institut d’émission et en contrepartie duquel la France assure une convertibilité illimitée des francs CFA.

Le désir des pays africains de modifier la répartition des pouvoirs au sein des conseils d’administration respectifs de la BCEAO et de la BEAC et de voir ces deux institutions s’impliquer davantage dans leur développement a débouché sur une modification des accords signés au lendemain des indépendances. Les nouveaux accords de coopération monétaires signés entre 1972 et 1973 ont conduit à une réduction de la présence française dans les conseils d’administration des deux Banques centrales (la moitié des sièges au début, deux actuellement pour la BCEAO, trois pour la BEAC ; la France ne dispose plus qu’une minorité de blocage), à un renforcement des pouvoirs des conseils d’administration en matière de distribution du crédit (crédits consentis aux Etats et crédits à moyen et long terme à l’économie) et au transfert des sièges de la BCEAO et de la BEAC respectivement à Dakar (1978) et à Yaoundé (1977).

Il n’y a pas que les rapports entre le centre et la périphérie de la zone seulement qui ont connu des évolutions. La cohésion et la stabilité de la zone ont nécessité également l’organisation de la périphérie. C’est ainsi que l’Union Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UMOA) et de l’Union douanière et économique des Etats d’Afrique centrale (UDEAC) ont été créées respectivement le 12 mai 1962 et le 8 décembre 1964. Ces cadres définissent les règles de l’émission monétaire, la centralisation des réserves de change, la libre circulation des signes monétaires et la liberté des transferts à l’intérieur des unions. Autre événement à signaler : l’élargissement de la zone. Le Mali a réintégré la zone en 1984 après l’avoir quitté en 1962 ; la Guinée-équatoriale et à la Guinée-Bissau ont été admises respectivement en 1985 et en 1997. Par ailleurs, l’admission de ces deux pays non francophones illustre le changement intervenu au niveau du critère d’appartenance à la zone franc. Jusqu’en 1967, cela exigeait l’inscription sur la liste officielle des territoires vis-à-vis desquels le contrôle des changes français n’était pas appliqué. Depuis 1968, cela demande simplement de passer des accords de coopération monétaire avec la France et de disposer d’un compte d’opérations sur les livres de son Trésor public.

Le 11 janvier 1994, une dévaluation de 50% du franc CFA et de 33,3% du franc comorien par rapport au franc français a été acceptée par les pays africains sous la demande insistante du Fonds Monétaire International et avec l’aval de la France. Ces institutions réclamaient cette dévaluation pour corriger les déséquilibres économiques et financiers apparus dans ces pays au cours de la deuxième moitié des années 80 suite à l’effondrement des cours des matières premières (qui constituent l’essentiel de leurs exportations) et à la dépréciation du dollar (monnaie de cotation et de facturation des matières premières). Signalons, au passage, que les parités n’avaient pas changé depuis octobre 1948 pour le franc CFA et septembre 1949 pour le franc comorien. Après la dévaluation, les rapports de conversion furent fixés à : 1 franc CFA pour 0,010FRF et 1 franc comorien pour 0,0133 FRF.

Dans le communiqué final, les Chefs d’Etat réaffirment leur attachement aux principes et à la stabilité qui caractérisent la zone franc. Pour renforcer les bases de la coopération monétaire, ils décident d’accélérer leurs efforts d’intégration économique dans leurs régions respectives. D’où la création de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA) et la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), respectivement le 10 janvier et le 16 mars 1994 avec pour missions la création de conditions économiques (gestion collective des politiques économiques) et institutionnelles (harmonisation des cadres réglementaires) nécessaires à la survie de la zone.

Le rattachement du franc CFA et du franc comorien à l’euro constitue la dernière importante évolution en date. En effet, en adoptant l’euro le 1er janvier 1999, la France a fait fondre sa monnaie dans une monnaie unique et commune à onze pays européens (15 actuellement). Mais elle avait obtenu néanmoins, de la part de ses partenaires européens, la possibilité de préserver ses accords de coopération monétaire avec les pays africains arguant le fait que ceux-ci concernent son Trésor et non sa Banque centrale. Contrairement à ce que les rumeurs laissaient entendre, l’arrimage du franc CFA et du franc comorien sur l’euro n’a donné lieu ni à une dévaluation, ni à une modification des accords en vigueur. Le taux de conversion entre l’euro et le franc français fixé le 31 décembre 1998 par le Conseil de l’Union européenne a permis de déterminer mécaniquement la valeur de l’euro en franc CFA et en franc comorien et inversement. Comme 1FRF valait 100 FCFA et que 1€ vaut 6,55957 FRF, alors 1€ vaudra 655,957 FCFA ; par le même raisonnement, on obtient 491,96775 FC pour 1€.