1.3.1. Bilan de la zone franc pour la France

Trois avantages sont facilement discernables pour la France :

  • La parité entre le franc CFA et le franc français(maintenant l’euro) : élimine tout risque de change entre la France et les pays africains membres de la zone (PAZF). Ce qui crée, théoriquement, un environnement favorable au développement de transactions commerciales pour tous les membres mais surtout pour la France, compte tenu de son niveau d’industrialisation. Cet accord a longtemps privilégié les entreprises françaises opérant dans les PAZF par rapport aux entreprises d’autres pays développés. Mais depuis l’ancrage du franc CFA dans l’euro, cet avantage profite aussi aux autres membres de l’Union monétaire européenne, même si les entreprises françaises gardent toujours la longueur d’avance qu’elles ont prise notamment en matière de développement de réseaux relationnels. A titre d’illustration, entre 1989 et 1999, la France a fourni 33% des importations des pays africains membres de la zone et n’a absorbé que 17% de leurs exportations. En 2000, les échanges commerciaux entre la France et ces pays ont représenté 32,8 milliards de FRF dont 11,3 milliards de FRF d’importations et 21,5% d’exportations. Globalement, la balance commerciale de la France vis-à-vis des pays africains de la zone est toujours excédentaire.
  • Le libre transfert des capitaux au sein de la zone combiné à la parité de change FRF/FCFA et au faible niveau de l’inflation dans les pays africains de la zone crée des conditions favorables à l’investissement pour les entreprises françaises. En effet, la zone leur offre non seulement la possibilité de rapatrier leurs bénéfices, mais aussi la garantie dans le temps de la valeur produite par leurs investissements. Les banques françaises également peuvent faire des placements en toute sécurité, du moins sur le plan monétaire. Selon une étude23 de la Banque de France, « au total, la zone franc accueille plus de 40% du total du stock des investissements français en Afrique » Cependant, l’ouverture des pays de l’Europe de l’Est et les crises politiques et sociales dans certains pays africains ont incité beaucoup d’entreprises françaises à quitter la zone ces dernières années. Par exemple, sur les 1260 filiales d’entreprises françaises opérant en Afrique subsaharienne en 2000, 731 étaient implantés dans la zone franc (soit 58%). En 2002 et par rapport à 2001, le nombre de filiales françaises a augmenté de 13% pour le continent africain (Nord compris) mais dans la zone franc c’est l’inverse que s’est produit : le nombre de filiales françaises a baissé de 17% en 2001 et de 9% en 2002 à cause surtout de la désaffection des investisseurs français pour la Côte-d’Ivoire et pour le Gabon. Dans ces deux pays, le nombre de filiales françaises est passé de 202 en 2000 à 72 en 2002, pour le premier et de 106 à 81, pour le second. Les secteurs des banques et du pétrole restent les seuls où la présence française est encore importante.
  • Enfin, les 65% des avoirs extérieurs des PAZF déposés au Trésor public français constituent un apport de devises. En effet, lorsque les comptes d’opérations présentent des soldes créditeurs, les fonds sont intégrés dans les disponibilités du Trésor français et utilisé dans le financement du déficit budgétaire de celui-ci. Toutefois, comme tout compte courant, le caractère fluctuant de ces ressources fait qu’elles ne peuvent représenter qu’un appoint marginal pour le Trésor français. En guise d’exemple, en 1997 le cumul des soldes créditeurs de la BCEAO, de la BCC et de la BEAC s’élevait à 17,786 milliards de FF ; ce qui correspondait à : 5% du budget de l’éducation de la France, 1% de ses dépenses budgétaires générales, 7,4% des charges budgétaires de sa dette et 0,47% de sa dette brute.

Du côté des coûts, deux sont facilement identifiables :

  • Lorsque les comptes d’opérations présentent des soldes débiteurs, le principe de garantie illimitée oblige le Trésor public à prélever sur les réserves de l’Etat français pour assurer le règlement en devises des transactions des pays de la zone avec les pays tiers. Il faudrait, là aussi relativiser le coût, car il s’agit en réalité d’un découvert, c’est-à-dire que non seulement les fonds avancés sont à rembourser mais aussi un intérêt est perçu lorsque le montant dépasse 10 millions de FRF (soit 1.524.490,1 €). Pour les montants inférieurs à ce seuil, les pénalités versées sont offertes et entrent dans le cadre de l’aide que la France accorde à ces pays. En plus de 40 ans d’existence, le compte d’opération de l’UEMOA n’a présenté de soldes débiteurs que sept fois : de 1980 à 1984 puis en 1988 et en 1989. Par exemple en 1988, l’exercice du droit au découvert par l’UEMOA n’a coûté à la France que 2,162 milliards de FF, soit 0,2% de ses charges budgétaires générales ; 0,04% de son PIB ou encore 0,15% de sa dette. Le compte d’opérations de la BEAC a présenté quatre fois des soldes débiteurs : 1987, 1988, 1992 et 1993. Le dernier solde de la BEAC, par exemple, s’élevait à 1,572 milliards de FRF et représentait à peine 0,10% des charges du budget général de l’Etat français, 0,5% du solde d’exécution ou encore 0,02% de son PIB. Même au plus fort solde débiteur, c’est-à-dire en 1983 (5,179 milliards de FRF), le coût n’a représenté que 0,56% des charges du budget général ou encore 0,7% de la dette de l’Etat français.
Tableau 1.1 : Avoirs extérieurs nets de la BEAC, de la BCEAC et de la BCC (de 1980 à 1997, en millions de francs français et de 1998 à 2005, en millions d’euros)
Au 31/12 Afrique centrale Afrique de l’Ouest Comores
1980 1871 -2039 25
1981 2533 -2851 47
1982 3238 -2769 71
1983 3827 -5179 88
1984 3780 -1683 30
1985 4175 1481 84
1986 2549 2089 111
1987 -1495 549 141
1988 -702 -1460 118
1989 313 -411 175
1990 2214 736 150
1991 2177 2757 138
1992 -179 1720 136
1993 -1572 1736 212
1994 1557 9001 250
1995 1575 11424 225
1996 2880 10985 280
1997 3855 13690 241
1998 275 2242 22
1999 383 2763 25
2000 1199 3388 31
2001 1037 3984 50
2002 1327 4924 52
2003 1241 5258 47
2004 1990 5259 49
2005 4036 2792  
2006 6351 2971  

Source : De 1980 à 1997, Bonneau (2000) et de 1998 à 2006, rapports annuels- zone franc.

  • le deuxième coût correspond aux intérêts versés en rémunération des soldes créditeurs des comptes d’opérations. Le taux d’intérêt appliqué est le taux d’intervention de la Banque de France sur effets publics à trois mois.

Notes
23.

Banque de France, note d’information n° 127.