L’instauration d’un régime de change flottant à partir de 1986

A la faveur du changement politique intervenu en 1984 et des mutations s’opérant dans le bloc socialiste en cette décennie47, la Guinée s’oriente vers le libéralisme économique. Assistée par les institutions de Bretton Woods, le "programme de réforme économique et financière"mis sur pied supprime toutes les restrictions sur le commerce, initie la privatisation des banques publiques et dévalue de 92%, le syli. Ce qui a permis d’aligner le taux de change officiel sur celui du marché parallèle supposé plus proche de la réalité (soit 300 syli pour 1 dollar). Le 6 janvier 1986, le "syli" est remplacé par le "franc guinéen"48. Le cours de change de ce dernier est déterminé selon deux modes : par le jeu de l’offre et de la demande sur un marché des enchères hebdomadaires, pour les opérations du secteur privé et par un taux fixe de 360 francs guinéens pour 1 dollar, pour toutes les transactions du secteur public et des compagnies minières. Toutefois, suite aux distorsions constatées après cinq mois de fonctionnement de ce système de taux de change double, les autorités décident d’unifier les deux cours, le 30 juin 1986. Le nouveau cours est fixé à 360 francs guinéens pour 1 dollar. Il s’agit toutefois d’un « fixing dirigé », c’est-à-dire que la Banque centrale fixe le taux de change, le volume et la nature des transactions éligibles. Elle intervient sur le marché pour limiter les fluctuations par rapport au dollar mais aussi pour tenir compte des objectifs macroéconomiques du pays, notamment en matière d’inflation et de compétitivité.

Cependant, malgré les interventions de la Banque centrale, le franc guinéen s’est déprécié de 63,13% par rapport au dollar entre 1986 et 1994. Pour accroître l’offre de devises, une série de mesures destinées à drainer les devises circulant dans les marchés parallèles vers le marché officiel, est mise en place. Il s’agit de :

  1. l’autorisation accordée aux acteurs du marché parallèle de devises d’ouvrir des bureaux de changeOn appelle aussi des "intermédiaires agrées".. L’hypothèse sous-jacente étant que l’officialisation des activités de ce marché permettrait d’améliorer son efficacité ;
  2. l’autorisation d’ouverture de compte en devises est accordée à tous les résidents.

Estimant avoir créé les conditions d’approvisionnement du marché en devises, la Banque centrale confie son animation aux banques commerciales, en 1994, tout en se réservant le droit d’intervenir directement sur le marché pour acheter ou vendre des devises dans le cadre de sa mission. Ce marché, appelé "marché interbancaire de devises (MID), fonctionne tous les jours ouvrables de 9H à 13H. Malheureusement, malgré ces efforts de libéralisation la décote du taux de change entre le marché officiel et le marché parallèle a continué à s’aggraver. Dans le nouveau marché des enchères de devises (MED) mis en place en 1999, les autorités monétaires expriment plus d’ambition en matière de libéralisation de la politique de change. En effet, en plus des mesures visées dans sa première version, le nouveau marché des enchères de devises s’ouvre aux intermédiaires agrées, c’est-à-dire les agents qui opèrent dans le marché parallèle de change (à qui les autorités monétaires autorisent désormais à agir à visage découvert dans des bureaux de change aménagés) ; la possibilité d’ouverture de compte en devises est accordée aux non-résidents aussi.

Notes
47.

Cette période coïncide avec le début de la désintégration du bloc socialiste ou, ce qui est équivalent, au triomphe du libéralisme économique sur le dirigisme économique. La plupart des anciens pays alliés au bloc socialiste (en Afrique, en Amérique latine, en Asie, en Europe de l’Est) s’ouvrent au libéralisme.

48.

Ce n’est, en fait, qu’un retour au "franc guinéen" du début de l’indépendance que le "syli" avait remplacé en 1972.